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Jann Halexander, souvenez vous de vivre

Jann Halexander en interview sur IDF1 en 2021

Jann Halexander en interview sur IDF1 en 2021

On l’appelle Jann Halexander, du nom de cette plasticienne sud-africaine, Jane Alexander, sculptrice et photographe de personnages hybrides. Appelez-le Jann, même s’il n’est pas un ange… « Je chante et c’est tout / J’aime comme un fou »

Pour ceux qui auraient raté un épisode, Aurélien Makosso-Akendengué est né en 1982 à Libreville au Gabon, d’un couple mixte. Il a vécu à Ottawa, puis entre Libreville et la France, fait ses études de géographie à Angers, puis l’appel de l’art a été le plus fort. Acteur, réalisateur, compositeur de musique de film, amateur de musique classique comme de chanson de paroles (Brel, Anne Sylvestre, Gilles Vignault, Pauline Julien…) de voix et d’engagement (Catherine Ribeiro) ou de « variétés » pleines de profondeur (Françoise Hardy, Mylène Farmer), il ne se contente pas d’interpréter ses œuvres propres, son interprétation souligne l’importance de la chanson quelles que soient les fausses étiquettes dont on peut l’affubler. Son métissage est sa richesse comme sa souffrance, en itinéraire personnel comme en art, ce qui conforte son parcours indépendant et totalement original. Marginal, même, si l’on se réfère à cet album de vingt-et-un titres en 2008. C’est aussi un artiste qui se produit beaucoup avec d’autres, en 2017 au Café de la Danse pour le Gabon avec notamment la chanteuse Tita Nzebi, avec Veronika Bulycheva pour Du Gabon à la Russie, avec Claudio Zaretti, qui assure également pour lui la guitare pour Chants nomades, ou Bertrand Ferrier son pianiste également chanteur…
Il mène sa carrière à l’écart des circuits commerciaux, avec passion, créant le lien avec son public, avec ténacité : il est sans doute un des artistes qui a fait le plus de concerts pendant les allers-retours de la pandémie, quitte à les faire en privé. Ses chansons si personnelles, mémoire de sa vie, il les rend universelles, de telle sorte qu’on s’y reconnaisse. Il nous parle de la mort, de la vie, du sexe (
triste ?) et de l’amour, de la famille, des gens qui l’inspirent : Anne Sylvestre, Dewaere, Jeanne Hébuterne la fiancée amoureuse de Modigliani, morte d’amour… Et du monde comme il va ou ne va pas sans jamais donner de leçon.

HALEXANDER Jann 2021 06 ConsolatioC’est son septième ou huitième album complet en tant qu’auteur-compositeur-interprète, en dix-sept ans de carrière*. De ce répertoire de pas loin de deux-cents chansons, nombreuses sont celles qu’il chante encore, devenues des incontournables que son public lui réclame. De J’avance, et À table, de 2007, où il sait rendre compte de ces horribles réunions qui vous font dire « Famille je vous hais », à Aucune importance, sur le sens de la vie et la mort. De l’assez désespérée Un bon chanteur est un chanteur mort à Papa, Mum, situation de famille, du romantisme déchiré des chansons d’A vous dirais-je à ce Poisson dans mon assiette, bien plus qu’une chanson écolo, ou C’était à Port Gentil (2018). 
Les sept nouveaux titres sortis à mi 2021 tournent encore et toujours autour de la mort, comme une condition à notre vie, et même à une jubilation de vivre, quitte à ne pas avoir la foi. Cet appel prend un nouveau sens après (espérons !) la pandémie. La
Consolatio est un genre d’écrit ancien constitué de petits récits, parfois cyniques, destinés à alléger la peine ou les soucis : s’il s’agit de petites péripéties de la vie ça pourrait être pire : « tu serais en train de fuir / des bombes sur ton village / et des violeurs aguerris / Allons donc prends du pastis / quoi, elle est pas belle la vie ? ». Des conseils bien légers ? Non, c’est à prendre comme toujours au deuxième degré, et ce cri du refrain a une allure mystique.
Cette Mort du salaud écrite en 2015, qui fusionne malaise familial et mort, emprunte ainsi à Brassens sa relative jovialité : tous les morts ne sont pas des braves types, et celui-ci est un salaud, dont la femme trompée « attend le précieux moment / Avec une bouteille de crémant ». Jusqu’au mourant qui assume [s]on fardeau et sera l’premier dans le caveau ! Avec une jolie référence littéraire musicale : «Voyez comme ma joie demeure ».
Avant
a un thème proche de La tombe de Bossone, pose la question de l’identité et de la trace laissée dans une vie humaine, effleure une possible réincarnation, et finit en consolation bis : « qui étais-je avant / dans l’espace et le temps / que restera t-il dans l’éternité du néant / Peut-être mon amour pour toi», thème repris dans Je t’écris de l’Île de Pâques, se nourrissant de ce voyage dans le temps et l’espace vers ces têtes dont on n’a pas vraiment percé le mystère. L’amour et la mort, la mort et l’amour du Souvenir d’Hadrien : « À l’aube d’un départ vers un monde incertain / Quelles que soient nos époques non rien ne meurt jamais / Quelles que soient nos époques non rien ne meurt jamais comme l’amour qu’on se voue comme l’amour qu’on s’avoue ».
Sa couverture d’album est pour une fois souriante, colorée, avec les collages volontairement naïfs de sa mère plasticienne, et il s’appuie sur une barrière. Voyez-y ce que vous voulez. C’est tragique, comique, grinçant, plein d’autodérision. D’une suprême mélancolie et pourtant réconfortant. Sa voix ne ressemble à aucune autre, aussi lyrique que jazz ou cabaret, haute et grave, en toute liberté et souvent sans micro. Aussi libre en musique que sur le fond, mêlant les orgues d’église, les dissonances jazz (merci Bertrand Ferrier, et Laurence Gastine au Saxo) aux flonflons des Cabarets, et ça fait un bien fou.

* Dix-sept ans qu’il aurait dû fêter en mars 2020 au Théâtre Michel à Paris – Finalement le concert a eu lieu à l’automne 2020.

Jann Halexander, Consolatio, Label TH/Lalouline Distribution. Préfaces de Tita Nzebi et Bertrand Burgalat. Le site de Jann Halexander c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.

« J’ai pas la Foi » au Théâtre Michel, Paris en octobre 2020 Image de prévisualisation YouTube
« Consolatio » au Théâtre du Gouvernail à Paris en juillet 2021 Image de prévisualisation YouTube
Voir aussi « Rester par habitude », partagé en avril 2021

 

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