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Barjac 2015. Bruno Ruiz ou l’impératif de vie

Bruno Ruiz sur la scène de Barjac (2015 © Photos Anne-Marie Panigada)

Bruno Ruiz sur la scène de Barjac (2015 © Photos Anne-Marie Panigada)

Quelques gouttes de pluie n’auront pas suffi à troubler, ce soir-là, le fleuve du récital de Bruno Ruiz, sauf à ajouter à la propre tension du spectacle cette incertitude quant à son achèvement. Il aurait été dommage que le public ne puisse profiter de ces « retrouvailles » avec Barjac, que ce soit pour savourer à nouveau ou découvrir le verbe et la présence de cet artiste rare, sans concession, dont la seule exigence est la lucidité du regard porté sur le monde et sur les êtres.

Un spectacle de Bruno Ruiz ne se résume pas à un « tour de chant » : c’est un voyage dans une poésie lyrique et sobre, chargée de peurs, d’espoirs, de rêves et d’utopies. Sombre, tragique, Bruno Ruiz, accompagné du seul piano d’Alain Bréhéret, de sa voix profonde et grave, nous ouvre la porte d’un univers où se mêlent ombres et blessures, un monde plein de ces veilles nocturnes peuplées de doutes. Mais, comme pour déchirer le linceul de ces nuits, il nous appelle à signer d’autres mots, libres, porteurs d’espoir, tels des rayons de lumière.

Et ici la lumière ne jaillit que pour éclairer le visage, souligner l’expression, mettre en valeur ces mains qui sculptent les mots, des mots puisés dans les différents albums qui jalonnent cette carrière, de Nous à Maintenant en passant par Si et Chant impératif. Une mention particulière à Raoul, l’éclairagiste, qui a recréé une mise en lumière fidèle à celle qu’avait réalisée André Taillade, récemment disparu, et à qui ce spectacle était dédié. Les musiques, quant à elles, sobres, sans artifice, dépouillées, installent les climats, soulignent les textes et laissent la place à la seule puissance de l’écriture.

cM0729-465Un spectacle de Bruno Ruiz est autant exigeant pour le spectateur que pour l’artiste lui-même, tant il nous demande de nous dépouiller de nos vieux oripeaux, de mettre nos cœurs à nu comme lui s’expose dans sa fragilité d’homme.

Les chants impératifs de Bruno Ruiz nous exhortent à « hisser l’homme » même au cœur des souffrances humaines et, si la mort est ici présente – que  ce soit dans l’évocation de la vieillesse (Vers la fin), l’hommage aux femmes déportées au camp de Ravensbrück (Sœurs d’amour) – c’est pour mieux nous appeler à l’espoir. Cette source d’espérance, il la puise dans le souvenir de son père (Les rouges du fond) qui l’a destiné à être « à jamais contre l’injustice sociale ». Bruno Ruiz sait se faire aussi aimant impétueux (Ma) ou tendre parent (Les petits cœurs du papier peint).

Émouvant, sensible, gardien de nos lumières pour un monde sans nuit, Bruno Ruiz passe, tout au long de ce récital, de l’intime à l’universel et nous invite à « embrasser les anges » à « être fidèle » à nos utopies avec ce credo : « Soyez beaux ».

Fidélité, voilà le maître mot de Bruno Ruiz ! Fidélité à ses racines et à ses convictions, à la poésie, à cette parole donnée et chantée (« Si je me tais moi-même je trahis »), fidélité à la vie, au monde (« Je n’en finirai pas de vous dire merci / D’avoir su me convaincre que le monde est ici »). Pour lui, « le ciel est sur terre », l’éternel est présent, la vie à vivre ici, maintenant et, si ses chants prennent parfois des accents d’incantations, ses concerts sont une célébration du vivant, de l’humain dans sa beauté (« C’est à nous de chanter / De nommer la beauté / Nous n’avons qu’une vie / Et si peu est écrit »).

Il y a évidemment des fraternités d’écriture chez Bruno Ruiz : Andrée Chedid ou Jean Vasca à qui il rend hommage sur scène, mais j’avais envie, pour illustrer ce rendez-vous avec Bruno Ruiz, de laisser la parole à un autre poète, lui aussi pétri d’humanité, René Char : « Dans nos ténèbres, il n’y a pas une place pour la Beauté / Toute la place est pour la Beauté. »

 

Le blog de Bruno Ruiz, c’est ici. Image de prévisualisation YouTube

5 Réponses à Barjac 2015. Bruno Ruiz ou l’impératif de vie

  1. catherine Laugier 5 août 2015 à 19 h 36 min

    J’aime beaucoup son idée d’ « être fidèle à son poids d’hirondelle »
    https://www.youtube.com/watch?v=Q7_13pwf6L0

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  2. Georges Cuffi 6 août 2015 à 10 h 07 min

    Superbe article ! Bravo Francis Panigada !

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  3. Marie-Françoise Balavoine 6 août 2015 à 10 h 09 min

    Non seulement un artiste exceptionnel mais un homme charmant !

    Répondre
  4. Odile 6 août 2015 à 11 h 10 min

    « Je n’en finirais pas de vous dire merci » que vous chantez si bien…
    Merci à vous , pour vos mots, vos textes qui nous vont droit au coeur.
    Et un piano en parfaite harmonie…

    Répondre
  5. Bault Mannick 6 août 2015 à 18 h 13 min

    Merci à toi Francis pour cet article si juste, et à tous deux Anne-Marie et toi pour avoir été encore et toujours si bellement présents auprès de Bruno, si fidèles…
    Mannick

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