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Concèze 2014 (1/6) Mais on l’appelait Framboise…

Sophie Maurin (photo d'archives Norbert Gabriel)

Sophie Maurin (photo d’archives Norbert Gabriel)

C’est un trou de verdure où coule une chanson…
Pour les plus pointilleux de nos
Enlecteurs, que sous saluons ici, le tout petit village de Concèze se trouve au fin fond de la Corrèze, très exactement par 45° 21′ 20″ N et 1° 20′ 44″ E. 414 habitants, capitale mondiale et autoproclamée de la framboise, détentrice du record du monde de la plus grande tarte aux framboises (3,20 de diamètre, 187 kgs, 23800 fruits, voir l’alléchante photo). 

Voilà, tu la connais, l’histoire…

C’est un trou de verdure où coule une chanson… Et ce pour la douzième année consécutive, sous l’impulsion émérite de Matthias Vincenot, infatigable chantre et défenseur de la chanson et de la poésie. Mêlant sans états d’âme la variété et la chanson dite à texte, éternel pourfendeur d’étiquettes et de chapelles, ce vieil enfant (ce jeune homme me pardonnera l’image…) n’a de cesse de faire exploser les frontières et de favoriser les rencontres les plus improbables, et souvent les plus fécondes…

Garance (photo Pierre Bureau)

Garance (photo Pierre Bureau)

C’est un trou de verdure sur la scène duquel vont se succéder durant une petite semaine chanteurs et poètes, sans chapelles, sans étiquettes, sans a priori, mais avec la vraie richesse induite par de belles rencontres humaines se nourrissant de leurs différences mutuelles.

C’est à la jeune et talentueuse Garance que revenait le redoutable honneur d’ouvrir la première soirée du festival, une véritable gageure que de se présenter ainsi seule en scène avec sa guitare. Armée de sa voix gracile et de ses mots gracieux, forte visiblement de sa toute récente prestation à Barjac, elle établit d’emblée une belle connivence avec le public, notamment avec ce très joli titre sur le harcèlement de rue, chanson au sujet de laquelle on n’hésitera pas à paraphraser honteusement Woody Guthrie en disant d’elle que cette guitare tue les machistes… Sur le titre Gare du Nord, elle est rejointe par l’ensemble de musique de chambre « DécOUVRIR », dirigé de main de maitre par Etienne Champollion, ensemble dont nous aurons l’occasion de chanter amplement les louanges. Et l’on imagine ce que cela doit être pour une jeune artiste que de voir ses chansons ainsi enrubannées de cordes et de vents. Un grand moment.

Annick Cizaruk et David (photo d'archives Norbert Gabriel)

Annick Cisaruk et David Venitucci (photo d’archives N.Gabriel)

Nous retrouvons ensuite avec grand plaisir Annick Cisaruk pour son hommage à Ferré, accompagné à l’accordéon par le fidèle David Venitucci, maitre ès boutons de nacre, sous les doigts agiles duquel on se prend à penser que le piano est l’accordéon du riche… Plus qu’un hommage, une relecture, une création, un beau bouquet de femme et de flammes dévorantes. Sans vouloir relancer un débat qui n’a que trop bouleversé ces derniers temps ces lignes ainsi que le petit monde interlope de la Chanson-française-de-qualité, jugeons simplement, avec un ressenti tout personnel, que la Cisaruk, sans forfanterie, sans mimétisme aucun, enflamme de bien belle façon la mèche incandescente de ce bel explosif nommé Léo Ferré. Entre amours et délices, l’accordéon se fait tour à tour grandes orgues ou orchestre tout entier. Et force est de convenir que, dans la salle, nombre de spectateurs semblaient bel et bien (re)découvrir ces titres intemporels, interprétés ici avec douceur, expressivité, force, fougue et tendresse. Et puis… Et puis…. Oh, et puis écrivons le tout de go, au risque assumé de déclencher les foudres de certains Ferrédolâtres et de se faire clouer au pilori de la bien pensance, il est des fois où par la grâce de tels interprètes (mais on pourrait penser également à Guillard ou à Christiane Courvoisier…), Ferré sans Ferré est mieux que du Ferré. En d’autres termes, et au vu du spectacle offert ce soir, on peut aller jusqu’à dire que certains sur scène servent Ferré là où Ferré desservait Ferré.

Et, révérence gardée, je sais pertinemment ne pas être seul à penser cela… Ce n’est certainement pas la très belle version dépouillée de L’affiche rouge par Annick Cisaruk qui me ferait penser autre chose.

Matthias Vincenot (DR)

Matthias Vincenot (photo Françoise Ducastel))

Une belle respiration poétique ensuite avec Matthias Vincenot himself, comme on dit en bon français, venu nous gratifier d’une lecture de ses chatoyants enchantements, une poésie accessible et populaire au bon sens du terme, comme elle devrait l’être plus souvent.

L’étonnante Sophie Maurin, bonne renommée ET ceinture dorée ce soir-là, nous offre ensuite la magie de ses petites fables surréalistes irrésistibles, dans une impeccable formule piano/voix accompagnée d’un violoncelle enchanteur. Diction parfaite et belle folie bien maitrisée, sa voix claire et bien posée s’envole au fil d’une inventivité poétique des plus rafraichissante, avec un petit côté qui rappellerait par certains côté le talent d’une certaine Jeanne Cherhal. Une adaptation parfaite du Picadilly de l’ésotérique Satie est l’occasion, au piano, d’un quatre mains des plus jouissifs qui, sous les atours d’une rythmique guillerette, narre en réalité les atrocités d’un bombardement au phosphore…

Avec le touchant « Nénuphar dans le cœur », c’est ensuite Boris Vian qui est avec nous dans la petite salle de Concèze… Une artiste à suivre de très près, même si tout le public n’est pas forcément rentré dans son bel univers…

Concèze, capitale autoproclamée de la framboise (photo DR)

Concèze, capitale autoproclamée de la framboise (photo DR)

Apparue enfin par la grâce d’une faille spatio-temporelle dont seul le festival DécOUVRIR a le secret, Georgette Lemaire fait son apparition sur scène avec un répertoire beaucoup plus réaliste. Honnêtement… ? On y va un peu à reculons, avec quelques a priori un peu bêtes sur une dame qui fit les beaux jours de la variété au côté d’Alain Barrière ou d’Enrico Macias, mais aussi, soyons juste, en première partie de Brassens à Bobino. Et puis, on est cueilli par la présence et la voix. Ah, bien sur, il y a bien de-ci, de-là quelques petites faiblesses, quelques petites fêlures dans les aigus, mais quelle générosité dans l’interprétation. Elle y croit, tout simplement, et si c’était bien là tout le nécessaire ? On pense à Piaf, forcément, et après « La vie en rose », elle clôt la soirée, accompagnée par la salle, par un vibrant « Padam, Padam ».

Pas d’âme ? Mais si.. !

 

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6 Réponses à Concèze 2014 (1/6) Mais on l’appelait Framboise…

  1. Claude Fèvre / Festiv'Art 14 août 2014 à 15 h 55 min

    Bouhou, j’suis jalouse !
    J’aurais voulu être au pays de la framboise pour écrire d’aussi belles lignes sur Concèze !
    Bouhou, j’suis jalouse !
    J’aurais voulu revoir ou plutôt voir une certaine Georgette… m’émouvoir à l’écoute de la belle Sophie au piano, magnifié par le violoncelle, entendre Gare du Nord enrubannée de cordes et de vents… et puis, et puis, entendre Ferré par Annick dont la beauté et l’élégance n’ont d’égale que le talent de re- création…
    Bouhou, j’suis jalouse ! Et il paraît que je vais l’être plusieurs jours durant…

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  2. Norbert Gabriel 14 août 2014 à 16 h 02 min

    Où il est prouvé que la femme est l’avenir de la chanson, au vu de cette première soirée festivalière… Découvrons, en tout bien tout honneur …

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  3. Danièle Sala 14 août 2014 à 16 h 33 min

    C’est un trou de verdure à réveiller le dormeur du val avec toutes ces chanteuses qui ont donné le meilleur d’elles-même, le meilleur de Ferré sans Ferré, et de Piaf avec des fêlures, à suivre donc.

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  4. Michel Kemper 14 août 2014 à 17 h 16 min

    Sans chapelles donc, sans prêtres ni prêtresses, sans possible excommunication. Qu’est-ce que ça doit être reposant…

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    • Norbert Gabriel 14 août 2014 à 17 h 21 min

      Que des enchanteresses… Maître Matthias sait s’entourer…

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  5. Geneviève EB 15 août 2014 à 17 h 01 min

    Mots, rythmes et rimes de RÉ… de DO… de SI, de L

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