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Dans les paniers d’osier de la salle des ventes…

EnchèresCe sont eux que j’ai vu en premier… Ils étaient là, lourds et graciles tout à la fois, posés comme des évidences. Deux superbes authentiques escaliers de la Tour Eiffel, haut chacun de cinq mètres, trônant fièrement de part et d’autre de l’entrée de la salle Drouot. Deux historiques volées de marches hélicoïdales grimpant fièrement vers un ciel bouché de cotonneux nuages quasi paradisiaques. Starway to heaven, en quelque sorteMais quoi est-ce qu’est-il donc ?, me murmurais-je illico et in petto, avec ce sens de la syntaxe des plus approximatifs qui est le mien lorsque je suis ému. Et surtout, surtout, nom d’un petit Pascal Nègre, quel rapport avec notre chanson bien-aimée, me demanderez-vous, avisés Enlecteurs..? Vous l’allez savoir tout à l’heure, pour peu que nous pénétrions de concert dans les entrailles de cette vénérable institution séculaire…

Comme tous les matins dans la salle des ventes bourdonnait une foule, fiévreuse et impatiente, ceux qui pour quelques sous rachètent pour les vendre les trésors fabuleux d’un passé qui n’est plus. Bon, d’accord, j’arrête, je vais finir par me faire griller, là, perspicaces que vous êtes… Quoi qu’il en soit, c’est là, dans une salle entièrement dédiée, que sont proposés à la convoitise des collectionneurs, deux jours durant, souvenirs, reliques et témoignages de plusieurs décennies de chanson française, tous genres confondus… En coulisse, à la manœuvre, l’incontournable Fabien Lecoeuvre dont le patronyme ne sera pas étranger à bon nombre d’entre vous, petits filous que vous êtes… Vanitas vanitatum et omnia vanitas, entrez, entrez, venez assister au grand bal des vanités, extraordinaire capharnaüm au cafard énorme, véritable inventaire à la Prévert des grands et petits moments du chaud business à la française.

Entre riches marchands se frottant les mains, collectionneurs avisés et fans de base en transe devant ces petits morceaux d’intimité de leur idole, difficile de se frayer un chemin dans la foule, mais c’est pourtant ce que NosEnchanteurs vous propose, afin de saisir un instantané saisissant, et forcément subjectif, de ces petits instants d’éternité éphémère…

Brillant de mille feux et pavoisant tout le mur du fond, une foultitude de disques d’or (Perret, Maurane, Kaas, Farmer, Delpech, Lio et beaucoup d’autres) illuminent l’espace, rappelant l’heureux temps ou les albums se vendaient comme des petits pains… Au hasard des vitrines, une lettre manuscrite d’Édith Piaf (mise à prix 500/600 €), une très belle photo de Birkin issue de la séance de prises de vues pour la pochette de l’album Melody Nelson (1300/1500 €), les bandes masters du concert de Brel à l’Escale le 3 décembre 1961 (3000/3500 €) ou polnareffLES fameuses lunettes de Polnareff, mises à prix pour 800/1000 €. Pièces étonnantes, on se bouscule autour d’une Victoire de la Musique 1996 de Jauni Hallyday, bradée entre 5000 et 7000 €, d’une chaleureuse lettre de Brassens à Joe Dassin à l’issue de l’Olympia de celui-ci en 1969, lettre que le chanteur au strabisme américanophile conserva toujours dans la poche de sa veste… Côté Gainsbourg, les amateurs peuvent s’offrir une légendaire paire de Repetto (1800/2000 €) ou bien l’acétate (gravure unique servant de « bon à tirer » avant le pressage de l’album) de Lemon Incest (1500/1800 €).

Au rayon des raretés, encore, le chevalet de peintre de Bernard Buffet figurant sur la pochette du 45 tours « Toujours un coin qui me rappelle » d’Eddy Mitchell (affaire à faire, seulement 200/300 € !) ou ce très étonnant « livre-secret » ayant appartenu à Mistinguett, ouvrage du XVIIIe siècle découpé de façon à pouvoir y dissimuler les pièces d’or offertes par les souverains lors de ses tournées mondiales. Mise à prix 150/200 €, fouillez le bien, il est peut-être encore garni… Perdu au milieu de ces chanteurs et chanteuses français, un fascinant mouchoir blanc de Louis Armstrong, constellé façon livre d’or par les signatures des plus grands jazzmen (Satchmo himself, mais aussi Sidney Bechett, Kenny Clarke, Roy Eldridge, Kenny Clarke, Ella Fitzgerald ou Stéphane Grappelli…). Totalement inattendue dans ce cadre, une véritable pièce unique et textile de l’histoire du jazz en 47 X 47 cm. Et puis… disques d'or

Et puis, je ne résiste pas à vous détailler quelque peu la section réservée à Claude François, notre maitre à tous. Une multitude de ses tenues de scènes, ainsi que celles des fameuses Clodettes, tenues toutes plus kitschissimes les unes que les autres, proposées dès 5000/7000 €. Un peignoir de sortie de scène dont on nous raconte que, récupéré par un pompier de la salle, il est un des rares à ne pas avoir été déchiqueté par le public à l’issue du spectacle ! Les traditions se perdent… Éclairant a posteriori la personnalité de l’idole, quelques extraordinaires notes manuscrites (adressée à un assistant : « Je te tue si ce n’est pas fait vendredi ! »), comme celle retenant aux Clodettes 10 francs chaque fois qu’elles perdent un cintre. Ou celle encore, délicieuse, dans laquelle il encourage fortement ses compositeurs à « parodier, copier ou carrément plagier » une chanson de Richard Cocciante dont il n’était pas parvenu à obtenir les droits… La grande classe ! Enfin, témoin muet mais ô combien émouvant, un sèche-cheveux encore fumant au moteur grillé (mais nan, j’déconne.. !).

Imaginez… Imaginez un seul instant les reliques de la Chanson que nos arrières petits enfants vénéreront lors d’une lointaine vente aux enchères. Les débats sont ouverts, vous ne manquerez pas, je le sais, d’apporter votre pierre à l’édifice dans les commentaires ci-dessous, mais gageons que nous y retrouverons pêle-mêle les bretelles de Gérard Morel, l’extincteur de Manu Galure, la petite robe de scène d’Agnès Bihl ou le légendaire duffle-coat fatigué de Michel Kemper…

Escalier DrouotEt nos escaliers du début, me réclamerez-vous à grands cris, nos fameux escaliers restés plantés (on les comprend) sur le trottoir de la rue Drouot ? Quel rapport avec tout cela, à la fin ? Soyez patients, chers petits amis, je vous raconte : en 1983, le fameux escalier en colimaçon reliant les deuxième et troisième étages de la Tour Eiffel est démonté pour raisons de sécurité, mis aux enchères et acquis par Guy Béart (si, si) pour être exposé dans le parc de sa propriété en région parisienne. Ceci expliquant cette présence incongrue, mais quel beau symbole que cette tour pour notre chère chanson qui en connut, elle, bien plus que 33…

Sic transit gloria mundi.

Et demain est un autre jour…

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15 Réponses à Dans les paniers d’osier de la salle des ventes…

  1. Stéphane 21 mars 2015 à 16 h 49 min

    Vouye, alors : me permettrez-vous de mettre le point sur le « i » de « Stairway to heaven » ?
    Ce n’est pas que « Starway » n’ait de sens, loin de là, m’enfin, sans vouloir dire Drouot ce que beaucoup de lecteurs ne manqueront pas de penser tout bas : ce « i », sur lequel devait reposer cette Tour Eiffel de nos Enchanteurs qu’est votre article, ce « i », en se carapatant, en menace la structure, le fragilise grandement, et loin d’en assurer la chute, s’emploie à la précipiter !
    Or en cette saison incertaine d’éclipses et de grandes marées, on se doit de consolider toutes les Tours de Pise contre les assauts des tempêtes, et cette digue magnifique qu’est l’orthographe – et accessoirement sa grande soeur la grammaire, mais celle-ci bienheureusement n’est pas en cause ici, ouf ! – y contribuera sûrement. Dans une langue certes barbare, mais dont certains s’ingénient à penser (allez savoir pourquoi !) qu’elle fera les civilisations chansonnesques de demain.
    Pour autant, la circonspection n’exclut pas le respect : replacez donc ce « i » que je voudrais y voir… ;-)

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  2. Patruche Mercier 21 mars 2015 à 17 h 29 min

    (publié sur la page facebook NosEnchanteurs)

    Chouette promenade, par contre pour la partie anticipation des ventes de l’avenir autour de la chanson, je rajouterai l’arc de Matt Pokora dans Robin des Bois, et une bouteille de cidre Nolwenn Leroy…

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  3. Danièle Sala 21 mars 2015 à 18 h 54 min

    C’est fou tout ces trésors du passé qui se vendent là ! Merci pour la visite, et pour le suspense du fameux escalier. Moi qui ne mets dans mes paniers d’osier que des girolles, des morilles ou des cerises, selon la saison, trésors passés, présents et à venir peut être que la nature nous offre, je suis épatée ! Et merci pour cette belle chanson de Barbara que j’ai écoutée… gratuitement.

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  4. catherine Laugier 22 mars 2015 à 10 h 57 min

    Que de trésors à découvrir, moi j’aurais bien penché pour le chevalet de Bernard Buffet…Mais je n’ai jamais osé m’affronter aux ventes aux enchères ! L’occasion de ressortir cette magnifique chanson de Bécaud : https://youtu.be/lSUFCY9rNB4

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    • Danièle Sala 22 mars 2015 à 14 h 52 min

      Ah tu n’es pas la seule à avoir pensé à cette chanson !
      « Ah, moi qui ai des souvenirs
      à ne plus savoir qu’en faire,
      Vous pouvez vous les acheter comme ça
      à ma vente aux enchères
      Chez vous, Pointu, Tiloué ! »

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  5. Balavoine 22 mars 2015 à 12 h 19 min

    Je préfère Starway à Stairway …

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  6. Norbert Gabriel 22 mars 2015 à 14 h 02 min

    Et même pas un brin de tabac de la pipe à Brassens ?? Une corde de guitare de Django, ou de Crolla?? Un fond de bouteille de whisky de Jacques Debronckart ? Pfff…. ça ce sont des vraies valeurs.

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    • Danièle Sala 22 mars 2015 à 14 h 56 min

      Où une bouteille, même vide, mais pleine de souvenirs de verveine de Montaligère …

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      • Norbert Gabriel 23 mars 2015 à 1 h 51 min

        Ah la verveine de Montaligère… (garantie hors commerce et sans OGM…)

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  7. Marc Rebond 22 mars 2015 à 15 h 21 min

    La prochaine vente chez Drouot :

    - La p’tite culotte de Madonna
    - « La lime dans le pâté en croûte » de Thomas Fersen
    - Une ou deux p’tites boîtes de Graeme Allwright
    - Une cabine de plage de François Buffaud
    - Un mistral gagnant de Renaud et un papier de bonbon encore tout collant de Brel
    - Le cerveau minuscule et crépusculaire de Françoise Hardy
    - « La p’tite carte en plastique que l’Etat m’a donné » de Clarika
    - Des p’tits cailloux de la Durance de Michèle Bernard
    - Une carte postale envoyée de Singapour par Frédéric Bobin
    - Un Ferrat qu’on secoue et qui neige, souvenir d’Antraigues-sur-Volane
    - …
    On peut compléter la liste

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    • Danièle Sala 22 mars 2015 à 18 h 48 min

      - L’catalogue d’La Redoute de chez la mère à Titi
      - La p’tite robe de l’Echo de la mode cousue main par Lili
      - Un coup de pied au coeur de Rémo Gary
      - Une rose de Picardie …
      - Et le vélo d’après guerre de monsieur Gaston
      - Une botte d’oignons du marché de Brive-la-Gaillarde
      - Le blouson de marlou de Bilou
      - La bible de Bernard Joyet
      - Le portrait de Bernard Dimey
      - Une bluette sur canapé
      - Le casque d’or de Mambrino… Avec le coucoutier !

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  8. Marie 24 mars 2015 à 15 h 46 min

    Comme toujours, voilà un article très intéressant. Je me demande simplement si l’auteur a acquis l’une de ses merveilleuses reliques…

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    • Norbert Gabriel 25 mars 2015 à 4 h 56 min

      Un petit écho indiscret me souffle que l’auteur se serait saigné aux quatre veines, et aurait essoré son porte monnaie pour remporter une enchère mythique, la partition originale du méga tube de René la taupe… Chacun ses valeurs et ses mythes…

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  9. Patrick Engel 24 mars 2015 à 17 h 40 min

    Ah, ah, mystère…!

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  10. Patrick Engel 24 mars 2015 à 18 h 07 min

    Pour info, les repetto gainsbouriennes sont parties à 7249€, un blouson en cuir d’Hallyday à 7250€, et une des tenues de scène de Cloclo est grimpée à 21 250€. Si, si…

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