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Le monde Alenvers, gravement joyeux

luc-alenvers-jour-et-nuitQuand on porte un tel patronyme et qu’on aime jouer avec les mots, que le stylo est habile et les vers grouillent, l’écriture est imagée et Luc Alenvers (il a tombé le prénom sur la pochette) use et abuse de cet argument, de cette dualité. À son endroit Alenvers l’espère « le cul par terre à l’envers ». sur des notes hidalgesques, presque tauro-macho. La conquête de la citadelle est donc l’entame de ce disque résolument joyeux (même si c’est fait de pas mal de dérision, de rire tragique, de tragicomédies et d’une cérémonie funèbre), très cuivré, ce quelque soit le sujet, même quand notre héros fait ses longueurs dans la piscine de Fukushima, là où « les requins deviennent marteaux / la baleine verte se cache à l’eau / les espadons font les marsouins / les loups de mer aboient soudain… » Prémices d’apocalypse ? Oui, l’avant dernière chanson décrit l’après explosion, quand plus ne rien en subsiste sur la terre si ce n’est ce vieux pommier qui, pour mémoire, nous le raconte. Un disque joliment écolo que celui-ci : faites-le écouter à vos mômes, ils adoreront à plus d’un titre.

Ne croyez pas qu’Alenvers rejette tout le moderne. Comme il y a peu Jeanne Cherhal (alors parodiant Les nuits d’une demoiselle), Alenvers mêle, mail et maille l’informatique aux choses de l’amour, quand le disque devient dur et qu’on clique plus qu’il n’en faut la souris : « Faire l’amour high tech dans tes bras / quand on se connecte ouh là là… »

Une reprise ici, qui lui va comme un gant, élégant : J’veux du soleil d’Au p’tit bonheur. Du soleil, Des baisers de toutes les couleurs aussi (y’a du Pierre Perret dans la culture Alenvers aussi sûrement qu’on y trouve du Nino Ferrer…), pas forcément du bonheur. Ici il en a Marre des chansons d’amour, là il plaint Les forçats de l’amour, ceux qui en veulent toujours plus, le bonus avec : « Le bonheur, qu’est-ce que c’est chiant ! / On se bouffe la vie à courir après / On en crèverait. » Pas idiot ce qu’il chante, Alenvers qui mine de rien remet bien les choses à l’endroit.

Avec ou sans ce bonheur à tout prix, la vie est triste à pleurer, alors autant en rire. Rire de tout. La chanson d’Alenvers c’est le nez rouge de l’Auguste et des coups aux tibias du clown blanc. Dualité, Alenvers se dit « Chanteur pour rire, chanteur pour drame ». Et fait risette et Tigadidadi pompom à celle qui a mis sa « robe du pluie » et a « l’esprit tout embué de colère et de cris. » Et sourit jaune pâle, fanfare triste au pas chevalin qui suit le corbillard du chat défunt qui ne sourit plus : musique chamarrée, chat marrant, « y’avait un d’ces raffuts. » (un des bijoux de ce disque, mais y’en a d’autres !)

Depuis son premier demi-album, et si ce n’est qu’il serait natif de Cuba, nous n’en savons pas plus sur Alenvers, dont l’officielle bio tente de détrôner Lavilliers dans la mytho, l’aventure et l’exotisme (y’a du travail mais Alenvers s’y prend bien, parole de connaisseur). Est-ce dû à sa casquette qu’il arbore sur le livret, dès qu’il glisse vers le sérieux et le tendre, quand il tombe son nez rouge, il retrouve aussi des accents à la Renaud, pas de celui qui embrasse les flics, non, leurs femmes sans doute pendant qu’eux sont en service, en sévices commandés.

Y’a du monde au générique de ce disque : les musiques le savent plus que quiconque, riches de notes et d’instruments, d’une tonalité très cuivrée, très secouée, très Cuba justement, qu’appuient ou contrecarrent souvent piano, orgue, violoncelle, contrebasse, guitares et ukulélé : des chœurs, ici d’enfants là d’adultes. Rien que des trucs enjoués pour mieux en jouer. Grand luxe musical, confort d’écoute.

Tout bon, ce disque ? Tout, oui, sauf à l’imprimeur du livret qui, regrettable mastic, a dû se mélanger dans les fichiers et imprimer deux fois les mêmes pages au détriment d’autres. Dommage car les textes d’Alenvers se lisent aussi à l’endroit. S’il écoutait le disque en l’imprimant, on comprend l’inattention, car ma foi on s’y laisse prendre, à entrer dans le monde insolite et touchant de Luc, dans ses caractères que justement l’imprimeur plus que tout autre sait lire à l’envers.

 

Luc Alenvers, Jour et nuit…, Quart de lune/(rue stendhal) 2016. Le site de Luc Alenvers, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Image de prévisualisation YouTube

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