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Vincent Brusel, chansons du bord de l’eau

Vincent Brusel Photo ©Fred

Vincent Brusel Photo ©Fred

Sorti d’une façon plus que discrète, seulement distribué en fin de concert, j’ai appris son existence presque par hasard. Non que l’on puisse en avoir honte, au contraire cet album est l’aboutissement d’un beau parcours musical et poétique. Vincent Brusel, connu pour ses chansons de marins, voyageurs au long cours, de Boulogne-sur-mer, au sein du duo, ou trio La Bricole, a été archéologue et instituteur ; musicien guitariste et mandoliniste, poète, il a également un répertoire de chansons traditionnelles ou inspirées par elles. Il est originaire du Nord et a longtemps vécu dans le marais audomarois, dans le Pas-de-Calais autour de Saint-Omer, une région de maraîchage façonnée depuis l’époque médiévale, où de nombreuses îles ne sont accessibles qu’en bateau, comme l’était la maison de son copain Samuel Guilmain avec lequel il a écrit ses premiers textes. La chanson la plus ancienne de l’album, Eugène, « Vélo rouillé et grande dégaine / Les oreilles trouées par le gel / Et la Grande Guerre dans les semelles » a d’ailleurs été écrite en 1995 par Samuel, et mise en musique par Vincent.

Les autres chansons, toutes de sa propre plume, ont été écrites sur quelque cinq années, d’abord dans le marais « partageant l’eau des foulques, des hérons et des poules d’eau » ; quelques-unes plus au sud dans la campagne ternoise ;  ou au contraire dans le Nord, voisin de la Belgique, au pied des Ardennes, dans la forêt et le bocage  avesnois. Enfin, les dernières ont été écrites dans la montagne limousine, où il a déménagé il y a quelques années. On comprendra que ses chansons sont toutes imprégnées de terroir, donnent la part belle aux animaux et aux oiseaux, naissent de l’eau, se nourrissent de fruits et volent vers les hauteurs « Quand nous étions deux grands oiseaux / Dans le ciel ». Ancrées, encrées dans la mer, les étangs, les cours d’eau, elles sont d’abord écrites avec soin, dans une langue précise, pittoresque sans archaïsme, fabuleuse dans tous les sens du terme, puissante, dans la lignée d’un Brassens ou plus encore, d’un Félix Leclerc. Elles font leur petit chemin sans se soucier des modes, racontent les histoires des gens, des bêtes et des éléments – des Chuchotements y remontent le fleuve, la Lune y ment et dort sur des étables – réveillent les vieilles légendes des Géants fondateurs et dansent avec les loups comme avec les hérissons. Seulement accompagnées d’une guitare Larrivée L-09 de 1996, elles vibrent de la voix de ce troubadour intemporel, dans un folk un peu blues, raclant les émotions éternelles. 

©Julien Froidurot

©Julien Froidurot

Enregistré à l’ancienne avec un micro ruban au studio des Hirondelles à Flines Lès mortagne, à la frontière belge, par Aurélien Tanghe, l’album dès que posé dans le lecteur vous fait croire que l’artiste est à côté de vous, comme dans un chant’appart, à caresser et pincer sa guitare. Le premier titre de l’album vous explique la méthode pour écrire une Nouvelle chanson, surgie comme un fruit mûr d’un vert paradis « Je n’ai qu’à m’inspirer des sons / Qui tombent tout cuits dans ma gratte ». À lire /écouter les paroles (je vous mets la chanson ci-dessous), la suite vous prouvera que non, pour paraphraser le bon Georges, tant les mots rebondissent sur un imaginaire peuplé de voyages exotiques, de fées, de sorcières et de loups. Ces chansons nues vous content l’histoire des gens, ce Renard de Provin qui n’est pas un animal, mais un toujours jeune homme dans sa tête, rencontré dans une résidence pour personnes âgées, qui a échappé à la mine en faisant le tour du monde accompagné de sa belle, « Depuis Madagascar jusqu’au Mékong », choisi sa vie pour en faire son paradis : « Non, moi, ma vie, j’ai préféré la vivre / Et la danser : je ne suis pas écrivain ». 

Derrière l’humour se cachent les idées, en dénonciation indirecte du sort fait aux animaux, avec Petit Canard, qu’on peut entendre aussi comme une métaphore d’un homme dévoré par une compagne-ogresse, ou du mépris raciste des civilisations premières proches de la nature « On dit qu’ils pleurent pour les hêtres / Quand une forêt doit disparaître (…) Ils vivent comme des animaux ». Il faut aller écouter Vincent Brusel dans les petits lieux de nos campagnes, dans le Nord, le Limousin, dans la Drôme, dans une fête de village ou un festival campagnard, et en rapporter précieusement en souvenir cette discrète pépite qu’est cet album. Ou le lui demander en mp ou par mail. Il est bon de savoir, dans notre monde trop pressé, qu’il existe encore des humains qui prennent leur temps, n’ont rien à faire des réseaux, du commerce et des influenceurs, préfèrent la musique, la poésie, rencontrer des gens, cultiver leur jardin et se balader au bord des rivières. Mais il est bon aussi de le faire savoir. Demandez-le à vos programmateurs. 

 

Vincent Brusel, Deux mètres au-dessus de l’eau, autoproduit, 2023. Pour se procurer l’album, écrire à vbrusel.chanson@orange.fr ou en mp. 
La page facebook de Vincent Brusel, c’est ici, ou son profil, plus actualisé , là. Le site de La Bricole, ici, et leur page facebook, là. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit

« Nouvelle chanson », session plein-air octobre 2022 Image de prévisualisation YouTube
« Complainte du Renard de Provin », clip 2018 Image de prévisualisation YouTube
« Prunellier », session plein-air octobre 2022 Image de prévisualisation YouTube

 

 

 

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