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« Bonheurs en Scènes » : drôles de d(r)ames

Suite (mais pas encore fin) de notre revue d’effectifs de l’Association Bonheurs en Scènes, à l’occasion de ses récentes rencontres à Saint-Julien-Molin-Molette. La prochaine fois, nous vous parlerons de Viviane Boris et AnneliSe Roche.

 

Sophie Martin-Hautinguiraut, ses chansons pour cailloux

Sophie Marin (photos Jan)

Sophie Martin-Hautinguiraut (photo Jan Swiatkowiak)

On connaît, ou pas, Sophie Martin-Hautinguiraut, pour toujours confinée dans la rubrique « chanson jeune public ». A tort, car une partie de son art échappe à cette classification, mais il faut dire qu’à ce jour elle ne le faisait guère savoir…

Avoir, quatre décennies durant, enchanté les gosses fait de vous un artiste plus qu’accompli, qui sans mal peut séduire le public de tous âges. C’est dire si son set piraillon fut roboratif et, pour tout dire, jouissif tant qu’on eu aimé le voir se prolonger naturellement jusqu’à son terme.

« Ça sert à rien de s’lever tôt / Faut du cul, faut du culot / Travailler plus pour gagner plus ». Sophie Martin fait bois de tout feu, de l’actualité présente comme passée, d’émotion (« Maille après maille, je retricote / Le pull-over de mon enfance / Y avait des nœuds dans la pelote / Du fil de soie à la lisière… »), de nostalgie (faut voir comme elle évoque ce mythique théâtre de la rue Mouffetard : « Quand on vous dit Madeleine de Proust / Ça vous fait penser à quoi / C’était La Mouffe »).

Aisance sur scène, comme si elle y résidait à demeure (« Et si tout s’en va / Il restera la chanson / Pour égayer ta maison ») et d’excellents musiciens à son service : Ugo Martin (son fils) et Fred Deschodt, l’un à la guitare, l’autre au theorbe.

C’est terriblement beau, presque trop parfait (jamais content, le Kemper !), prenant, émouvant parfois. Je dis souvent que la chanson n’est autre que ces cailloux blancs du petit Poucet, pour retrouver le chemin de son enfance, le fil de sa vie. A ce titre, Sophie Martin est à elle seule formidable cailloutterie. Et ces petites pierres-là sont souvent purs joyaux.

La page de Sophie Martin-Hautinguiraut sur le site Bonheurs en Scènes, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.

 

Laurence Keel : un jour couleur d’orange…

Laurence Keel (photo Jan)

Laurence Keel et Jonathan Mathis (photo Jan Swiatkowiak)

« Tout ce que l’homme fut de grand et de sublime / Sa protestation ses chants et ses héros… » Où l’on retrouve ici Laurence Keel qui, cette année encore, a fait l’entame de toutes les soirées de Barjac, par de larges brides de chansons de Ferrat, dites, non chantées… Là, c’est pareil, mais c’est tout un spectacle, récital de chansons où pas une seule fois l’interprète ne chantera… Que des chansons qu’on connaît de la bouche de Jean Ferrat, le sage d’Antraigues. Les plus politiques de toutes, les plus fermes, les plus engagées. Celles qui jamais ne s’arrangent avec les mots, n’abdiquent une idée, ne négocient quoi que ce soit. Des chansons de colère, d’absolue dignité. Restera-t-il un chant d’oiseau ?, Federico Garcia Llorca, Le bruit des bottes (qui, en ce moment, résume bien un certain état de fait français), En groupe en ligue en procession, J’entends j’entends, J’arrive où je suis étranger, Un jour un jour…

Avec Laurence Keel, l’accompagnement musical de Jonathan Mathis (artisan-musicien à l’itinéraire des plus impressionnant, il suffit de lire ses états de service), mais pas sur les mélodies d’origine. Selon les textes, Mathis est à l’ukulélé, au diatonique, à la caisse claire, à la saxinette, à la kora… Collection d’instruments et de sons, choisis avec grand soin, contrepoint élégant à la rudesse, à l’intransigeance des mots.

Au risque de me mettre pour toujours à dos les fans de Ferrat, je dis que rarement ces textes de Ferrat et d’Aragon, de Coulonges aussi, n’ont été aussi forts qu’ici, aussi prenants, aussi poignants : on y entre sans l’excuse de mélodies archi-connues, confronté dès les premiers vers à la violence du propos. C’est implacable. L’expérience vaut le coup d’être vécue même si elle vous remue plus qu’à l’accoutumée. Dans son élégante épure, ce « récital » est éprouvant et terrible. Terriblement beau et efficace.

La page de Laurence Keel et Jonathan Mathis sur le site Bonheurs en Scènes, c’est ici.

 

Flora Hüttl : allers retours

Flora Hüttl (photo Jan)

Flora Hüttl (photo Jan Swiatkowiak)

La plupart des artistes de ces « bonheurs en scène » ont eu sinon une chanson au moins une pensée, un mot pour Anne Sylvestre. Faut dire qu’à cent mètres de là débute justement le chemin qui lui est dédié. Flora Hüttl, elle, semble poursuivre ce chemin jusqu’à chez Michèle Bernard, qui habite au bout. C’est par Frangin frangine, « si tôt partis en éclaireurs pour l’infini », une chanson de l’illustre Piraillone, qu’elle entre en scène. Une chanson intime, pas facile ni à porter ni à chanter… Et qui donnera le ton à ce mini-récital, mélancolique, nostalgique, bien que l’EP de la jeune chanteuse se nomme « Imagine demain ».

Car c’est hier qui se joue à Marseille, bien que « ce n’est pas toi qui m’a vu naître ni abrité mon premier pas ». Là comme « Rue du progrès / Des tas de pierres, des gens dedans ». Loin de chemins pavés de coquelicots, ce sont les paysages urbains qui semblent être ceux de Flora.

Baptiste Ayméric pour l’accompagner à la guitare, des notes comme les tracés réguliers sur les cahiers d’école, hypnotiques, comme une pelure, une épure pour « Des émotions qui s’ouvrent aux lendemains précieux. Des matins qui se boivent comme un vin délicieux / Des douceurs alitées, des retours de caresses / J’en veux ma part… » Tout nimbé d’une douce mélancolie.

« Me voilà replongée des années en arrière / On avait nos vingt ans dans nos pattes d’oisillons… » Souvenirs, regrets… loin du lendemain, sa chanson encore hésitante cherche les traces d’avant, les sourires passés, des regards les uns inventés, les autres éventés.

C’est dire si on comprend mal le dernier titre, bruyant, enjoué, qui casse l’ambiance ou plutôt la restaure, la redynamise : Le café d’Oldelaf, avec lequel il eu été sans doute plus judicieux d’ouvrir le set.

La page de Flora Hüttl sur le site Bonheurs en Scènes, c’est ici.

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