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Söl, un album very Dick

Dick Annegarn (photo Vincent Capraro)

Dick Annegarn (photo Vincent Capraro)

Quel lecteur de NosEnchanteurs ne connaît pas Dick Annegarn ? Que les éventuels distraits se rassurent : notre chanteur batave a la bonne idée d’ouvrir son nouveau disque – sobrement intitulé Söl – par un blues percussif et présentatif, Né à La Haye. Le morceau idéal pour faire connaissance avec l’homme (« Je suis né à La Haye, en 1952 / Et voilà que je suis né ») et sa poésie un brin surréaliste (« Mon père est une colombe et ma mère un pigeon bleu / Ils se sont beaucoup aimés ») non dénuée d’humour et d’autodérision (« J’ai connu célébrité, une ou deux, ou bien trois fois / Ça n’a pas longtemps duré »).

Pour ce dix-huitième album studio, l’enfant prodige revient sous l’aile du label qui a tant contribué à sa renaissance publique, le bien-nommé Tôt ou Tard. Retour aux sources sous toutes les formes, tant Söl est un disque renouant avec les origines du blues-folk dont Dick Annegarn est un fier représentant. Enregistrées durant le confinement dans son refuge haut-garonnesque, les 10 courtes chansons qui le composent s’abandonnent en effet à la sobriété et à la simplicité. Pas de chœurs, pas de boucles enregistrées, ni de sample, aucun effet… mais juste un bazar sur lequel on tape et un harmonica en ouverture, puis une guitare pour les neuf autres titres, et basta ! Economie à tous étages. Qui permet d’apprécier à leur juste valeur le jeu virtuose du musicien et son chant unique, porté par cette voix et cette diction reconnaissables entre toutes. Du Annegarn nu, brut, livré franco de port.

SolDix chansons, dix histoires. Ou plutôt dix esquisses, dix traces, dix collages. Des textes allusifs et poétiques, jamais dans la démonstration. Où il est question de désespoir (« C’est trop tard, trop tard, trop tard / Il n’y a plus de lumière, il fait noir trop tôt le soir »), de randonnées spirituelles (« Hymne à l’Himalaya, ode au thé / Ode à l’Annapurna, Odyssées »), d’étranges volatiles qui nous ressemblent (« Des oiseaux à 4 pattes, des oies à 3 pieds / Des oiseaux culs-de-jatte, des oiseaux ailés / Y en a qui toussent, y en a qui gloussent / Y en a qui scrollent dépités »)… Ou l’on retrouve des figures connues comme Marilyn Monroe ou Modigliani (« Chance que t’aies mêlé tes pinceaux / Chance que t’aies connu Picasso »). Où l’artiste chante son agnosticisme (« Je suis comme Saint-Eustache / Je cache ma foi dans ma moustache ») et sa sainte colère (« Pour lutter contre l’intox / Boxe boxe boxe / Pour lutter contre l’infâme / Blâme blâme blâme / Pour lutter contre la pub / Zappe zappe zappe »). Des chansons dont le sens nous échappe parfois, mais jamais le son, tant les mots cognent, se heurtent, sonnent et résonnent, se mêlent et s’emmêlent, s’allitèrent et s’assonnent, se riment, se strophent et s’apostrophent.

Söl est donc un album de blues littéraire. De blanco-spirituel. De folk épuré, dont on aurait troqué la voix nasillarde de Dylan pour un timbre profond à l’accent étrange. Un album au dépouillement janséniste, déconcertant à première écoute, attachant en diable au fil des suivantes.

 

Dick Annegarn, Söl, Tôt ou Tard 2020. La page Dick Annegarn sur le site Tôt ou tard, c’est ci ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

« Comme Saint-Thomas » : Image de prévisualisation YouTube

« Modigliani » : Image de prévisualisation YouTube

Une réponse à Söl, un album very Dick

  1. Eric Audibert 8 octobre 2020 à 13 h 43 min

    C’est vrai: il nous déconcerte d’abord, pour mieux nous enchanter ensuite, toujours. Concernant sa discographie depuis 45 ans, on peut parler d’œuvre je crois.

    Répondre

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