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Éric Guilleton, l’intemporel

Eric Guilleton (photo Pauiine Ngoc)

Eric Guilleton (photo Pauline Ngoc)

Quand il ne fait pas son « dessin du dimanche » qu’invariable- ment il publie le jour même sur facebook, que fait donc Éric Guilleton ? Il pousse la chansonnette. Oh, pas sur scène tous les soirs, ça se saurait : c’est d’ailleurs bien dommage pour ce trouvère de bon aloi, tout autant que pour son public. En tout cas, il écrit et compose et, tous les cinq ou six ans, sort un nouvel album qui, pour des amateurs plus éclairés que d’autres, est toujours un grand événement, très grand ravissement. Celui-ci ne fera pas exception : il est simplement succulent.

C’est le huitième CD, après le 1959 (son année de naissance) d’il y a quatre ans, de cet artiste découvert jadis dans le sillage de son mentor et ami Pierre Barouh, qui a produit deux de ses albums.

Au luxe musical des Temps d’errance en 2012, alors avec l’ensemble DécOuvrir dirigé par Étienne Champollion, Guilleton avait préféré la sobriété d’un solo guitare et piano sur l’album suivant. Là, c’est aux guitares acoustiques, banjo et harmonica qu’on le retrouve, avec toutefois le renfort de Gérard Gabbay aux guitares acoustiques et électriques, ukulélé et bouzouki. Bel équipage que renforcent Inès Désorages sur un duo et des voix d’enfants sur un autre titre. Guilleton trimballe tendresse et mélancolie (il se permet même le réjouissante reprise de Colchiques dans les prés, à la feuille tourbillonnante, en suggestion dans le premier titre, en interprétation dans le dernier) dans un folk-song parfois teinté de blues, à la voix blanchie sous le harnais, pour toujours séduisante, apaisée, apaisante. Nos folk-singer sont désormais bien rares, Guilleton n’en est que plus indispensable. Puisant son vocabulaire des sentiments dans l’avant comme dans le présent, ses vers sont frappés d’une rare intemporalité, d’une surprenante conjugaison : « Laisse le bon temps rouler / Demain je t’aimais… »

954ee6_7a63ab401ed440ae9a1db446786efe5a_mv2Lui qui se « fait la belle / dans l’éclat d’un arc-en-ciel » ne nous entretient vraiment que de l’amour, de l’amour de la vie, qu’il traite à la manière d’un élément essentiel, universel, « comme l’eau et le sel ». Chaque mot chez lui pèse son poids, dans une paradoxale légèreté.

« Tu ne me diras jamais je t’aime / L’as-tu trop dit où pas assez / Si je le chante aujourd’hui c’est / Que la terre tourne quand même / Faut la pousser la chansonnette / Ça tu l’écris comme tu veux / Je me fous des anges et de l’enjeu ». Si le propos est impliqué, il ne l’est vraiment que dans la tendresse, l’émotion. Et comme détaché du reste, de l’épaisseur du temps, du poids des souvenirs, dérision dérisoire à l’adresse de ces copines et ces plumards dont il n’a vu que des plafonds (très jolie valse pour qui compte les mouches au plafond)… Et de toutes ces horreurs et indignités qu’il nous livre en un surprenant titre : « Laval Vichy raclures / Bannières prières tonsures / Enfants soldés murmures / Vaches folles fatwa parjures / Nazis Pétain doublures… » dont il se tire d’un délicat « Encore heureux qu’on était beaux ».

Dans l’espace, bien trop long, entre deux albums, Guilleton a chaque fois le temps de s’éloigner de nous, de se faire oublier, de faire mentir notre prétendue fidélité. Mais un nouvel album parait qui nous rappelle à lui, nous ressaisit, nous dit, et c’est essentiel, le bel artiste qu’il est.

 

Éric Guilleton, Demain je t’aimais, Bossa Flor Music 2024. La page Éric Guilleton sur le site Bossaflor, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

 

Pas de vidéos liées à ce nouvel album. Par défaut et pour le plaisir, en voici deux plus anciennes :

« Tant que je tangue » (2015) : Image de prévisualisation YouTube

« Une ville, un soir » : Image de prévisualisation YouTube

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