CMS

Lavilliers : Anticor & Corruption

 

Le remise du prix éthique à Bernard Lavilliers (photo © Thierry Borredon tirée du site d'Anticor)

Le remise du prix éthique à Bernard Lavilliers (photo © Thierry Borredon tirée du site d’Anticor)

Ce samedi 27 janvier 2024 s’est déroulée la 16ème cérémonie de remise des Prix éthiques et des Casseroles[1qui voit son organisateur, l’association Anticor, « récompenser les comporte- ments vertueux et dénoncer les agissements déplorables de l’année écoulée ».

L’un des sept « Prix Éthique » remis ce soir-là l’a été à Bernard Lavilliers, « notamment » pour sa chanson Corruption, extraite de l’album Sous un soleil énorme paru en 2021.

Bien que nous apprécions Lavilliers – tant l’artiste que son œuvre – et accordons une très grande importance à l’existence et à l’action d’Anticor (malmenée en ce moment par le gouvernement français, champion comme on sait de ministres-à-casseroles, qui refuse de renouveler l’indispensable agrément d’Anticor [2]), l’information peut presque prêter à sourire.

Car cette chanson récompensée n’est qu’un « plagiat »… Celui d’une autre chanson de Bernard Lavilliers : une presque copie de la chanson La Politique, extraite de son second album Les Poètes, de 1972, cinquante ans avant !

Extrait :
 
Cerclée de portefeuille stomacale et livide
Gonflée par l’illusion et dévorée par l’art
Vidée par l’insondable guidée par la victoire
Elle avance tordue sur un rebord de nappe.
(La Politique – Bernard Lavilliers, 1972)
 
Cerclée de portefeuilles stomacale et livide
Gonflée par l’illusion parfois draguée par l’art
Vidée par l’insondable guidée par la victoire
Elle avance aujourd’hui en plein-air sans complexe.
(Corruption – Bernard Lavilliers, 2021)
 
Ou encore :
 
Dans sa fonction assise comme une courtisane
Elle mâche le destin au milieu des tisanes
Et fait des armatures aux fumées des havanes.
(La Politique – Bernard Lavilliers, 1972)
 
Je suis la corruption dans sa fonction assise
Comme une courtisane elle parle du futur
Dans les fumées havanes des cercles réfléchis.
(Corruption – Bernard Lavilliers, 2021)

Entendu que l’origine de cette chanson n’est pas créditée sur le disque de 2021, il peut être délicat de lui décerner un tel certificat d’« éthique » alors qu’on peut légitimement y voir au mieux un regrettable oubli (Nanar en serait décidément coutumier) au pire une forme de malhonnêteté. Rappelons que l’œuvre de Lavilliers est parsemée de tels doutes : on appelle ça des « ressemblances caractérisées », elles sont nombreuses. Dans le parler populaire, on nommerait ça des « plagiats ». A la suite du livre Les Vies Liées de Lavilliers (Flammarion, 2010), NosEnchanteurs a publié d’autres « ressemblances », qui lui ont souvent été rapportées par ses lecteurs.

Mais il y a pire encore, avec ce même album de 2021, comme un problème justement avec l’éthique.

Le premier titre de l’album est Le Cœur du monde. Avec cette intro parlée « Alors Jeff Bezos, loin de la terre / Avec ses containers / Vivra tout seul ! / C’est beaucoup mieux qu’avec ses actionnaires ». C’est tout du moins ce que les acquéreurs de ce disque peuvent entendre. Pas ceux qui ont découvert le clip de cette chanson sur youtube, avant la sortie du nouvel opus. Pas plus les journalistes qui, en guise de service de presse, n’avaient eu cette fois-ci qu’un lien tronqué (et pas reçu le CD) sans cette intro qu’évidemment ils n’ont pu évoquer dans leurs papiers. Une forme inédite d’(auto)censure qu’on tiendra pour précaution, peur sans doute de fâcher monsieur Bezos, le big boss d’Amazon, un de ceux qui pourraient se reconnaître également dans Beautiful days : « Jamais élus, toujours choisis / C’est le règne des petits marquis ». A-t-on craint le déréférencement de ce disque sur le célèbre et juteux site marchand ?

Qui plus est, le timing de cette récompense est sans doute mal choisi, après que le nom de Bernard Lavilliers ait été cité dans un rapport de la Cour des Comptes pour s’être vu attribuer une subvention de 120 000 euros pour une aide à la création réservée « aux jeunes artistes », ce qu’il n’est plus depuis longtemps. À plus forte raison dans le contexte économique actuel, où on connaît nombre de chanteurs tout aussi talentueux que lui mais bien plus nécessiteux…

 

(1) Notons, non sans plaisir, que la casserole a été décernée à Olivier Véran, ancien porte-parole du gouvernement, pour avoir qualifié le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, de « militant de la corruption ».

(2) Anticor a perdu son agrément du ministère de la Justice (décision confirmée par la cour administrative d’appel le 16 novembre 2023) pour l’exercice des droits de la partie civile. Pour avoir œuvré avec trop de zèle dans quelques affaires politico-financières ?

(3) Lire article du Canard Enchaîné du 2 août 2022.

Le site d’Anticor (et le palmarès complet), c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Bernard Lavilliers, c’est là.

« Corruption » : Image de prévisualisation YouTube

« La Politique » : Image de prévisualisation YouTube

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

code

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>

Archives