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Nesles, l’irrégulier bizarre

Nesles Photo Richard Dumas

Nesles Photo Richard Dumas

Par quel bout prendre la perle Nesles ? On sent ce Barocco, cinquième album du « dandy glacé », organiquement peuplé : animal (Antilopes), floral (1976 et Canon-fleur) — de lumières dans la nuit (Quelque chose brille), d’intertextes surtout et de mots endémiques.

Enfin, il faut le dire, nous voilà un peu paumés au seuil de ce premier titre, manifeste Beckettien (on le découvre après), électro-mystérieux, ultra bashunguien, d’où se devine à peine audibles des auto-impératifs (« Marche / Prends ton carnet / Répète / Recommence… ») : plus percutants sur la page. Ce n’est qu’au troisième titre que notre oreille décolle, happée par les notes égrainées d’une guitare folk et ce refrain, précautionneusement distillé — « Même à la mine / même à la mine / quelque chose… brille ». On accroche.

Et les images fusent. S’ouvrent comme des fleurs qui bordent notre quotidien mais dont on ne connaît le nom, mystérieuses et familières. La langue est de répétition— mimant le déroulement de la parole (« Ça te dit / Ça te dirait / de t’allonger là contre moi ? » Canon-fleur) — et de polysémie : « moloko »(1)-molotov répond au canon-fleur du titre, etcétéra. Tout fait ainsi sens, tout nous parle — tout en restant étranger (ou vice-versa ?) : les Antilopes convoquent à la fois Il fait nuit en Amérique d’Ana Vaz et L’homme rapaillé de Miron ; la mine rappelle Berline de Céline Righi…mémoire personnelle bien sûr : les images fusent. Des fois même, l’image d’une autre époque prend le dessus.  « L’Agfa chrome » révèle la chanson comme un tirage argentique…

NESLES 2025 Barocco 30 mai 350x348Notre imaginaire ne ferait bien que barboter joyeux dans ce cabinet de curiosités, d’ailleurs bien agrémenté côté zoo d’instruments électro : thérémine, mellotron, synthétiseur moog… — si ce n’était aussi l’art de la formule. Nesles affectionne (entre autres) l’impératif et nous fait penser à Dimoné : ça resserre les images, ça donne du mordant ! « Monte à bord / serre les fesses », à première écoute on embarque direct sur le Panamerican express, comme une réplique au Scenic Railway de Gainsbourg… D’autres agacent comme ce « rien à foutre » d’une Anatomie (amoureuse), qui paraît un peu facile, mais il faut aller cueillir ailleurs, là où « c’est délicat / de pratiquer une autopsie / là comme ça ». Les sentiments s’expriment semble-t-il dans les contours de ces mots indigènes, « grenaille / et chiures de mines », comme dans Carquois (qui nous refait diablement penser à Madame Blanche, ce disque amoureux de Dimoné), dernier titre dont l’atmosphère guerrière se berce aux chœurs de la voix de Blaubird.

Il y aurait encore de quoi déplier à l’infini les strates qui composent cette nouvelle perle de Nesles (délicat, cette autopsie, ah oui !) : c’est unique, c’est en couches concentriques, ce cinquième album de celui qui foule aussi les sols parisiens, ceux de la Manufacture Chanson (2) où on aura pu le voir œuvrer, par ses chansons où celles d’autres (les fameuses soirées Walden).

(1) Lait -  (2) À 43 : 00

 

Nesles, Barocco, Walden Musique, 30 mai 2025. Sa page Facebook, c’est ici. Ce que Nos Enchanteurs a déjà dit de Nesles, c’est là

« Anatomie » Image de prévisualisation YouTube

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