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Frédéric Pagès, retour aux Brésils

Frédéric Pagès est hors normes, hors clous, tant qu’on n’a pas forcément, en écoutant un de ses disques, l’impression d’être tout à fait en chanson. Mais dans un ailleurs étrange et accueillant, chaleureux, même s’il se fait l‘écho du trouble du monde, même s’il colère parfois en des mots tranchants comme la plus affûtée des lames. Et si c’est de la chanson, c’est une chanson rare, au-delà du précieux, car précise et impliquée, qui sait ce que poésie veut dire. Pagès, par ailleurs plume de la presse à Paris comme à Rio, s’était entre autres signalé à nos oreilles en 2005 par une Lettre-Océan déjà de toute beauté, comme un carnet de voyages aux Brésils, sans doute plus vrai, plus intime aussi, qu’un certain aventurier de la chanson… Pagès fait dans le dense, qui parfois danse (sans exotisme suspect, loin s’en faut), de ces chansons « qui suscitent une ivresse légère, massent, bercent, dépaysent, sonnent l’appel de loin. ». En voilà un pour qui chanter suppose un surcroît d’engagement et d’âme. Lui est comme reporter, envoyé spécial sur le terrain des opérations. Où ? Le monde, plutôt cet endroit du Monde, Amazonie qu’il scrute et restitue par des textes dont aucun mot n’est là par hasard. Des mots drus, parfois crus, comme on s’imagine la forêt et la vie par là-bas. Par des notes qui s’entrechoquent à mesure du mystère qui nous envahit. C’est pure poésie qui va chercher où elles se trouvent l’impression et l’émotion. Et restitue, sans fards et sans manières mais avec grande élaboration. Le travail de Frédéric Pagès impressionne l’oreille et nourri la rétine, qui stimule notre imaginaire par des musiques intrigantes qui semblent venir de loin, sondent l’espace sonore et font comme hologrammes, comme le miroir d’une jungle profonde. Oui, vraiment, nous sommes aux lisières de la chanson, à l’orée d’une poésie courageuse car libre, à jamais indomptée. Que des choses pas commerciales. Mais nécessaires et plaisantes. Tant qu’on en redemande…

Notons, parce que c’est rare, la richesse du livret où s’additionnent les textes, leur traduction en portugais brésilien, nombre de contributions de gens de lettres qui nous éclairent utilement sur Pagès et de belles images. Le soin apporté à ce livret est pareil que celui apporté à toutes les étapes de ce disque.

Frédéric Pagès est à l’exact opposé de ces quelques vers qu’il jette au Bouffon : « Montre ton fond, bouffon, baisse ton pantalon / Jette ton idéal, bouffe ton caleçon / Tout doux, cire des pompes et fait ta révérence / Aux puissants qui t’abreuvent, fais ta petite danse / Fais le beau, fais le bon et chante pour tes maîtres / Nourri de ton talent l’industrie du paraître / Avec un peu d’effort et de compromission / Tu passeras peut-être… à la télévision. » Lui n’y passera pas.

Frédéric Pagès, Entre délices et terreur, 2012, Le Grand Babyl. Le site de Frédéric Pagès, c’est ici. En vidéo, « Je suis dans la danse étrange », titre qui ouvre l’album Entre délices et terreur.

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2 Réponses à Frédéric Pagès, retour aux Brésils

  1. danièle 22 mai 2012 à 23 h 53 min

    C’est agréablement surprenant , étrange, il me fait penser à Jack Nicholson …

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  2. barbara 24 mai 2012 à 9 h 36 min

    Merci Michel de cette belle découverte ! La couverture du cd est magnifique aussi. C’est qui le coupable ? Pagès aussi ?

    Puis, je suis allée sur le site de Pagès et j’ai vu qu’il sera sur la scène des Déchargeurs du 1er au 23 juin. ça vaut le détour…

    Réponse : Conception graphique et photos sont de Freddy Mutombo. MK

    Répondre

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