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Si j’étais Président de la République…

Palais de l'Elysée (DR)

Palais de l’Elysée (DR)

Et pourquoi ne serait-il pas question dans NosEnchanteurs du livre Si Sarkozy m’était chanté, en vente à peu près nulle part mais aisément commandable auprès de son auteur ? Après tout, notre revue a vocation à couvrir, autant que faire se peut, toute l’actualité de la chanson et cet estimable ouvrage y a donc droit de cité. Pourquoi devrait-il subir une discrimination sous le fallacieux prétexte que la plume qui l’a rédigée est celle de notre vénéré rédac-chef, Michel Kemper ?

J’entends déjà hurler au copinage et au manque d’objectivité… N’importe quoi ! Déjà, quel être normalement constitué pourrait-il être copain avec quelqu’un dont on pressent, au fil des 300 pages composant le livre, qu’il ne nourrit guère d’affinités avec l’ex (et futur ?) président français, pourtant notable parangon de la vertu et de la probité, dont l’exemple est suivi de toute personne un tant soit peu responsable, sans sourciller et sans se poser de vaines interrogations à même de saper le moral déjà fragile de la nation ???  Quant au second reproche, écartons-le d’une main ferme puisque, objectivement, en toute sincérité, avec la neutralité affichée d’un banquier suisse serrant la main d’un exilé fiscal, après avoir tourné mon stylo sept fois dans son encrier, je dois bien le reconnaître sans ambages : il est très bien, ce bouquin, et vous seriez bien avisés d’en faire la judicieuse acquisition sans retard !

Michel Kemper, l'auteur, et son stand portatif à Barjac (photo Pierre Bureau)

Michel Kemper, l’auteur, et son stand portatif à Barjac (photo Pierre Bureau)

Comme je perçois toutefois déjà certaines voix monter, me persifflant avec érudition « c’est un peu court, jeune homme », survolons l’opuscule afin d’étayer quelque peu mon propos.

Le Cardinal Jules Mazarin (1602-1661) fut le fidèle serviteur des rois de France Louis XIII et Louis XIV de 1642 à son décès, période pendant laquelle il fit preuve d’une imagination fertile pour renflouer les caisses toujours vides de l’Etat, accablant le peuple de taxes et impôts divers. En ce temps, le mécontentement quotidien s’exprimait volontiers par la chanson, vite écrite et imprimée, aussi vite apprise et répandue par le bouche à oreille, avant d’être tout aussi rapidement remplacée par un nouvel air éphémère. Plusieurs milliers de ces pamphlets populaires, rédigés à l’adresse du Ministre honni, ont été recensés. Ces chansons sont regroupées sous le nom générique de mazarinades.

Fin connaisseur de la chanson, Michel Kemper a posé le constat que jamais depuis lors, homme d’état en fonction n’avait été autant mis en musique que Nicolas Sarkozy. Vous en doutiez-vous ? Le livre vous en convaincra aisément, établissant un relevé (qu’on n’ose jurer exhaustif, mais qui sait ?) de ce qu’il a élégamment nommés – apprécions le néologisme – les sarkozynades.

Sont-elles si nombreuses ? Assurément. Démonstration préalable en est d’ailleurs faite par l’inventaire des chansons mettant en scène les Présidents de la république qui l’ont précédé (une poignée pour le Général, quasi rien pour Pompidou, une petite portion pour Giscard, un peu plus pour Mitterrand et Chirac…) ou celui qui l’a suivi (le pauvre président normal Hollande n’a jusqu’à ce jour pas eu grand-chose à se mettre sous la dent). Par contre, avant même qu’il ne soit élu, Nicolas Sarkozy pourra se vanter d’avoir été la cible de multiples œuvres chantées, missiles venant de tous horizons et non uniquement des traditionnels « chanteurs engagés » ou des chansonniers. Au moins y a-t-il un domaine dans lequel il peut se targuer d’avoir fait l’unanimité…

Passant en revue toutes les étapes de la carrière du petit Nicolas, de l’époque où il officiait au Ministère de l’Intérieur à son accession au pouvoir suprême, de ses frasques festives du 6 mai 2007 à ses déboires sentimentaux, de ses coups d’éclats politiques toujours plus marqués à droite (l’identité nationale, les reconduites aux frontières, le « travailler plus pour gagner plus »…) à ses récupérations (l’affaire Guy Môquet) et gaffes diverses (quel dommage pour Sarkozy qu’il n’ait déposé à la SACEM sa célèbre formule « Casse-toi, pauv’ con » !), Michel Kemper nous démontre combien la chanson aura toujours accompagné le Président, commentant et critiquant son action (parfois la louant, mais c’est ô combien plus rare !), retrouvant une verve contestataire qui s’était quelque peu étiolée au fil des siècles. Comme le fait remarquer à juste titre l’auteur : faut-il vraiment s’en étonner quand on se souvient combien l’homme a toujours voulu, de son plein gré, se placer dans l’oeil du cyclone médiatique, souhaitant faire de son histoire une sorte de téléréalité politique ? A ainsi vouloir désacraliser la fonction qui était la sienne, dans cette volonté forcenée de changement, la monnaie de la pièce ne pouvait que lui être rendue de la même manière, sans trop d’égard ni de respect…

Le recensement des artistes y étant allés de leur sarkozynade, de manière implicite (Alain Souchon et son En collant l’oreille sur l’appareil, par ex.) ou bien plus clairement, étonnera le lecteur par son importance et sa diversité. Bien entendu, ces rangs sont peuplés majoritairement de chanteurs peu médiatisés, qu’à chaque fois Michel Kemper prend soin de présenter brièvement, mais aussi d’authentiques vedettes populaires (Cali, Delerm, Lavilliers…), démontrant que l’exaspération causée par l’homme politique était à ce point générale et intense que maintenir sa voix sous le boisseau s’avérait mission impossible. Qu’il semble révolu le temps où l’on se contentait de se poser en chanteur « engagé » en débitant des généralités aptes à se donner bonne conscience (cf. l’excellente parodie des Inconnus – qu’on aurait pu voir évoquée dans le livre -, où le chanteur Florent Brunel vantait en fin de compte les mérites des politiciens de tous bords pour conclure par un édifiant Mais y’en a un qui est vraiment un enfoiré/Mais je préfère pas dire qui c’est).

Au rayon des points négatifs (quel livre en serait exempt ?), on regrettera l’absence d’une bibliographie en fin d’ouvrage, ainsi qu’une table des matières détaillant les chapitres.

Si Sarkozy m’était chanté est donc un livre très complet sur la question, par ailleurs rarement soulevée par les commentateurs, de savoir quelle place la chanson occupe-t-elle dans la vie politique. Il se révèle instructif, érudit et distrayant. Michel Kemper, loin de se contenter de dresser un inventaire (amusant, mais qui s’avérerait vite un peu vain) des sarkozynades, accompagne ce savant relevé de considérations sur la fonction présidentielle et l’évolution de la perception de celle-ci par le peuple. Chacun y trouvera matière à réflexion.

Personnellement, celle qui m’est venue à l’issue de cette roborative lecture tient principalement en deux questions.

Tout d’abord, on peut s’interroger sur le degré de sincérité de ces artistes ayant assaisonné Sarkozy à toutes les sauces. Etait-ce réellement de leur part le fruit d’une position personnelle ou ne s’agissait-il pas aussi d’une sorte de mode, d’une posture intellectuelle permettant de se parer à bon marché d’un vernis contestataire de bon aloi ? Il fut un temps où les allusions à Jean-Marie Le Pen faisaient pareillement florès dans la chanson. Sarkozy, à force de chasser sur les terres de ce dernier, en a pris la place dans les œuvres de nos actuels trouvères (on peut d’ailleurs s’attendre à un prochain déferlement de marinades plus ou moins relevées…). Ne doit-on pas y voir un recours facile à un moderne croquemitaine ?

Par ailleurs, on est également en droit de se demander si toute cette veine chansonnière ne s’est pas épuisée en vain, ne convainquant que les convaincus et laissant les autres indifférents. Certes, toutes ces chansons peuvent être considérées à tout le moins comme un témoignage sociologique, reflétant l’état d’esprit de la France durant le quinquennat maudit. Mais auront-elles été utiles pour autant, ainsi que le chante Julien Clerc ? Pire, cette libération de paroles n’a-t-elle pas en fin de compte servi Sarko 1er, selon le grand principe médiatique « peu importe qu’on parle de moi en bien ou en mal, l’essentiel, c’est qu’on parle de moi ! ». C’est vrai, l’homme n’a pas été réélu, tant son attitude avait fini par n’entraîner que réprobation. Bien hardi toutefois celui qui oserait affirmer que c’est sa politique elle-même qui a été rejetée. Et je crains que pour venir à bout de celle-ci, quelques tombereaux de chansons seront encore bien nécessaires…

 

En lien, l’article de NosEnchanteurs qui fut à l’origine de ce livre. On commande ce livre à l’auteur sur s a page facebook en message privé. Ou par courriel : michel.kemper@laposte.net 25 € port compris.

Pour écouter une grande partie des chansons du livre (chansons en intégralité, attention : 15 heures d’écoute !), la playlist d’Emmanuel Guilloteau, c’est ici.

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6 Réponses à Si j’étais Président de la République…

  1. Trihoreau 22 août 2016 à 18 h 55 min

    Lorsque j’ai publié « La Chanson de Circonstance » (Ed L’Harmattan), je savais que Michel Kemper préparait ce livre, mais, alors que je survolais quelques siècles d’histoire, je n’imaginais pas qu’il pourrait sur un parcours aussi bref que celui de Sarkozy (oui, c’est relatif, mais aux yeux de l’Histoire…) il pourrait trouver autant de richesses. Quelle verve nos chansonniers actuels ! C’est très instructif, drôle et passionnant.

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  2. J-Claude Romain 22 août 2016 à 20 h 45 min

    Une de mes préférées est ici : https://www.youtube.com/watch?v=LWkCl0Wmeqg

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  3. Trihoreau 23 août 2016 à 17 h 50 min

    J’aime beaucoup la délicate subtilité de celle-ci : https://youtu.be/MxxpAybcWIg

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  4. J-Claude Romain 23 août 2016 à 20 h 40 min

    Il y avait aussi, en 2007, cette petite parodie :

    https://www.youtube.com/watch?v=GCLY76CBDiI

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  5. Pol de Groeve 24 août 2016 à 0 h 28 min

    Si on joue au jeu de ses préférences, moi c’est celle-là : https://www.youtube.com/watch?v=3-z70vmywbw

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