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Alain Chamfort, la permanence du talent

Alain Chamfort ©Ghislain Debailleul

Alain Chamfort ©Ghislain Debailleul

Alain Chamfort l’a dit et répété : son seizième album-studio, L’impermanence, est celui qui vient clôturer la liste, point d’orgue d’une très belle carrière. Non qu’il abandonne le métier : il va continuer plus que jamais à arpenter les scènes et ne s’interdit pas d’encore entrer en studio pour enregistrer l’une ou l’autre nouvelle chanson. Mais un album entier, il n’en sera plus question ! A 75 ans, il sent qu’il n’aura plus l’énergie nécessaire pour un tel travail et s’attend de toutes manières, au vu de l’évolution de l’industrie musicale, à ce que les disques tels que nous les connaissons ne soient bientôt plus qu’affaire du passé.

Cet ultime opus, comment s’en étonner, a dès lors des allures crépusculaires. L’heure est au bilan, au constat, à la conclusion d’une vie bien remplie, avec ses joies et ses peines, ses réussites et ses échecs, ses espoirs et ses désillusions… Presqu’un album-concept, celui d’un homme devenu sage avec l’âge.

A ce titre, il est conseillé d’écouter le disque dans l’ordre voulu par l’artiste, tant tout y fait sens, tant l’enchaînement raconte lui-même une histoire.

Illustration et passage en revue :

L’album débute en douceur par L’apocalypse heureuse, qui prône l’acceptation sereine de la vieillesse et de la fin de partie, avec la volonté d’en tirer le meilleur, sans amertume aucune (Doux sera l’hiver / Avant la fin de l’univers / Paré pour l’apocalypse heureuse / L’agonie radieuse). Entrée en matière qui donne directement le ton : le disque sera profond et fataliste, mais d’une tonique légèreté de ton. Quoi d’étonnant de la part de celui qui a chanté Souris puisque c’est grave ?

Il se poursuit avec Dans mes yeux, chanson sur l’amour-fusion, seul à même de redonner un peu de lustre à l’existence (Mets l’avenir dans mes yeux / L’horizon des possibles / A l’âge incompressible / Où l’on n’aime plus qu’en creux). Tout n’est pas perdu !

Sauf que Vanité vanité vient ensuite mettre un point final philosophique au rapport d’une vie : « Tant de vanité tout au fond de nos crânes ». Tout ça pour ça ?

Par inadvertance est un bel autoportrait (Flâneur au fil du temps qui passe / Rêveur en pile, distrait en face), celui d’un homme – trop modeste – attribuant avant tout au hasard et à la chance les réussites de sa vie. La chanson rejoint, sur un mode intime, celle qui avait donné son titre à son album précédent, Le désordre des choses.

Avec Altiplano, Alain Chamfort se pose en sage revenu de tout, lassé des plaisirs factices : « Heureux l’homme qui plane au / Dessus de l’Altiplano / Heureux celui qui du troupeau / Préfère sortir par le haut. » Où il y a du zen, il y a du plaisir.

CHAMFORT 2024 Alain L'impermanence 500x500Cousine de la précédente, et peut-être la plus belle de l’album, A l’aune dresse encore une fois le bilan : « Dur d’être après ce que nous fûmes / Nous ne fîmes que ce que nous pûmes. » Et d’en conclure : « A l’aune de quoi / Estimer nos vies ? / A l’aune de toi / L’ai-je réussie ? / Cela me suffit. » Qu’importe le reste, pour peu que l’on ait compté pour quelqu’un…

En beauté et Whisky glace forme le diptyque suivant, enlevé dans la forme et pessimiste pour le fond : « J’ai peur qu’à l’arrivée / La bêtise triomphe en beauté », chante l’artiste dans la première, tandis qu’il brosse le tableau d’un monde qui s’écroule dans la seconde (Le sens-tu, le calme avant la tempête / La rage ou l’orage, il faut que ça pète).

Le morceau-titre de l’album, L’impermanence, faisant écho à la vanité déjà évoquée auparavant, rappelle le caractère éphémère de tout ce qui nous entoure, sourde source d’angoisse (L’impermanence / C’est une violence / En permanence). Et pourtant, conclut la chanson, « L’impermanence en permanence / N’est-ce pas une chance / Quand on y pense ? ».

Le fidèle Jacques Duvall se devait d’être présent sur ce dernier album. Faisant preuve de son habituelle sens de la dérision, il nous gratifie d’une chanson (faussement) optimiste : Tout s’arrange à la fin. Un presque final enjoué, pour conclure sur une note joyeuse.

L’ultime titre vient pourtant en contrepoint, lassant place à l’émotion pure. La grâce achève en effet le disque en discrétion, en un total et attendrissant don de soi. L’artiste y partage son espoir et ses doutes. « Aurai-je su toucher les gens / Autant que ceux qui m’ont touché / Trouver la part d’humanité / Qu’on a tous indifféremment ? ». Existe-il plus belle manière de terminer une carrière discographique ?

Avec L’Impermanence, Alain Chamfort nous offre donc un magnifique album. Tout y est brillant : les textes subtils de Pierre Dominique Burgaud, déjà à l’œuvre sur son précédent opus, les musiques et les mélodies (cosignées pour deux d’entre elles par Arnold Turboust et Sébastien Tellier), les arrangements électro-pop clinquants rehaussés de cordes somptueuses… Un disque-bilan frais et moderne, ne s’abandonnant jamais à la nostalgie et au passéisme. Est-on bien sûr que notre chanteur est septuagénaire ?

A coup sûr, un des grands disques de 2024.

 

Alain Chamfort, L’impermanence, BMG, 2024

La page facebook d’Alain Chamfort, c’est ici; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là ses tournées sur le site de far-prod.com, là

« La grâce », clip 2024 Image de prévisualisation YouTube

Une réponse à Alain Chamfort, la permanence du talent

  1. babou 9 avril 2024 à 8 h 39 min

    Assurément, une réussite discographique

    Répondre

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