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L’homme Héron, pour peindre et dé-peindre le monde

L'homme  Héron Photo Vincent Joffre

L’homme Héron Photo Vincent Joffre

Ne vous fiez pas à sa voix douce et enveloppante, aux légères touches de piano sur lesquelles danse cette petite fille, le regard sur le monde, dont il fait navrant bilan, de Stéphane Barrière – connu sous le nom d’artiste L’homme Héron – est très caustique. « Petite fille danse et aiguise sa faux ». D’ailleurs la musique du titre qui ouvre l’album vire presto en rock violent, métallique et puissant qu’il nous concocte avec ses programmations, synthétiseurs vintage ou claviers en sus de son piano électrique.

Est-ce à son physique dégingandé, ou à sa plume aiguisée qu’il doit ce pseudo ? Tête de gendre idéal, cheveux bien coupés et lunettes fines, impression vite démentie par les yeux malicieux et le sourire carnassier, silhouette élancée dont il use sans en abuser pour une danse du feu autour du micro, et costume tressé de plumes. Il pousse le perfectionnisme jusqu’à glisser une plume d’oiseau dans ses envois de disques, qu’il vous est loisible de tremper vous-même dans l’encre de votre propre colère contre le monde pour un exercice littéraire cathartique. Mais vous ferez difficilement concurrence à son écriture sombre, poétique et décalée pour décrire les turpitudes de ces Drôles d’espèces que sont les hommes. J’y inclus les femmes aussi pour faire plaisir aux partisans de la parité absolue, même si comme Renaud j’ai la faiblesse de penser « Car aucune femme sur la planète / N’s’ra jamais plus con que son frère / Ni plus fière ni plus malhonnête / A part peut-être… ». Tout est dans ces points de suspension qui semblent se multiplier par contagion avec ce que l’on déteste le plus dans les valeurs masculines. D’ailleurs Stéphane semble trouver un apaisement auprès d’Alice et son cœur cabossé par des amours toxiques : « Au milieu de la faune écarlate / Des passants des passeurs et des costumes-cravate / Alice rêve (…) prend le premier train », quand la gothique Olga, son archange infernal, le transforme en percé de la tête aux pieds, occasion d’une scène aussi drôle qu’elle pourrait être satanique « Piques et clous s’entremêlant / Nos ébats tournèrent au bain de sang ».

Il sait à merveille se faire psychologue pour disséquer les humains au Cœur d’Ulysse « Aux prises avec les remous attirés par les abysses », les fantasmes amoureux objets de belles inconnues ou de garçon à la beauté singulière dont il tire salutaire morale « Au saut à l’élastique / Nous préférons les ascenseurs (…) Pour prendre de la hauteur », ou la vieillesse qui vous noie sous l’arrêt de bus, un texte mélancolique, qui vous imprègne de tragédie ordinaire, « Les heures passent / L’eau les enlace / Sans état d’âme / Elle les avale ».

L'homme héron 2025 Drôles d'espèces 500x500L’homme héron, qui se définit comme un lanceur d’alerte à la poésie décalée, entreprend de passer à la machine non l’amour, mais toutes nos p’tites affaires, des fonds illicites « de nos vertueuses élites » aux trafics en tous genres des « Élus, VIP, financiers, mafieux et dictateurs ». De son écriture imagée et rythmée « je pandore, je paname, je tralala papers », il a vite fait de vous peindre, puis dé-peindre le monde, comme s’il voulait arracher, déchirer toutes ces affiches superposées qui colonisent nos murs et nos esprits. L’homme héron fait tout lui même, dans une overdose de poésie qui remplace les drogues malsaines dont nos contemporains matraqués d’injonctions contradictoires tentent de noyer leur mal-être. Poudre blanche est une longue profession de foi qui nous parle en mots fleuris de son absolue addiction à la poésie, dans un slam magnifique qui fait penser au suisse Narcisse, s’envolant parfois en refrain chanté. « D’entre les mots d’entre les lignes / Je saisis ma chance / Je rêve donc je crie / J’aime donc je suis ».

Ce n’est pas un hasard s’il a été Lauréat du Prix Centre des Écritures de la Chanson-Voix du Sud, décerné par Francis Cabrel. Belle découverte que ce premier album qui réussit la gageure de mêler poésie, sensualité, humour et satire frontale de notre monde, tout en laissant toujours une place à l’amour et à l’espoir. Sur scène Stéphane n’est pas seulement un pianiste et un slameur presque chanteur, c’est un artiste complet, comédien, danseur, qui vous redessine notre terre et ses drôles d’oiseaux.

 

L’homme héron, « Drôle d’espèces », Inouïe distribution, HDMprodHERON, 2025. Le site de l’Homme Héron, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
En
concert au Off d’Avignon au Figuier Pourpre, Maison de la poésie, du 5 au 26 juillet à 21 h35


Extraits du concert-spectacle Image de prévisualisation YouTube
« 
Patite fille qui danse » extrait Image de prévisualisation YouTube
« Poudre blanche » audio Image de prévisualisation YouTube

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