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Guy Béart, 1930-2015

Guy Béart (photo DR)

Guy Béart (photo DR)

Longtemps on a parlé des « 3B » (l’expression est de Jacques Canetti) comme de la crème de la chanson. 3B, je ne parle pas des Trois baudets (de Canetti, aussi) mais de Brel, Brassens et Béart. Mais ça, c’était avant. De son vivant, Béart a été oublié, ringardisé, naufragé d’une chanson qu’il a pourtant hissé aux sommets de son art.

Évoquer Guy Béart, qui venait de faire en début de cette année ses adieux à l’Olympia, c’est se souvenir du poète-chanteur qu’il est et restera à jamais, de l’aventurier des maisons de disques autogérées (bien obligé, le métier ne lui ayant fait aucun cadeau), de cet homme de télévision (remember Bienvenue à), de ce bel humain… C’est fredonner ses chansons, intentionnellement passionnément, amoureusement, de peur qu’un jour on ne les oublie totalement : L’eau vive, Suez, La vérité, Les grands principes, Qu’on est bien, Qui suis-je ?, Le grand chambardement, Bal chez Temporel, Chandernagor, Les couleurs du temps… 348 chansons et poèmes (que Le Cherche-Midi a réuni en un magnifique recueil il y a deux ans). « C’est le charme, comment dire autrement ? C’est le charme et le talent » a dit de lui Louis Aragon. Mais qui se souvient assez de l’œuvre de Béart pour aujourd’hui attester que le poète a toujours raison, qui voit plus loin que l’horizon ?

Il y a une injustice dans la chanson. Un beau jour on oublie. On oublie une, on oublie des chansons. On oublie l’artiste et on oublie l’œuvre. On passe à autre chose, distraits que nous sommes par d’autres chanteurs qui au pire sévissent en radio et télés, y font parfois trois petits tubes et puis s’en vont. Par d’autres encore, artistes maudits, tricards des médias, qui se produisent dans le maquis de la chanson et dont l’image de rebelles nous séduit. Moi, je tiens aussi Guy Béart pour rebelle, celui qui dit la vérité et doit être exécuté. Du reste, il l’a été : avez-vous entendu une de ses dernières chansons parues il y a cinq ans ? Passées sous silence. C’est du passé n’en parlons plus. Bien sûr, ce soir, demain, ou bouffera du Béart à la télévision (celle dont il chantait il y a peu : « Là où elle passe et trop passe / L’esprit ne repousse pas ») qui ainsi rentabilisera ses images d’archives et d’INA, depuis le temps qu’elle attend. Ce sera le dernier repas, et il nous sera particulièrement indigeste.

« Ma petite est comme l’eau / Elle est comme l’eau vive… » Cette chanson, peut-être, restera dans la mémoire du temps, comme un grand classique, comme une chanson traditionnelle. Quand une chanson survit à son créateur, quand on oublie même le nom de son créateur, soyez assuré que c’est une grande chanson. Béart est depuis longtemps passé de mode, mais il est l’auteur de grandes chansons. Le seul hommage qui vaille à Guy Béart, c’est de fredonner ses chansons, les transmettre à qui de droit : à nos enfants. Ce sont pour beaucoup des bijoux qui pourraient défier le temps. Si toutefois, stupides et incultes que nous sommes, nous ne faisions pas obstacle au temps.

 

Ce que NosEnchanteurs a déjà dit du Guy Béart, c’est ici.

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3 Réponses à Guy Béart, 1930-2015

  1. Danièle Sala 16 septembre 2015 à 21 h 19 min

    Je n’ai jamais oublié Beart, et son oeuvre immense , en janvier dernier, il nous a dit au-revoir, et aujourd’hui, il n’a même pas eu le temps de nous dire adieu , et  » Couleurs vous êtes des larmes  » .

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  2. Joel Luguern 17 septembre 2015 à 22 h 23 min

    Guy Béart souhaitait que, s’agissant de ses chansons, on dise plus tard: « elles ont été écrites par un anonyme du 20ème siècle ». Il ajoutait: « Penser cela, c’est faire preuve à la fois d’humilité et d’orgueil ».
    Tout le monde connaît au moins le premier couplet de « La vérité » puisqu’il est passé dans le langage courant, connaît aussi « Couleurs, vous êtes des larmes »comme le rappelle justement Danièle Sala, et tout le monde connaît évidemment « Il n’y a plus d’après » et la petite qui est comme l’eau, qui est comme l’eau vive… sans pour autant savoir qui est l’auteur de ces chansons.
    Le vœu de Guy Béart a été exaucé bien avant qu’il ne quitte ce monde.

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  3. Michel Trihoreau 18 septembre 2015 à 14 h 10 min

    Guy Béart m’avait un jour reçu chez lui pour me montrer, preuve à l’appui, que les idées de mai 68 étaient déjà dans ses chansons. Je garde le recueil de textes, annoté par ses soins, que j’ai relu avec beaucoup d’attention. En effet, on se laisse distraire par les mélodies et l’on passe parfois à côté de réflexions profondes, souvent à contre-courant de la pensée commune, qu’il a toujours placé dans ses chansons, en filigrane.

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