Fête de la Musique : l’Orgue de Rameau à Genesis en passant par Zappa

Rechsteiner-Caget Orgue & percussion à Bouc Bel Air Photo ©Catherine Laugier

Bouc-Bel-Air, 21 juin 2023, Festival d’Orgue

L’arrivée de l’été annonce la fête de la musique, et comme dans beaucoup d’endroits  elle se traduit par des festivités sur la place centrale du village, ou amateurs, associations, écoles de musique, orchestres régionaux et de bals se succèdent dans un grand mouvement festif populaire, au milieu des camionnettes dédiées aux spécialités culinaires. On a notamment pu écouter soixante batteurs et des djembés de l’École de Batterie de l’École de Musique de Bouc Bel Air. 

Si la chanson française proprement dite est assez peu présente dans le programme, à l’exception de la variété anglo-saxonne, ce n’est pas pour autant le cas de la Musique, toujours bien représentée avec le concert final du Festival d’Orgue qui a lieu tous les mois de juin dans l’Église Saint-André de la commune, dotée d’un orgue de toute beauté construit sur mesure dans les années 2000 par le facteur d’orgue gersois Jean Daldosso de Gimont, inauguré en 2006, en remplacement d’un petit orgue de six jeux à la forme plus classique et qui arrivait en fin de vie. 

Cet orgue de  type baroque polyphonique, dans le style instrumental de l’Allemagne du Nord, s’intègre parfaitement dans la petite église romane simple et belle de la commune, avec son porche classé, ses vitraux colorés modernes qui en illuminent l’intérieur, sa collection d’ex-voto issue du pèlerinage de la chapelle voisine Notre Dame de l’Espérance, dite La Bonne-Mère, dans la colline boisée contigüe (qui n’est ouverte que quelques jours par an), ses tableaux du XVIIeme siècle pour la plupart, et à Noël, ses santons presque grandeur nature. L’orgue, plutôt que d’être relégué en fond de nef, se trouve donc à droite de l’autel, où se trouvaient naguère les fonts baptismaux. Ce qui rend cet instrument particulièrement propice aux concerts, outre ses qualités techniques.

Depuis 2006-2007 des concerts sont donnés plusieurs fois par an, avec en points forts le concert de Noël, le plus souvent avec l’organiste André Rossi de Marseille, et le Festival d’Orgue du mois de juin. Le premier, Bach-Coltrane, avec André Rossi, le saxophoniste de jazz Raphaël Imbert et sa compagnie Nine Spirit, le Quatuor Manfred, et le contre-ténor Gérard Lesne, a fait l’objet d’un enregistrement CD plus que recommandable. Raphaël Imbert, directeur du Conservatoire Pierre Barbizet de Marseille à rayonnement régional, est connu internationalement pour ses travaux sur le jazz à travers le monde, sur ses sources afro-américaines, le jazz louisianais ou new-yorkais, l’improvisation, le lien avec les techniques numériques, et les convergences avec la musique classique, de Bach-Coltrane à Amadeus & The Duke  (Mozart-Duke Ellington).

Les objectifs de l’Association sont, dans le même esprit que ces grands artistes, la diversification des interprétations de manière à les rendre accessibles au plus grand nombre, et je rajouterais, faire découvrir au public des musiques dont il est moins familier, avec en sus de l’orgue des instruments que l’on ne s’attend pas forcément à écouter avec lui. Objectif qui semble réalisé avec des concerts très suivis, à des tarifs très accessibles, la Musique pour tous en quelque sorte. C’est ainsi qu’en juin 2023 se sont succédés Pascal Marsault du Conservatoire National Supérieur de Paris,  actuellement enseignant au Conservatoire de Toulon-Provence-Méditerranée, et Thierry Maison au Cor de Basset, dans un répertoire allant de Mozart à Backofen. Puis Lucie Dollat, organiste et  professeur à Paris, avec la musique baroque de Buxtehude, Muffat et Bach.

Le concert gratuit du 21 juin réunissait le suisse Yves Rechsteiner, soliste habitué des Festivals d’Orgue, professeur, et directeur depuis dix ans du Festival Toulouse les Orgues (on peut l’écouter ici avec Hervé Suhubiette dans une fulgurante interprétation d’Amstrong de Nougaro), et Henri-Charles Caget, génial percussionniste (batterie, percussions à secouement et tous objets sonores), spécialiste du rythme, directeur artistique de l’espace culturel-musée sonore « Du ciel aux étoiles ».
Le concert a commencé avec la musique baroque de Jean-Philippe Rameau (Suite en sol), particulièrement bienvenue en Provence avec ses musettes et tambourins, son Air pour les fleurs, où Caget a pu donner toute sa mesure, alternant sifflet d’oiseau et frôlement de cymbales, son très célèbre Air des Sauvages qui donnerait la pêche même à un rocker, ou sa dansante Chaconne au rythme lent et marqué. Quoi de neuf ? Rameau ! 
Nous avons eu droit ensuite à une audacieuse adaptation pour orgue de Franck Zappa, Dog Breath & Uncle Meat, véritable explosion de sons et de distorsions, un feu d’artifice ! 
Puis le voyage musical progressif du First of fifth de Genesis a pu se développer en toute liberté au son des grandes orgues, aux frémissements de cymbales, aux sifflements, sonnailles et autres timbres. Quelques autres morceaux pour finir un concert qui a été follement applaudi ! 

La preuve vivante que la musique n’a pas d’autres limites que celles qu’on veut lui imposer. 

Le site des Amis de l’Orgue de Bouc-Bel-Air, c’est ici. Le profil facebook de Yves Rechsteiner, c’est ici. Le site d’Henri-Charles Caget, là. 

« Les sauvages », Jean-Philippe Rameau (audio Rechsteiner/Caget) 
« Dog Breath & Uncle Meat », Franck Zappa à l’orgue de la Dalbade (Rechsteiner/ Caget /Maurin)