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Astaffort, les langues de France

Jean Bonnefon à Astaffort

Jean Bonnefon à Astaffort

Entretien avec Jean Bonnefon,
Président de l’association Voix du Sud (Organisatrice notamment des rencontres d’Astaffort (Lot-et-Garonne)

Recueilli par Robert Migliorini pour NosEnchanteurs

« La relève bilingue est assurée » 

-NosEnchanteurs : Les 52 èmes rencontres d’Astaffort(Lot-et-Garonne) se terminent ce vendredi 8 octobre avec un concert qui met les langues de France à l’honneur. C’est une première ?

-Jean Bonnefon : c’est le troisième stage en 30 ans d’existence des Rencontres que nous consacrons autour de cette thématique des langues de France chantées. La proposition s’est imposée peu à peu pour être concrétisée il y a une quinzaine d’années. J’ai très vite été sensibilisé étant moi-même  chanteur en langue occitane (Sept albums sur les dix que j’ai enregistrés. Les trois autres étant consacrés à Brassens).

-Quel premier bilan tirez-vous de ces initiatives ?

-Nous constatons la motivation des artistes qui participent à ces stages. Ils savent pourquoi ils ont choisi de chanter en breton, en basque, etc. Ils associent une démarche artistique et militante pour la défense d’une culture qu’ils veulent partager.

-La militance s’inscrit dans le renouveau des années 70 ?

-L’air du temps a un peu changé. Aujourd’hui la démarche est autant un choix artistique qu’un engagement militant. Je peux partir de mon expérience. J’ai débuté comme auteur compositeur interprète en 1977. À l’époque avec un ami j’avais proposé cinq chansons à Claude Marti, de passage à Périgueux. Il nous avait invités à chanter nos œuvres nous-mêmes. Pour qu’il y ait le maximum de chanteurs en langue occitane. J’estime désormais que la relève bilingue est assurée.

« Les jeunes artistes francophones qui choisissent de chanter en anglais ne prennent pas la bonne direction. »

-Tout en déplorant une domination croissante de l’anglais ?

-Nombre d’artistes passent désormais sans problème du français, au basque ou une autre langue de France. Le rajeunissement est en cours. Le plus âgé des stagiaires des Rencontres a 45 ans. Paradoxalement ce sont les langues d’oil (moitié Nord de la France) qui sont désormais en plus grande difficulté. Plus globalement, je relève que chanter en anglais n’est plus l’Alpha et l’Omega pour mener une carrière. Y compris internationale. Ce qu’illustrent des groupes comme I Muvrini (les parrains de notre session actuelle) ou les Gispsy King. À mon sens les jeunes artistes francophones qui choisissent de chanter en anglais ne prennent pas la bonne direction. Ils auront toujours un train de retard  par rapport aux anglophones!

-Pour autant l’avenir de ces langues de France est-il assuré ?

I Muvrini 2022 affiche Astaffor webt-Oui et non. Notre État jacobin a toujours du mal à concrétiser son soutien aux langues de France. Rappelons que la France n’a toujours pas signé la charte des langues les moins répandues parce que jugée non compatible avec notre Constitution. A certains égards nous restons dans la ligne imposée jadis par le roi François 1er (édit de Villers Cotterets) qui a imposé la langue du roi à ses sujets. Il y a encore du travail pour la reconnaissance des langues de France. Les artistes peuvent assurer leur part. Souvenez-vous de l’écho positif sur ces thèmes auprès de l’opinion de la chanson « Rockstars du Moyen-Age » dans le récent album de Francis Cabrel. Il faut toujours des évènements de ce type pour réveiller le débat. Nous sommes un pays riche de plusieurs cultures. Il s’agit encore de s’en rendre compte. Nous le faisons à notre mesure. Ce vendredi, par exemple, nous mettons les langues de France à l’honneur avec une création originale associant les stagiaires et le groupe I Muvrini. Dans « Une nuit en Astaffort » nous avons imaginé que des artistes sont bloqués dans la gare. Pour passer le temps ils font ce qu’ils savent faire, des chansons. Du basque au corse en passant par le catalan, le créole, l’alsacien et l’occitan. Une captation de ce concert sera diffusée ultérieurement sur France 3. Que tous ceux qui œuvrent dans ce sens se fassent connaître. Nous nous sentons parfois un peu seuls.

-Voix du Sud marque ses 30 ans d’existence. Quels nouveaux défis s’annoncent pour une telle association ayant inscrit l’objectif de promouvoir la chanson, de former et de favoriser les collaborations ?

-D’une part, avoir les moyens y compris financiers de durer. Notre notoriété et les partenariats engagés nous donnent bon espoir. D’autre part, promouvoir de nouvelles activités et sollicitations. Comme ces interventions chansons auprès de publics différents. Comme celui des hôpitaux ou des prisons. Sous forme d’ateliers. Ce sont d’anciens stagiaires des Rencontres qui sont sollicités dans ce sens. Nous sommes conscients que d’autres initiatives aujourd’hui inattendues se profilent. Enfin je soulignerai notre souci de donner leurs chances à des débutants. Ce qui nous a amené à ouvrir sur toute l’année ce que nous appelons un laboratoire pour recueillir leurs chansons et les accompagner.

 

Cinquante-deuxième session des Rencontres d’Astaffort, du 30 septembre au 8 octobre 2022.
Le site de l’Association Voix du Sud, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs avons déjà dit des Rencontres d’Astaffort, là.
 

 

I Muvrini, invité de cette édition

Le groupe corse succède pour cette troisième session dédiée aux langues de France à Joan Pau Verdier puis à Michel Maffrand du groupe béarnais Nadau. Un spectacle faisant cohabiter plusieurs langues de France sera joué ce 8 octobre au Music-Hall d’Astaffort, en première partie du récital du groupe I Muvrini.

I Muvrini 2022 Piu-FortiLe groupe corse vient de sortir un nouvel album, « Piu Forti » (plus fort), seize titres dont plusieurs bilingues, et trois en français, avec Il voyage en solitaire, de Gérard Manset, et la reprise de l’engagée Fin du monde et fin de mois, écrite en 2018 : « Cette année le Père Noël / A le cœur lacrymogène ». I Muvrini avec son leader Jean-François Bernardini s’engage entre autres auprès des jeunes et moins jeunes pour les sensibiliser à la non violence. Plus de cinq-cents conférences ont été données dans des écoles, collèges, prisons, clubs sportif.

Sur France Info en juin dernier Jean-François Bernardini expliquait combien la diversité est une richesse : « On est un petit ruisseau qui coule. On est un petit arbre qui continue à grandir, qui sait l’attachement à sa terre, l’attachement aux profondeurs dans ce monde de superficialité et qui, en même temps, tend les bras vers le ciel. Mon père, nos pères, ou ceux qui ont chanté avant nous, sont à la fois entre ciel et terre et ils nous inspirent et nous donnent des forces. On n’a jamais voulu se laisser enfermer dans ce rapport trop étroit, quelquefois exagéré d’ailleurs, à la tradition, au folklore, à la terre. On a voulu être non pas de ces gens qui séparent, qui hissent des murs, mais de ces gens qui construisent les ponts dont on a tellement besoin dans ce monde. C’est cette diversité-là qu’on a envie de chanter, celle qui enrichit, ces diversités qui s’additionnent. Alors, de temps en temps, on écrit des chansons, on fait des albums. »

Le site d’I Muvrini, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en avons déjà dit, là.

I Muvrini , « Piu Forti », un album Verycords/Warner, 2022.
Samedi 8 octobre en concert de clôture à Astaffort, à Montreux le 26 février 2023 et à l’Olympia le 28 février 2023.

S’il te plaît papa Image de prévisualisation YouTube
Face u pane Image de prévisualisation YouTube
Fin du monde et fin de mois Image de prévisualisation YouTube

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