Reinhard (Frédérik) Mey : Nach Haus (A domicile)
Savez-vous qu’en Allemagne, à plus de 81 ans, un auteur-compositeur-interprète vient de sortir son 29e album studio ? Son nom, Reinhard Mey, ne vous dira sans doute pas grand-chose mais peut-être connaissez-vous Frédérik Mey, le pseudonyme sous lequel il a publié sept albums en français entre 1968 et 2005. Il est amusant de rappeler que son nom de scène en France aurait pu être Renaud Mey, la francisation de son premier prénom, mais le côté « renommée » l’a poussé à choisir son deuxième prénom Friedrich pour devenir Frédérik Mey dans les pays francophones.
Elève au Lycée français de Berlin, il décroche à la fois le baccalauréat français et l’Abitur allemand. Marié à une Française de 1967 à 1976, Reinhard Mey a été le représentant de l’Allemagne en 1967 au Festival de la Chanson (Coupe d’Europe du Tour de Chant) de Knokke-le-Zoute en Belgique. C’est le point de départ d’une carrière en France et en Belgique car il avait été remarqué par un producteur français. Sur les six premiers albums en français parus entre 1967 et 1982 (voir la réédition en quatre disques compacts chez EPM, Le Tendre Mordant), deux sont enregistrés en public, l’un à l’Olympia en 1976 et l’autre à Bobino en 1981. Il faudra attendre vingt-trois ans pour pouvoir à nouveau écouter Mey chanter en français sur un septième et très probablement dernier album, Douce France, paru en 2005. Cet album est également sorti en allemand la même année.
Si son parcours français ne comporte « que » sept albums, sa carrière discographique en langue allemande est forte de vingt-neuf albums studio publiés avec une constante régularité de 1967 à ce jour. Sa discographie complète (albums originaux, récitals captés en public et disques en langues étrangères) culmine à plus de soixante albums ! Georges Chelon en France n’a pas fait mieux ! Impossible bien entendu de retracer un tel parcours en quelques lignes. Je vous propose donc de parler de son nouveau disque, Nach Haus (A domicile), car beaucoup de ses thèmes de prédilection sont à nouveau abordés dans ces quinze nouvelles chansons.
Comme sur tous les albums précédents, Reinhard Mey écrit les textes, compose la musique de ses chansons et s’accompagne à la guitare. Das Raunen in den Bäumen (Le bruissement dans les arbres) évoque le temps qui passe et les souvenirs. Beef und Lobster (Boeuf et Homard) parle d’un serveur de restaurant désabusé. Zwischen Kontrollpunkt Drewitz und der Brücke von Dreilinden (Entre le poste de contrôle de Drewitz et le pont de Dreilinden) évoque de façon saisissante l’histoire avant et après la chute du mur de Berlin. Verschollen (Disparu) dénonce sur fond d’accordéon aux accents slaves l’absurdité de la guerre à travers le portrait d’un soldat allemand mort pendant l’invasion de la Russie. Questo tavolo non si vende raconte, doucement balancé par l’accordéon et le banjo, l’histoire d’une table achetée en Italie et chargée d’histoire avec le refrain final repris en chœur par toute la famille. Nichts ist für immer (Rien n’est éternel) dont tout est dit dans le titre. Zwei Musketiere (Deux Mousquetaires) est un duo entre Reinhard Mey et Hannes Wader, un compagnon de route depuis les tout premiers débuts ( écoutez sur YouTube leur version en duo du Temps des Cerises). Legende von den Liebenden (La légende des amoureux) est une variation de plus sur l’amour ponctuée de douces envolées à la flûte. Du hast mich getragen (Tu m’as porté) est une belle déclaration d’amour à son épouse posée sur de délicates notes à la harpe. Miserere mei, sur quelques notes de piano, de guitare électrique et d’orgue d’église, est un acte de contrition face au mal que les humains font au monde animal. Du kannst fliegen (Tu peux voler) évoque à la fois son amour pour les avions (Reinhard Mey est un pilote confirmé) et sa confiance dans les possibilités de l’homme. Lagebericht (Etat des lieux) est un constat amer sur la situation de notre monde.
Black and White 1945 est la reprise d’une chanson en anglais de Ross Brown interprétée en duo avec son gendre, le chanteur canadien Matthew Pearn. La chanson aborde les doutes tardifs et la culpabilité après un épisode survenu pendant la seconde guerre mondiale entre un soldat allemand et une jeune fille française. Schlendern (Flâner) est une belle reprise en version symphonique d’une chanson de son collègue et ami Konstantin Wecker. Enfin Nota bene est un texte récité (Sprechgesang comme dirait nos amis saxons) sur une musique de… Georg Friedrich Händel.
Pour revenir à Georges Chelon, Reinhard Mey partage avec lui la faculté de construire, enregistrement après enregistrement, une sorte d’autobiographie poétique et lyrique bâtie avec patience, honnêteté et modestie autour de thèmes récurrents comme l’amour, la mort, le rejet du racisme, le désaveu de la bêtise, le refus de la guerre ou encore la défense de l’environnement. Le plus souvent, l’artiste puise dans ses propres expériences au cœur de ses sentiments les plus intimes.
Bien que ne parlant pas un traître mot d’allemand, j’avais été séduit il y a quatre ans par son avant-dernier album, Das Haus an der Ampel. Une fois encore, le charme opère avec ce tout nouveau Nach Haus. A vous de juger…
Le site de Reinhard Mey, c’est ici. ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Merveilleux ACI franco-Allemand que j’ai découvert à St-Pierre et Miquelon en 75 ou 76, dans un vinyle que je garde précieusement et sur lequel je chantonne encore : « Chasse présidentielle », « J’aimerais bien être mon chien, » Une cruche en pierre, » « Le politicien ». Bonne occasion pour le ressortir !
Mes années lycée.
Un voyage en Allemagne avec une correspondante qui n’écoutait que lui.
Le bonheur de trouver ses vinyles en français
Des chansons qui m’ont marqué : Gaspard, L’ours qui voulait rester un ours, Dédé Volinsky, Le météorologue, Annabelle….
Je les ré écoute avec plaisir.
Qu’est ce que j’ai pu écouter ses chansons (en français). Je dois avoir tous ses vinyles que j’ai rachetés après en CD et qui maintenant sont enregistrés dans notre bibliothèque musicale…
Je pense souvent à lui quand mon mari me demande « …n’importe où, n’importe quand, n’importe quel objet… que je transporte dans mon sac et qui pour lui reste toujours le plus grand des mystères… Ceux qui connaissent cette chanson vont vite comprendre… Je crois qu’je suis ainsi… oui je crois bien…
Ah ! Souvenir de jeunesse pour mes vinyles mais aujourd’hui encore beaucoup écouté grâce aux CD de chez EPM ! Un grand Monsieur !