Jean-Louis Bergère, autres paysages de la chanson
On dira de lui qu’il est musicien, et chanteur ; on peut aussi le voir comme peintre. Avec, sur sa palette, les 26 lettres du dictionnaire et les 7 notes, dont il va faire les plus doux et audacieux mélanges. C’est fou les combinaisons possibles, même et surtout en chanson. Lui fixe sur sa toile des émotions, des sentiments, des réflexions, des rêveries, des espoirs… Des paysages réels, d’autres mentaux. Des territoires plus qu’esquissés. Il peint en pointillés des chansons qui vont bien au-delà de leur strict format, qui se prolongent en nous. Il débute, non forcément des histoires, mais une pensée. Ce qu’il fait avec les mots, il le fait avec les notes. Ça dénote. On le dira chanteur, sauf qu’il n’est pas chanteur comme le tout venant, le tout chantant. Il est plus sûrement artiste, dans le halo de son art. Il élabore. « On perçoit des signes / On en distingue / On est au cœur d’une sensation / Inouïe ». Il ouvre le ventre de son art « pour interroger l’avenir ». On se plaira à dire que sa chanson pose question(s). C’est une déambulation poétique permanente « entre ciel et terre / l’appel du désert ». On l’imagine bien, effectivement, balader son inspiration, ses questionnements, sur l’aride sol de la Causse Méjean, quand y souffle le vent, quand le ciel soudain s’assombrit, que s’y prépare la tempête : « Sommes-nous l’arrogance / La superbe insolence / Du petit / Chien qui gronde sous l’orage / Caillou qui roule dans / L’éboulis ».
Jean-Louis Bergère est un de ces artistes à part dans la chanson, lointain arrondissement, autre subdivision, autre territoire. Mais il en est. Et, à son tour, fait de ce médium matière passionnante, créative. Sa chanson est introspection, pour lui, comme pour nous, dans notre rapport à l’existence, à la Terre, à tout ce qui est vie. Ça nous donne des titres en apparence contemplatifs, avec une âme, un discours, « le saut dans l’inconnu / sur les contours ».
Les mots sont portés loin par une musique où acoustique et électrique font cause commune. Avec calme, précision, profondeur. Musique qui soulève les vers, féconde les rimes. Guitares, basses, machines, batterie ainsi que violoncelle, chœurs d’Evelyne Chauveau, soulignent pareillement les méandres de la parole, de mots qui ne peuvent s’inscrire que dans l’intemporalité, espérer la persistance du temps. Le son accompagne le regard, l’affine, élargit plus encore la focale. Le tout fait rare et convaincante philosophie, apport non négligeable dans la chanson, même quand cette chanson se fraye d’autres sentiers, marque un nouveau passage en direction de tels lieux si inspirants. Ce disque peut vous devenir indispensable.
Jean-Louis Bergère, Ce qui demeure, autoproduit 2019. Le site de Jean-Louis Bergère, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Commentaires récents