L’inaccessible étoile de Morice Benin
Dommage qu’avec un tel parcours, une telle discographie (ce nouvel opus, Infiniment, serait, si on compte bien, son 40e album*, hors compiles, live et pour enfants), le nom de Morice Benin soit quasi absent de l’Histoire de la chanson. Même le « Cent ans de chanson française » de Calvet (Archi poche) n’en fait pas mention (c’est vrai que ce livre censé faire référence n’est pas à une lourde omission près). Tel est Benin : ce n’est même pas qu’il préfère les routes secondaires de la chanson : lui ne marche au mieux que dans les sentiers et les chemins forestiers. En hors-pistes même, tant qu’on peut ne pas le connaître si, hasard ou destinée, nos chemins jamais ne se sont croisés.
Benin, donc. C’est rare à ce point qu’on puisse parler d’œuvre quant il s’agit d’un chanteur. C’est d’ailleurs moins la profusion que la persistance d’une idée, de doutes aussi, qui illumine Morice Benin. D’une recherche sur soi, au plus profond de l’être. Sillon après (micro)sillon, Benin laboure toujours et encore ses mêmes questionnements sur la vie, sur l’homme. Vaste question, toujours remise sur l’établi, qui valide sans doute son impressionnante production. C’est sa quête. Et cette quête est l’objet de ce disque Infiniment passionnant.
Seize titres en ce nouvel opus, dont trois reprises : Les gens qui doutent d’Anne Sylvestre, Merci encore de Bruno Ruiz et, en piste cachée, le clef de ce disque : La quête de Jacques Brel. Trois chansons comme autant de confessions, parmi lesquelles un aveu qui irrigue ce disque, celui de quête, qui revient tout au long des plages : « Nous sommes beaux, en ouvrant l’infini / A nos quotidiens précaires / Nous sommes purs, irradiant nos vies / Au fragile de nos êtres / Arrimés au fil de l’étoile que Brel voulait atteindre » (Nous sommes beaux) ; « Et nous avions quelques sextants pour nous guider : / Brel nous chantait sa quête, son impossible rêve » (Nous voulions juste faire l’amour).
Plus encore que les précédents albums de Benin, tout tourne donc autour de cette inaccessible étoile, de cette quête. Celle de Jacques Brel, extraite de L’homme de la Mancha, que Benin fait sienne, à laquelle il s’identifie. Un peu comme un bilan, celui la Carrière validée d’un Benin en Don Quichotte, certes arrivé à la retraite mais intraitable, toujours et plus encore à la recherche du sens de la vie et mesurant les combats qu’il reste à mener. Morice Benin est philosophe de la chanson et nous livre ses pistes, ses sagesses, ses réflexions : « A l’intérieur de l’homme existe un rêve qui vit de vent / Un désir de ne pas se perdre dans la folle course du temps » (Conquête, paroles d’Hugo Benin).
Si je cite Hugo Benin, c’est que, plus encore que le précédent opus, c’est ici Morice et descendance : ses enfants (Hugo [par ailleurs à la direction musicale], Lucas et Maïlis tour à tour chantent, en « relais » de leur père.
Sans être chanteur du silence, Benin compose des musiques calmes, reposées, aux très belles mélodies, qui, dans la discrétion, emportent loin en nous ses mots, les soulèvent, les animent et prolongent sa quête. Infiniment.
(*) 32 albums studio + les 8 de la collection « Pour prendre le large ».
Morice Benin, Infiniment, Fanal, 2014. Le site de Morice Benin c’est ici. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Mise à jour vidéo 19 janvier 2022
« Les gens qui doutent » :
Découvert il y a seulement deux ans ici même , je suis devenue fervente adepte de la philosophie de Morice Benin . Et partant en quête d’ « infiniment », je vois qu’il n’apparaît pas dans le catalogue de son site . Peut être est ce » Nouvelles chansons » ?
J’ai revu et écouté Morice Bénin lors d’un de ses derniers concerts parisiens en décembre dernier. J’ai été de ceux ayant contribué à la promotion de ces 3 soirées.
Je ne l’avais pas entendu depuis la fin des années 70. La voix demeure intacte, la bonhomie du personnage également. Reste le répertoire qui est, avouons-le, inégal. Il y a des vers fulgurants, limpides d’une pure poésie mais il y a aussi un esprit baba cool totalement dépassé. Ce furent néanmoins des concerts interessants où la présence de Hugo Bénin constitua une étonnante révélation.
Tout au long du spectacle je me suis mis à rêver. Si ses chansons etaient mieux habillées sur le plan musical, elles gagneraient en intensité. Bénin électrique, voire même un oeu psychédélique, ce serait fabuleux. Pourquoi ? Parce que là où le bat blesse c’est l’accompagnement. Morice Benin est un piètre guitariste. C’est l’éternel dilemne auquel sont souvent confrontés les « chanteurs à texte ». Or une chanson c’est autant la musique que les mots. Pourquoi rendre ennuyeux ce qui ne devrait pas l’être.
J’ai eu la chance d’assister aux concerts de cet artiste résolument à part, marginal parmi les marginaux au café concert (ou plutôt cabaret???) Le Magique puis à la Menuiserie. C’était plein à chaque fois et ça se comprend. Il y a un public qui n’aime pas les grandes messes, les modes, tout ces trucs-là et qui aiment ce faux calme, car entendons-nous bien : c’est un faux-calme, il y a une force profonde dans ses écrits, même dans le timbre de sa voix, qui force le respect.
Et même en étant ‘marginal’, c’est l’air de rien un artiste qui sait s’entourer, avec une association des Amis de Môrice Benin, Monique Hottier notamment qui s’est beaucoup impliquée dans le succès de ces soirées. C’est un homme qui chante, qui écrit, qui est dans une belle dynamique à faire pâlir certains arrivistes de la chanson ou de la variété. Enfin, et c’est je crois à ça qu’on reconnaît la trempe d’un véritable artiste qu’on aime ou pas, quelque soit le style, dans ce drôle de métier (est-ce que c’est vraiment un métier), c’est un chanteur qui dire, passe les saisons, les années, qui dire encore et encore. Dans ce milieu qui ne fait aucun cadeau, un artiste ne dure pas impunément. Il lui faut le public, la force de caractère et cette flamme. Chose agréable, j’ai pu voir des ‘jeunes’ dans son public aux deux concerts auxquels j’ai assistés. C’est bien la preuve qu’il n’a pas besoin de céder à je ne sais quelles sirènes de la mode pour séduire les gens. On pourrait dire de lui comme Brassens disait d’Anne Sylvestre : cet artiste respecte trop le public pour le caresser dans le sens du poil. Respect.
Bonjour, s’il vous plaît, quelqu’un peut me faire parvenir le texte de Môrice Benin : Les pays n’existent pas, merci d’Italie
Flavio