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Le chant des vagues 2022. Leïla Huissoud : l’envers du décor

Leila Huissoud © Pierrick Ménard, association Erquy en Scène

Leila Huissoud Photos © Pierrick Ménard, association Erquy en Scène

Festival Le chant des vagues, Erquy (Côtes d’Armor), 3 juin 2022


Un festival qui se crée, c’est un événement, surtout en ces temps difficiles où d’autres mettent la clé sous la porte. Le Chant des Vagues a attendu son heure, prévu en 2020 et reporté deux fois. Mais les artistes ont tenu leur engagement, malgré le temps passé, et c’est à Leïla Huissoud qu’est revenu l’honneur d’ouvrir le bal.

 Sur scène, ils sont trois, tels les trois clowns d’antan : Sylvain Pourrat à la contrebasse, le contre-pitre ; Rémi Mercier au piano et à la batterie, le clown blanc qui sourit, bien que ce soit sa dernière sur cette tournée ; et Leïla Huissoud au chant, Auguste en robe rouge pour ce concert éponyme. Ils se regardent, ils se sourient, complices. Sur le plateau, une loge d’artiste où la chanteuse se prépare en entonnant la première chanson, annonçant la couleur d’une soirée pourpre : vider les tripes, dévoiler l’envers du décor.

 Il y a des disques dont on apprécie mieux les paroles chez soi, concentré sur le texte. Auguste n’est pas de ceux-là. Leïla Huissoud donne corps aux mots, les souligne à force de silences, de déhanchements, de bras qui se tordent, d’expressions faciales folles. On lit sur son visage la force de La farce, la mélancolie de Jolies frangines. En La mineur, elle danse à bout de souffle chaque calembour et son regard fripon révèle les doubles sens. Car les textes sont non seulement poétiques, mais à tiroirs. Alors Leïla explique, révèle, et voilà qu’un enfant communiste sonne bien différemment lorsqu’on comprend qu’il parle d’amour pendant les règles : « Notre démocratie populaire / Fêtera d’un accouplement / Chaque début de mois lunaire / De quoi venir gonfler les rangs. » Elle déconstruit pour nous les tours de rond-points, « chanson sur l’ambition dont la fin doit être l’inverse du début » et l’on se prend à traquer l’Oulipo dans les rimes.

En co-plateau pour cette première soirée, Wally nous a régalé pendant une heure avec ses « chansons courtes », un florilège virtuose de blagues et calembours accompagnés à la guitare. Il n’hésite pas à ouvrir un festival de chanson française avec un texte anglophone, A Stew Recipe — comprendre « de la daube en anglais », dont il chante la recette par le menu — ou à raconter une blague de Toto sur une musique du groupe Toto. Il fait penser à un Desproges musicien lorsqu’il aborde sans tabou la mort, le suicide ou les religions : « je me ferai enterrer dans une fosse commune, ce sera plus convivial ; si on se réveille, on pourra prendre un vers ensemble. » Après quelques chansons plus longues, il conclut par un superbe hommage à Bashung : « On m’a vu dans le Vercors / On m’y verra plus ». On espère bien le voir encore, là-bas ou autre part.

En co-plateau pour cette première soirée, Wally nous a régalés pendant une heure avec ses « chansons courtes », un florilège virtuose de blagues et calembours accompagnés à la guitare. Il n’hésite pas à ouvrir un festival de chanson française avec un texte anglophone, A Stew Recipe — comprendre « de la daube en anglais », dont il chante la recette par le menu — ou à raconter une blague de Toto sur une musique du groupe Toto. Il fait penser à un Desproges musicien lorsqu’il aborde sans tabou la mort, le suicide ou les religions : « je me ferai enterrer dans une fosse commune, ce sera plus convivial ; si on se réveille, on pourra prendre un vers ensemble. » Après quelques chansons plus longues, il conclut par un superbe hommage à Bashung : « On m’a vu dans le Vercors / On m’y verra plus ». On espère bien le voir encore, là-bas ou autre part.

Chaque concert a ses surprises, seule en scène « [s]on plat du jour, [s]on humeur du moment » : ce soir, Le Nain - et l’on comprend que la mélancolie guette – une chanson de Nougaro, et l’intermittière d’Éric Toulis  : « Ton beau théâtre municipal / Privé de spectacles le soir / Sera reconverti en salle / Pour les réunions Tupperware ». Choix étrangement pessimiste dans ce théâtre justement bien loin de la capitale ; mais pas si hors de propos lorsque l’on songe que la programmation y est gérée par une association de bénévoles.

Retour à la scène après deux ans d’absence que les fermetures administratives ne suffisent pas à expliquer. Aujourd’hui elle chante pour elle, avant tout — au public de se laisser embarquer. La traversée est parfois houleuse : on navigue entre plaisir et inquiétude confinant au malaise, car le verbe incisif sert souvent d’armure contre le désespoir, nous renvoie à nos propres doutes existentiels. Alors quand tout bascule, elle s’accroche — à sa guitare, au regard d’un spectateur au premier rang qui rit plus fort que les autres : « Vous me direz il t’reste ta guitare / Ton amour c’est ta musique / Moi j’vous dis qu’c'est mon désespoir / Une vieille fille alcoolique. » Elle s’accroche, surtout et jusqu’au bout, à la liberté. D’une reprise de l’Infidèle de Patrick Font, à Caracole, qui s’ouvre sur un poignant solo de contrebasse et s’achève sur ces mots, dansés les bras dans le vent : « Il te préfère libre qu’à lui / Crois bien qu’il y a pensé / Quand on est fait d’autant de vie / On n’a pas besoin d’en posséder ».

Un grand plaisir de ce petit festival tout neuf, organisé par l’association Erquy en Scène, c’est sa convivialité. Après le spectacle, les artistes sont là pour échanger avec les spectateurs autour d’une dédicace ou d’un verre. L’occasion de découvrir l’envers d’un autre décor, celui des galères de sonorisation ou de lumière, des imprévus de dernière minutes. Il faut souligner le travail remarquable effectué par les techniciens et les organisateurs bénévoles, ainsi que les musiciens qui ont tous su garder sourire et bonne humeur pour nous offrir ensemble ces beaux moments de fraternité.

 

Le site de Leïla Huissoud c’est ici ; ce que Nos Enchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là. En concert le 25 juin à l’Abbaye (Suisse) et le 15 juillet à Vallées-d’Antraigues-Asperjoc.

Le site de Wally, c’est ici ; ce que Nos Enchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Le site du Festival, ici.

Leïla, « Un enfant communiste » Image de prévisualisation YouTube

Leïla, « Le nain »  Image de prévisualisation YouTube

 Wally, « Chansons courtes » Image de prévisualisation YouTube

 

 

 

 

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