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Stavelot 2021. Daniel Hélin : « Ta gueule et chante !!! »

Daniel Hélin à Stavelot (photos Benjamin Georges)

Daniel Hélin à Stavelot (photos Benjamin Georges)

Abbaye de Stavelot, « Une chanson peut en cacher une autre », 23 octobre 2021,

 

Daniel Hélin, vous connaissez ? Non ? Pourtant, l’artiste qui s’en vient ce samedi fouler les planches du festival, succédant à la tonitruante Marion Roch, fête cette année à la fois son accession au statut de quinquagénaire et ses 25 ans de carrière. Un beau trajet, donc, mais chaotique, à l’image du chanteur.

Car Daniel Hélin est fou. Un être hors du temps, d’un autre monde, d’une époque parallèle. Un homme exquis, au talent débordant, en recherche perpétuelle de va savoir quoi. Un artiste qui ne marchera jamais dans les clous, ayant laissé délibérément tomber le showbiz (il avait eu la chance de faire partie de l’écurie de Tôt ou Tard, mais les contingences liées au commerce de la chanson lui ont ôté définitivement le goût de faire partie du sérail). Un chanteur qu’on peut qualifier de « marginal », si l’on se réfère aux règles communément admises du métier. Qui pratique le circuit court : ses CD, vendus uniquement à la sortie de ses concerts ou par voie postale, il les fabrique littéralement lui-même, de l’enregistrement autoproduit à la pochette bricolée selon les préceptes du « Do it yourself ».

Car Daniel Hélin est un poète. Un vrai, un pur, un dur, pas un simple rimailleur. Un combattant des mots, un forçat de la plume, un héraut de l’écriture, un brandisseur de métaphores. Qui voit dans la poésie le meilleur moyen de sublimer le réel, de s’élever, d’atteindre la beauté. Comme une quête spirituelle et laïque. Et qu’importe si la profusion d’images nous sature quelque peu ou si le sens nous échappe fréquemment, tant sont belles les portes de l’imaginaire que l’artiste a entrouvertes en nous.

248549138_4527779537337891_8492364693889885082_nEt sur scène, ça donne quoi, tout cela ? Ça donne un spectacle foutraque, bien sûr, où la liberté est reine, au risque de chagriner les esprits trop rationnels n’appréciant que les choses carrées et rangées. Déjà, Daniel Hélin est le roi de la digression. Son cerveau semble fonctionner trop vite, passant sans cesse du coq à l’âne, et aller-retour. Comme il est très bavard, cela donne lieu à de longues introductions parlées, des intermèdes sans fin, des interruptions inopinées pour commenter ce qu’il vient de chanter. Au début, ça déconcerte, après on s’habitue, voire on en redemande (car, vous l’ai-je dit ?, l’homme est aussi comédien et très drôle). Quand ça dure trop longtemps, ses musiciens le rappellent à l’ordre par un discret « ta gueule et chante ! ».

Son spectacle actuel tourne autour de son nouvel album, sobrement intitulé Pingouin, enregistré sous l’égide de Gil Mortio et de Louis Evrard, qui l’accompagnent sur scène au clavier-synthé et à la batterie. Des chansons parfois simples et courtes, très copieuses le plus souvent, puisque Daniel Hélin est le roi de la chanson-inventaire. Il est le premier d’ailleurs à s’en moquer, n’hésitant pas à exhiber un énorme copion* avant de se lancer dans Le bonheur, longue litanie d’éléments censés y amener. Pour nous permettre de souffler, il agrémente heureusement son tour de chant de quelques morceaux plus immédiatement populaires, comme son célébrissime La vache (« Un cœur fragile à caresser / Un cœur perdu qu’un cri arrache / Un cœur à prendre ou à laisser / Que voulez-vous moi j’aime ma vache »). S’alterneront ainsi, dans un registre plus léger, une chanson sur un tardigrade qui se la pète (je vous laisse chercher ce qu’est cette étrange bestiole), sur un monde idéal et végétarien ou sur la triste vie d’un rollmops, si proche de la nôtre… Tandis qu’au rayon « fulgurance à tous les étages », nous prendrons en pleine figure les chansons Gueuler (et sa belle finale : « Il faudrait que davantage d’hommes pleurent / Le monde serait meilleur »), Terrils (impressionnante description poétique de l’ascension d’une de ces collines charbonneuses), La guerre (morceau prophétique de 2001) ou La laideur (48 manières d’y faire face !).

Résumons donc. Un concert de Daniel Hélin n’est jamais de tout repos. Ses chansons demandent un bel effort de l’auditeur et le personnage, bien qu’attachant et drôle, peut susciter quelques grincements de dents. Musicalement, nous sommes très rarement dans la mélodie à siffloter, mais plutôt dans le fond sonore pour accompagner de longues énumérations d’images, que le chanteur déclame plus qu’il ne chante (il fait de la scansion française, m’a-t-il dit un jour !).

Bref, Daniel Hélin ne ressemble qu’à lui-même. S’il n’existait pas, il faudrait l’inventer. Pas besoin : il existe. Partez à sa découverte !

* Anti-sèche, en argot scolaire belge

 

Le site de Daniel Hélin, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

« Tardigrade » : Image de prévisualisation YouTube

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