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Le slam chansonnier de Govrache

Montbrison, première date de la tournée Apagogie

Montbrison, première date de la tournée Apagogie

Festival Les PolySons, théâtre des Pénitents, Montbrison, 1er février 2022,

 

J’ai parfois l’impression que certaines chansons banalisent le sujet que portent leurs rimes. On exploite une idée dans l’air du temps, une petite révolte, on se donne bonne conscience, et puis on passe à autre chose, comme tout bon chanteur dégagé.

Govrache fut chanteur, il slame désormais. Et slame bien. Pour moi il chante, ses morceaux ont le format de chansons, en ont les codes. Lui seul peut faire aimer le slam aux amateurs de chansons, et la chanson aux amateurs de slam. Ce qu’il chante slame ne risque pas, je crois, de vous quitter après l’avoir entendu. Govrache martèle le bon sens, le pétrit d’humanité, le baigne de pure poésie et l’imprime dans notre dure-mère.

Ce mardi-soir, Govrache est au théâtre des Pénitents, à Montbrison. C’est là qu’il entame sa tournée, concert de lancement de son nouvel album, Apagogie. Apagogie. Nom féminin [grec apagôgê eis to adunaton, réduction à l’absurde] Dans la logique scolastique et traditionnelle, raisonnement par lequel on démontre la vérité d’une proposition en prouvant l’absurdité de la proposition contraire.

Govrache démontre l’absurde de notre monde par l’exemple. Et ses textes-raisonnements sont précis, illustrés, implacables, chaque fois dans un déroulé qui entremêle la rigueur et l’émotion. Chaque fois il est exemplaire, chaque fois il fait mouche. Pas de logorrhée, juste la mise en voix de ses mots, le bon ordonnancement, la preuve par l’absurde qui, plus que tout autre discours, s’imprime en vous. Et les vers fusent, impeccables, implacables : « Depuis qu’on fabrique du bétail dans des usines à barbarie / Depuis qu’les vaches sont des machines à faire mâcher les carnivores / Depuis qu’les lâches ont moins de plomb dans la cervelle que dans l’fusil / Depuis qu’la nature est régie par la loi du plus gore ».

Il célèbre Ma France, convoquant à lui, outre le Ferrat de la chanson éponyme, Leprest, Brassens, Rimbaud et Verlaine. Et fustige le Black Friday : « Je surproduis, tu surconsommes, on surpoids / Et l’esclave du système est convaincu d’en être le roi ». Il s’insurge, lui qui ne rêve que d’indispensable superflu, de ce qu’on a érigé en Non essentiel : « Ils finiront bien par nous dire que le ciel n’est pas essentiel / A force de baisser la tête, on finira par s’incliner / Ils finiront bien par prôner l’amour de l’autre en distanciel / S’ils peuvent supprimer les livres, ils peuvent tout supprimer ». Govrache est sur scène ce qu’il est dans la vie : un indigné, un insoumis.

GOVRACHE_COUVERTURE_ALBUM_WEB_9e1fabd233En écoutant Pigeons (et sa moralité : « Qu’on soit pigeon ou citoyen / Qu’on ait des ailes ou bien des couilles / Faut s’en servir, sinon ça sert à rien ! »), on sait le courant dans lequel s’inscrit Govrache : il y a plus d’un siècle, la paysan-anarchiste Gaston Couté aurait pu écrire les mêmes vers. Il les a d’ailleurs presque écrits : chez lui ça s’appelle Les électeurs et ses pigeons « les vach’, les moutons, les oué’s, les dindons ». J’ose : Govrache a l’esprit d’un chansonnier et l’uppercut du slam.

Un Govrache performant, bien que noué par le trac (c’est sa première, son concert de présentation d’album), un décor probant et efficace (des géométries de lumières), des musiciens au niveau, tout ici concourt à un spectacle certes perfectible mais déjà mémorable : du grand Govrache qu’il s’offrait à quelques heures de son anniversaire !

 

Govrache, Apagogie, Yapadka/L’Autre distribution 2022. Le site de Govrache, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

 

« On a compris » : Image de prévisualisation YouTube

« Mon dieu à moi » : Image de prévisualisation YouTube

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