Ni Brel, Ni Barbara, mais bien Laurent et Mario !
Sauvé dans Ghislain Debailleul, L'Équipe
Tags: Barbara, Jacques Brel, Les monsieur Monsieur, Nouvelles
27 janvier 2023, Maison pour tous de Beaucourt (Territoire de Belfort),
L’année 2023 débute en fanfare à la Maison pour Tous de Beaucourt. Après Chelon, Garance, Mister Mat, Chango Spasiuk ou encore H.Burns, le Foyer Georges-Brassens accueillait un spectacle à la frontière du théâtre et de la chanson. « Ni Brel ni Barbara » est le titre de ce théâtre musical concocté par Laurent Brunetti, Mario Pacchioli (les Monsieur Monsieur) et Rémi Deval (qui en assure également la mise en scène).
Le public a répondu en nombre malgré les conditions météorologiques peu favorables. La salle est comble quand, dans une faible lumière bleutée, se découpe la silhouette si caractéristique de la longue dame brune. Nous voici d’emblée dans l’atmosphère des dernières représentations de Barbara. La gestuelle sophistiquée des mains de la chanteuse est fidèlement reproduite. Mario Pacchioli réussit le tour de force d’épouser la respiration et les intonations de Barbara pour s’accompagner au piano et interpréter Mémoire, mémoire (une chanson extraite de la comédie musicale Lily Passion de 1986 et modifiée par la suite pour les concerts de 1987 au Châtelet à Paris). C’est tout un art de bien débuter un spectacle. Le public est à la fois séduit et intrigué par cette imitation, un peu mal à l’aise même.
Faut-il se laisser totalement phagocyter par son modèle au risque de tomber dans la mauvaise caricature ? Laurent Brunetti est, lui, convaincu du contraire. Il tient certes à rendre hommage à Jacques Brel mais en s’éloignant de la figure tutélaire et veut faire œuvre de création. Pas question de prendre un pseudo accent belge ou de faire de grands gestes pour chanter Brel. Le débat est lancé entre les deux protagonistes. Tout au long de la pièce, les deux comédiens vont défendre avec force, esprit et humour leur point de vue. Ils argumentent en utilisant les chansons des deux monstres sacrés, à coup de citations et d’anecdotes pêchées dans la vie de leurs deux modèles. Le spectacle est parfaitement rodé après quelques 200 représentations, ainsi le plaisir est des deux côtés de la scène à la fois dans le public et chez les deux artistes.
Autour du grand piano noir, touché avec grâce et talent par Barbara/Mario, Brel/Laurent tente de convaincre son complice de s’affranchir et de s’émanciper de son envahissante idole. Cette joute offre aux deux comédiens/chanteurs l’occasion de passer en revue avec brio bon nombre de chansons connues ou moins connues de Brel et de Barbara avec, en point d’orgue, une habile construction où s’entrelacent parfaitement Dis quand reviendras-tu ? de l’une et Ne me quitte pas de l’autre.
Les 250 personnes présentes ce soir-là manifestent de plus en plus bruyamment leur enthousiasme. Les deux comparses peuvent clore leur spectacle en apothéose en se lançant dans un pot-pourri effréné des plus grands succès de leurs deux modèles avant de conclure par une toute dernière pirouette. Chapeau bas les Monsieur Monsieur !
On en ressort un sourire accroché à la face, totalement conquis par l’énergie qui se dégage de cette pièce. Alors, ni Brel ni Barbara ? Eh bien, c’est à la fois Brel et Barbara, mais c’est surtout Laurent Brunetti et Mario Pacchioli. Un dernier conseil, si ce théâtre musical passe près de chez vous, ni hésitation, ni doute, courez-y !
Ghislain DEBAILLEUL
Le programme de la Maison pour Tous à Beaucourt, c’est ici ; le site des Monsieur Monsieur, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs ont déjà dit d’eux, c’est là.
Le Théâtre musical des Monsieur Monsieur est, évidemment un très beau spectacle à regarder et écouter.
Ce n’est pas seulement un hommage, c’est aussi une œuvre subtile et riche qui pose de vraies questions, et laisse beaucoup d’ouverture au débat, chacun des intervenants prenant à l’autre une partie de son enthousiasme : à la fin chacun est prêt à revenir sur ses positions tranchées du début. Interpréter, sans copier en restant soi-même.
L’histoire souligne l’humour de Barbara comme celui de Brel (on rit beaucoup), s’attache à la relation interpersonnelle entre ces deux artistes, et y superpose subrepticement le propre parcours du duo, de l’interprétation à l’écriture de leurs propres chansons. C’est Brel dit-on, qui a conseillé à Barbara de chanter ses chansons, alors qu’elle n’était pas sûre d’elle et se considérait plus comme une interprète, de Brassens puis justement de Brel. Et ce fut… « Barbara chante Barbara ».
Une œuvre qui se lit à de multiples degrés, un théâtre musical qui fait honneur tant au Cabaret qu’à la Chanson francophone et toute sa richesse.