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Dubois et Cadé, appétits d’Ogresse

Jean Dubois et Stéphane Cadé, jeudi 20 décembre 2012, L’Ogresse, Paris 20e

Jean Dubois (photo d’archives Chantal Bou-Hanna)

Ils donnent l’impression de ne pouvoir se produire l’un sans l’autre, en co-plateaux où ils alternent l’ordre de passage. Ils étaient ce soir-là dans un de ces petits lieux parisiens où la chanson se consomme dans l’intimité d’une cave voutée…

Il faut être parisien et fréquenter les petits lieux de la Capitale pour connaître Jean Dubois, chanteur qui, s’il a régulièrement bonne presse (recevoir, entre autres, les éloges d’un Vassal n’est pas à la portée du premier rimailleur venu) n’en est pas moins, comme son confrère Stéphane Cadé, un de ces acteurs presque anonymes de la chanson malgré leur poids de talent. C’est grand dommage.

Dubois est un ébéniste du mot et des émotions, qu’il sculpte dans de belles essences, dans les nervures du bois. Artisan autant qu’artiste, et folk-singer d’une rare élégance, qui trahit d’agréables résurgences. Ni Cabrel ni Thiéfaine ne sont loin de son art, ni d’autres et grands noms du folk-song américain, Dylan inclus. « J’écris dans une langue morte / Des souvenirs d’un autre temps… » chante-t-il. Mais c’est la vie tout court qui vit dans ses refrains, une vie payée comptant, avec ses promesses et ses coups du sort, ses bleus, ses bosses. Les sentiments, le boulot… « Je commence lundi / Où ? Je n’en sais rien / La couleur de l’argent va revenir sur mes dépenses. » Belle écriture qui pose des mots sur ce qu’on n’ose s’avouer, l’échec, la déveine. Si le chant de Dubois est passionnant, s’il s’écoute sans faim, sans fin, c’est, outre son élégante musicalité, sans doute parce qu’il touche en nous des choses enfouies, profondes. Ce n’est pas un commerce de surface dont on fait des tubes, c’est un travail profond sur le dedans, le sien, le nôtre. Dubois nous est utile miroir : « Regardez-moi / Et amusez-vous / Regardez-vous / Et amusez-moi. »

Le duo qu’il forme avec son guitariste Arnaud Lecoq, leur art commun qui tient particulièrement la corde, cette simplicité et ce bon sens… tout est bon chez eux, y’a rien à jeter.

Le site de Jean Dubois, c’est ici.

Changement de ton. Une seule guitare, celle d’Adrien Tronquart, recroquevillé sur son instrument. Si les mots impressionnent moins chez Stéphane Cadé, c’est qu’ils baignent naturellement dans l’impres-sionnisme. Et brossent des toiles baignées de lumière, de bateaux blancs, de châteaux de sables, comme l’amorce de possibles romans qui, tous, vous parleront de sentiments. Car Cadé est romantique, qui se voudrait « être le chanteur qui voyage avec toi / en mp3. » Dans ce set au timing serré, plateau partagé oblige, le parisien qu’il est ne chante vraiment que sa ville et son quartier, sa rue Max-Dormoy près de la Porte de la Chapelle, là où Dieu est sur le terrain « en maillot rouge et or. » Paris pour muse, inspiratrice, même si ça doit passer par un cadavre exquis au Père-Lachaise : « En enfer ou au paradis / Pourvu qu’on ait la même chambre… » Exquis vous dis-je… Sans être tout à fait différent sur disque, l’art de Stéphane Cadé voyage bien plus, explorant, titre après titre, Strasbourg, Nancy, Metz, Charleville-Mézières ou Neuilly pour illustrer ici la mélancolie, là la tristesse, étrange autant que séduisante cartographie de l’émotion, carte du tendre.

Tout est frais, tout est pastel, en mots très photographiques, intéressante focale et pellicule sensible, un peu comme le sont les chansons de Vincent Delerm, à qui Cadé fait parfois songer : c’est dire au passage la solide construction des textes. Quand parfois la nostalgie se dissipe, le rêve se fait réalité et le Paris de Stéphane devient le pré carré de folles herbes : « Tiens, c’est pour toi ce bouquet d’herbes folles. » On repart enchantés, tendrement bouleversés, avec des brindilles dans nos cheveux un rien désordonnés. C’est normal, c’est du Cadé.

Le myspace de Stéphane Cadé, c’est là.

En vidéos (certes imparfaites), Stéphane Cadé chante Strasbourg au Living B’art (avec Jean Dubois). Puis Jean Dubois au Limonaire.

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Une réponse à Dubois et Cadé, appétits d’Ogresse

  1. PhilKirl 9 mai 2013 à 22 h 25 min

    Bravo, trés bon article finement mené ! On devait être 15 dans la petite salle au sous-sol de l’Ogresse dans le Paris popu, avec le discours marrant du patron en intro..j’y étais, coincé au premier rang sur la gauche
    pour revoir Cadé découvert 2 ans avant au Limonaire..Court mais trés chouette concert !

    Répondre

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