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Bertrand Belin, le son, le sens, les sensations

Bertrand Belin aux Nuits botaniques (photos Christophe Dehousse)

Bertrand Belin aux Nuits botaniques (photos Christophe Dehousse)

30 avril 2019, festival Les Nuits Botanique, Bruxelles,

 

Au cœur de Bruxelles se nichent Les Nuits Botanique, qui chaque printemps, comme un tour de chauffe pour les festivals d’été, s’en viennent abreuver un public avide de découvertes. C’est que la programmation se veut moderne et pointue, à l’affût de la nouveauté qui éclatera quelques temps après ou fondée sur quelques gloires déjà établies mais à l’image marginale intacte. Un menu concocté avec les Inrocks à portée de main, quoi. La plupart des concerts affichant complet, l’adéquation avec les attentes du public est patente et rassurante.

Cest dans ce cadre qu’il nous a été donné d’applaudir Bertrand Belin. L’artiste n’y usurpe pas sa place, avec son rock accessible mais pas popu, ses chansons mystérieuses à décortiquer, son image d’esthète décalé… La salle bien remplie et la chaleur de l’assemblée, très à l’écoute et prompte à s’enflammer, confirme une fois encore la justesse du choix.

Trois musiciens et une musicienne (c’est trop rare que pour ne pas le souligner !) entourent le chanteur. Guitares, clavier, batterie, une formation classique et solide, pour un concert bien rodé, qui fera bien entendu la part belle au dernier album de l’artiste, Persona, sorti en janvier. Un disque très réussi mais déconcertant à la première écoute, tant il sort des sentiers battus de la chanson. Il nous est servi ce soir dans sa quasi-totalité et, disons-le, y gagne dans sa version scénique : le rythme lent se dope à l’énergie de l’ensemble et la gestuelle du chanteur muscle le propos, le réincarnant davantage dans le réel.

3La chanson Bec ouvre le concert comme l’album. Sorte de conte philosophique minimaliste (Petit à petit / L’oiseau fait son bec / Et quand vient le soir / Il veut avoir dit quelque chose / Avec), à l’humour sous-jacent, le morceau est une parfaite introduction à l’univers de Bertrand Belin. Chez lui, rien n’est souligné, ni asséné. Libre à chacun d’interpréter sa poésie, voire de faire fi du texte pour se laisser porter par l’ambiance musicale de haut vol. Qui y prête attention y trouvera pourtant un propos engagé, proche de l’humanité, soucieux du monde dans lequel l’auteur évolue : y sont abordés la déchéance sociale (J’ai glissé / Je n’ai plus de paix, de paye, de pays), avec un (prémonitoire ?) avertissement sur la révolte qui couve (On annonce un été de canadairs), la migration économique (Un point rouge dans la nuit / C’est une clope je te dis / Quelqu’un qui suit un sentier / Quelqu’un qui fuit / Qui cherche un pays), la solitude des grandes villes (La nuit je parle / Je te parle tout seul / pour te dire des choses nouvelles), le travail aliénant (J’ai travaillé à travailler / Pour un travail / Toute une vie j’ai travaillé / dans un travail / Chien camarade / Camarade chien)…

Sur scène, les morceaux prennent de l’ampleur. Avec ses accents country, le rock calme de Bertrand Belin – le bouillonnement reste intérieur chez lui ! – déploie ses ailes petit à petit. Armé d’un set remarquablement construit à l’ambiance crescendo, le chanteur nous emmène sans coup férir dans son monde à la fois drôle et cruel, empathique et désespéré. On connaissait ses talents vocaux, sa diction un peu emphatique, sa voix grave et forte, on le découvre aussi comédien. Qu’il se lance dans une parodie de discours politique qu’il finit en mimant uniquement les gestes de l’orateur, la langue de bois couverte par une musique tonitruante, ou qu’il nous offre une sorte de mini-sketch d’un mari réveillant son épouse pour assouvir ses envies sexuelles, en prélude à sa chanson Peggy. tout est drôle et léger. L’homme occupe l’espace sans en faire des tonnes, accompagnant son chant de gestes précis et économes. Le professionnalisme allié à l’inspiration. On peut parler aussi de charisme.

Bertrand Belin est parti pour une grande tournée (son site annonce une rafale de dates jusqu’en mai 2020, en France, Suisse, Belgique encore, et même au Canada). Il passera donc forcément pas loin de chez vous. L’occasion d’applaudir un artiste exigeant et ambitieux, qui ose miser sur l’intelligence du public sans facilité aucune, mais sans tomber dans l’hermétisme artistique. Je présume qu’il doit en avoir par-dessus la tête que l’on évoque Bashung à son propos. Le référence est pourtant là et permet immédiatement de situer le haut niveau atteint par Belin. Vous avez aimé le premier ? Vous adorerez son successeur.

 

Le site de Bertrand Belin, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Le site des Nuits Botanique, ici.

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