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Blanzat 2016 : Sage le public, pas assez sauvage

Ava et Ismaël, sages comme des sauvages (photo Serge Féchet)

Ava et Ismaël, sages comme des sauvages (photos Serge Féchet)

La scène est parsemée d’instruments qui vont du classique à l’exotique. Et bariolée de touches de couleurs nous rappelant le visuel de leur disque. Eux se produisent tantôt en duo, tantôt en quintet : ils sont cinq ce soir devant nous, la totale. Elle et lui, Ava et Ismaël, sont conformes à leur affiche, leurs photos de presse, le haut du visage peint en rouge, comme une possible tribu d’indiens venus d’on ne sait quel continent, sortis de leur réserve. Les trois autres musiciens (basson, percussions et accordéon) ont d’improbables uniformes dépareillés, comme pillés dans le surplus vestimentaire d’une fanfare militaire, cavalerie en déroute sans doute. Le premier titre, à l’entame du concert, fut la reprise à deux du Melocoton de la Magny. Bonne pioche pour de telles rencontres de bon goût d’une chanson plurielle. Ensuite on ne sait pas, on ne sait plus, les instruments prenant le pas sur le propos qu’on tente mentalement de lire, de déchiffrer, de dénicher dans une luxuriante jungle de sons tous aussi bariolés que les éléments de la déco. Ce n’est que quand les trois de la fanfare s’absenteront que nous comprendrons qu’il n’y avait de toute façon rien à comprendre, que les vers, que les mots sont là pour faire joli, pour structurer les notes, en faire de possibles chansons sans conséquence même s’ils portent en eux des gros mots, énormes comme peuvent l’être « guerre » ou « révolution ». Mais faut pas prendre les canards du bon dieu pour des enfants sauvages, fussent-ils sages, ne pas les confondre avec d’autres groupes festifs : eux ne sont pas la Compagnie Créole. Plutôt une étrange et insolite poésie faite de tissage, de maillage, de bricolage de langage(s). Ava et Ismaël appellent ça du « créolge » : un peu créole, un peu belge, lui étant du plat pays dont il fait des montagnes à défaut de cathédrales. Ismaël alterne guitare et violon, bouzouki et cavaquinho, dombra : Ava tire sons et impressions de sa peau de tambour. Les textes minimalistes sont comme tiroirs, qui parfois ouvrent sur ailleurs : « Faut pas ouvrir les tiroirs / Tu le savais / Alors pourquoi tu l’as fait ? » Mots, phrases, idées répétées à l’envi, qui chaque fois épousent et épuisent la trame musicale, ou sur lesquels les notes s’agrègent. Seul autre point d’orgue, cette goguette d’un Boby Lapointe stylée révolutionnaire à l’usage impossible de manifestants survoltés : exemplaire et drôle !

FEC_0132Pas vraiment de jeunes dans la salle, si ce n’est ceux d’esprit ; pas d’exaltation, de folie qui parcoure les travées et transforme cette prestation en concert mémorable. Les amateurs de chansons fortes, de l’exigence des vers et des rimes, ne sont pas ces joyeux fêtards qui manquaient à l’appel en cette veille de fête nationale. Dommage, car cette programmation avait tout à faire aux Rencontres Marc-Robine, à faire pencher le temps d’un concert du côté des notes et, mine de rien, des idées et des mots qui s’y trouvent, dans une autre forme sans doute. Qui, pour le coup, des artistes ou du public, étaient les plus sauvages et les plus sages, trop sages ? Les spectateurs, dont certains aiment trop l’entre-soi d’une chanson « de qualité » elle aussi formatée à leurs goûts, à leurs justes besoins.

 

Le site de Sages comme des sauvages, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là. Image de prévisualisation YouTube

2 Réponses à Blanzat 2016 : Sage le public, pas assez sauvage

  1. Catherine Laugier 14 juillet 2016 à 11 h 57 min

    Sages comme des Sauvages sont aux Concerts : Là ! C’est d’la musique, cour du Collège Joseph Vernet au 34 de la rue du même nom à Avignon le 19 juillet avec le groupe amérindien Pura fe à 11h05 et 18h05 (durée 1h45)
    Un nouveau clip de leur dernier album (Largue la peau) vient de sortir : Les jeunes des villes https://www.youtube.com/watch?v=uimJHgWQLts

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  2. Gallet 20 juillet 2016 à 19 h 18 min

    Michel, je ne partage pas tes restrictions quant à la prestation de Sages comme des Sauvages. Bien sûr, je n’ai pas tout compris, des mots et du sens, mais j’ai envie d’en comprendre davantage, de les revoir, de les écouter, comme pour Batlik. J’avais l’impression qu’ils étaient sur scène pour communiquer avec le public par les paroles, la musique, festive peut-être, mais quel travail (même un basson !). Et tout cela, je le partage.
    En lisant avec intérêt toutes les chroniques de Blanzat et ses rencontres d’humains.
    JPaul Gallet

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