Bernard Dimey n’est pas mort le dix mai
C’est du moins ce que chantait Jacques Debronckart, faisant allusion à l’élection historique de François Mitterrand en 1981. Il a attendu le premier juillet suivant pour quitter ce monde, par humilité : « Ma mort ne sera pas un drame, je ne suis pas un pharaon ! » (*) Bernard Dimey n’est pas mort du tout. Il vit encore dans un festival annuel à Nogent et dans la mémoire de ceux qui l’aiment et nombreux parmi eux sont ceux qui le chantent.
Peintre sous le nom de Zelter, dialoguiste et parfois acteur, Dimey est avant tout un poète. Son talent, c’est la narration élégante et féroce de truculentes ou dramatiques aventures de gens simples, entre naïves outrances et pudeurs spontanées ; c’est un moment de douce mélancolie se brulant dans un rire ; c’est la vie en technicolor avec les nuances du cœur.
Syracuse, mis en chanson par Henri Salvador est passée à la postérité ainsi que quelques autres. Évitant toute redondance en ce domaine, l’album Ce qu’ensemble on a vu démontre l’étonnante vigueur d’un langage à la fois populaire et étonnamment riche et juste de poèmes devenus des chansons.
Il faut saluer d’abord la qualité artistique de ce disque d’une belle homogénéité dans le ton avec une vingtaine d’artistes de tous âges, de tous genres musicaux qui sans exception ont compris Dimey pour en exprimer toute la tendresse et toute la force. Écoutez-les tous. Régalez-vous, tant avec les nouveaux arrangements des chansons historiques, apparues au siècle dernier qu’avec les mises en musique plus récentes de poèmes édités dans les recueils ou dits jadis par l’auteur.
Parmi les premières, celles enregistrées par Charles Aznavour, comme L’amour et la guerre, chantée ici par Dominique Dimey, la fille retrouvée de Bernard, L’enfant maquillé par Mélanie Dahan ou La salle et la terrasse qui va comme un gant à Yves Jamait. Barbara strip, créée par Mouloudji et lascivement interprétée par Valérie Mischler, laquelle reprend aussi hardiment Frédo dans sa version complète. Les Frères Jacques avaient omis le dernier couplet, qui donne pourtant tout son sens à la chanson, sans doute censurés ou autocensurés à cause des « r’quins d’la finance et des crabes du gouvernement ».
Jehan, qui mit Dimey à son répertoire dès ses premiers disques, reprend J’ai tout vu j’ai tout connu, créée par Catherine Sauvage mais il apporte aussi ses propres musiques sur Les Chiens ou encore J’aimerais tant savoir qu’interprète ici Cyril Mokaiesh. Comme Jehan, Jean-Michel Piton fut l’un des principaux passeurs de l’œuvre du poète par des reprises ou des compositions originales comme La Tamise qu’il interprète « entre le delirium, la sagesse et la rage », laissant à Francesca Solleville le soin d’ouvrir Les portes de la France.

BONNE NOUVELLE !
Un super album, dans une superbe collection pour retrouver les textes de Bernard. Ses chansons vivent à travers les voix de tous ces chanteurs de talent réunis dans cet album.
Merci à NosEnchanteurs et à EPM de continuer, avec nous, à faire vivre et connaître les chansons de Bernard.
Disque disponible dès cette fin de semaine là où la chanson française a encore sa place !!!!!
Bonne écoute à toutes et tous. DOMINIQUE DIMEY
D’autres mises en musique ou en chanson perpétuent les poèmes de Dimey. Frasiak s’en est pris allègrement à Ivrogne et pourquoi pas, Guilam, On vient chez vous (Sébastien Guerrier), Cris Carol, Nicolas Bacchus, Claire Taïb, Les Grandes Gueules ont apporté leur propre touche musicale et vocale. Mon Côté Punk a fait de La Crucifixion, préalablement enregistrée par Henri Salvador, en diction sur fond musical, un rap parfaitement adapté ; le duo formé par Sanseverino et Nicolas Moro fonctionne très bien en jazz manouche et celui de Michèle Bernard et Rémo Gary est touchant de saine nostalgie.
Une petite réserve à mon goût : finir l’album par Adieu pour un artiste, qui fut un succès de Raoul de Godewarsvelde était une bonne initiative, mais la légèreté choisie de l’enregistrement en public par Les Croquants est poussée à l’outrance par une foule en délire dont le chant maladroit laisse un mauvais goût dans les oreilles.
Pour tous ceux qui connaissent plus ou moins Bernard Dimey ce disque est un grand moment de plaisir que l’on sent partagé par les artistes : leur enthousiasme est sensible à l’écoute. Pour les autres qui ignoraient jusqu’alors son nom, n’en disons pas davantage et ménageons-leur les délices de la découverte.
NOTES
(*) Extrait du poème J’aurai du mal à tout quitter, dit par l’auteur sur le premier 33 tours Déesse, en 1968. Cinq autres disques suivront, dits ou chantés par plusieurs interprètes, dans la même maison.
La plupart des poèmes ont été publiés entre 1991 et 1998 par Christian Pirot en quatre recueils : Je ne dirai pas tout, Le milieu de la nuit, Sable et cendre et Kermesses d’antan.
Jacques Debronckart « Bernard Dimey n’est pas mort de 10 mai » :
Commentaires récents