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Mendelson : Bouquet final

MENDELSON 2021 Le dernier album« Tout s’efface », chantait Yves Montand. Tout a une fin. Alors, plutôt qu’attendre celle-ci dans la déliquescence, pourquoi ne pas débrancher la prise, qu’au moins le terme du voyage soit volontaire ?

Telle est la réflexion que se sont faite le groupe Mendelson et son leader Pascal Bouaziz. La formation, après 25 ans de succès d’estime, de renommée limitée et de public restreint, décide donc de tirer sa révérence. Mais avec panache, en la mettant en scène, en partageant ses réflexions et ses désillusions. Une démarche artistique extrême, exigeante, ambitieuse, conforme à la ligne de conduite qu’a toujours suivie le groupe durant son existence.

Voici donc leur septième et ultime œuvre, intitulée avec à-propos Le dernier album. Un opus limité à cinq titres, qui s’ouvre sur Le dernier disque et s’achève sur La dernière chanson. Le message est répété, autant teinté d’émotion que de dérision. Sans chercher à nous bercer d’illusions, Mendelson s’auto-présente en effet dans le morceau d’ouverture, sur un fond jazzy/contemporain, avec une férocité frisant la complaisance, par un lucide et ironique : « Mendelson, groupe obscur, inconnu, mythique, culte. Mon cul ! ». Vient ensuite le planant et dépouillé Les chanteurs, constat d’impuissance (« Je ne sais plus quoi dire que je n’ai déjà dit ») mêlé d’admiration pour les artistes qui poursuivent leur chemin parsemé d’embûches. L’héritage est un rock costaud et noir, discours d’un père à son fils sur ce qu’il va lui laisser : rien ! Ou si peu « quelques chansons muettes à la Sacem, quelques centimes chaque année ». Mots terribles et fiers à la fois : « J’ai échoué, mon fils, j’ai échoué, mais j’y ai mis tout ce que j’avais ».

L’album et l’aventure discographique se clôt sur La dernière chanson, 12 minutes nostalgiques et documentaires dans laquelle Pascal Bouaziz salue tous les collaborateurs qui ont traversé l’existence du groupe, avec coup de chapeau particulier au co-fondateur Olivier Féjoz. Un morceau à l’intérêt limité, avouons-le, original certes, et unique probablement dans l’histoire de la musique, mais en fin de compte aussi dispensable qu’un discours de remerciement aux César.

Fin de parcours en demi-teinte, alors ? Heureusement non ! Car cette ultime galette contient en deuxième position un morceau d’anthologie, une chanson-fleuve de près de 20 minutes intitulée Algérie. Une chanson tout en crescendo, débutant sur un simple martèlement de batterie, s’étoffant des autres instruments au fur et à mesure de son déroulement, montant en puissance jusqu’à l’apothéose, avant de s’achever sur la voix nue du chanteur. Irrésistible. Dans ce long poème, Pascal Bouaziz évoque sa troublante nostalgie pour un pays qu’il n’a pas connu, sa judéité non revendiquée, la découverte des lieux de ses racines lors d’un voyage, la musique de là-bas (le chaâbi) et ses chanteurs (Idir, Ferhat…), le déclin de cet Etat, la souffrance des exilés, l’espoir d’une réconciliation… Un texte bouleversant, mêlant l’intime et le politique, magnifié par l’interprétation tout en douleur et émotion de son auteur.

Après avoir éprouvé dans sa chair les frissons que procure une telle chanson, comment ne pas nourrir de regrets lancinants sur cette fin programmée de Mendelson ? So long and thanks.

 

Mendelson, Le dernier album, Ici, d’ailleurs, 2021

Le site de Mendelson, c’est ici .  Ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là; et de Pascal Bouaziz. « Héritage » Image de prévisualisation YouTube 

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