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L’Eurovision des jeunes singes savants

Lou Deleuze (copie d'écran)

Lou Deleuze (copie d’écran), grimée, maquillée comme une adulte en miniature

L’Eurovision de la chanson, vous connaissez, concours qui, grand paradoxe, exacerbe les nationalismes tout en nivelant les cultures en une consternante et fade uniformité, où la prestation de chaque pays sélectionné singe celle du précédent, du suivant. Une entreprise mondiale d’abrutissement où la chanson anglo-saxonne prédomine quelle que soit la langue de chaque pays : c’est autrement meilleur pour les ventes à l’export. Sur cet aspect, reconnaissons que, souvent, la France se démarque du lot et, dans sa tradition de « village gaulois » (merci Goscinny, merci Uderzo !) chante dans son propre idiome.

Légèrement différente est sa version « junior ». Car il y a deux Eurovisions. L’un pour les grands, théâtre moins culturel que politique (voyez qu’on y maintient le génocidaire Israël lors de la prochaine édition qui sera en conséquence boycottée par quelques pays pour qui priment les droits de l’Homme). L’autre pour les modèles réduits : à savoir les jeunes artistes, du prépubère au jeune ado, de 9 à pile 14 ans. Là, la langue de chacun est recommandée (même si on tolère de plus en plus des emprunts à l’anglo-saxon), le lauréat géorgien de 2008 s’était même exprimé en une langue imaginaire… Le timing est strict : trois minutes max (c’est le format radiophonique unique). Si jadis les chansons devaient être écrites et composées par des « juniors », l’aide des adultes est désormais autorisée et les adultes (comprenez tous les requins du showbiz : paroliers, compositeurs, producteurs, éditeurs, majors, etc, tous galvanisés par l’appât du gain) ne s’en privent pas.

Si les particularismes nationaux sont strictement gommés, éradiqués, de l’Eurovision adulte, c’est pareil et pire chez les juniors : les « œuvres » pourraient indifféremment être chantées par des adultes, il n’y a aucune place à l’imaginaire enfantin, on est loin de toutes « fabulettes ». Les jeunes artistes ne sont que des clones, des modèles réduits, des miniatures. Plantez-les, arrosez-les chaque jour et, dans quelques années, ils seront, à répertoire identique, les stars fabriquées à la chaîne que vous applaudirez chèrement (je parle là du coût des billets) dans votre Zénith de proximité.

Me fera-t-on croire qu’un gosse arménien chante pareil qu’un lorrain ou un néerlandais, qu’une fillette espagnole ne chante dans son école, dans sa famille, que des trucs comme à la télé, bien propres bien formatés, que les cultures sont toutes effacées au seul profit d’une, celle du fric, du flouze.

Une seule des candidats de cette 25e édition semble s’être démarquée : elle ne clonait pas les autres. C’est Lou Deleuze, la jeune française de onze ans. Onze ans, l’âge de la sixième. Elle était seule en scène et ça ressemblait à une chanson, une vraie, pas un truc de musique de boite ou de supermarket. Mais on a voulu en faire une Édith Piaf ou une Mireille Mathieu, rouge à lèvre criard, même la tenue y contribuait, avec des propos bien trop grands pour elle et une grandiloquence artificielle, elle toute petite, ignorante des choses des grands, l’amour et tous les mots du monde. Regardez la vidéo si vous ne l’avez pas encore vue. Malaise, immense malaise. Indécence, irresponsabilité des adultes qui ont fait ça. Dans quelques années, Lou, notre lauréate 2025 (cocorico !) consultera des psy pour tenter d’évacuer son traumatisme. Mais nous en s’en fout, on a gagné (comme en 2020, 2022 et 2023), on est les meilleurs !

Le fric, le biznesse, ça ne respecte rien, ça tue l’enfance, aussi sûrement qu’un sniper à Gaza. C’est une autre maltraitance que peu d’entre nous dénonceront. Dommage.

 

Lou Deleuze « Ce monde » : Image de prévisualisation YouTube

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