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Benjamin Biolay : vivre à Palermo

benjamin-biolay-palermo-hollywoodBenjamin Biolay est peut-être l’artiste français le plus clivant du moment. Son allure de dandy, son air hautain de premier de la classe, sa tendance à dégommer ses confrères… Autant d’attitudes qui peuvent porter à l’énervement et au rejet, sans même prendre la peine de jeter une oreille intéressée sur son œuvre. Celle-ci commence pourtant à être d’importance :  sept albums originaux à ce jour sous son seul nom et une multitude de collaborations diverses (du célébrissime Chambre avec vue de Salvador aux plus méconnus albums de Coralie Clément, en passant par Hubert Mounier, Julien Clerc, CharlÉlie Couture, Vanessa Paradis ou autre Élodie Frégé…), qui démontrent à suffisance que le métier, lui, n’a guère mis longtemps à reconnaître les mérites artistiques du successeur-le-plus-talentueux-de-Serge-Gainsbourg.

Son nouvel opus pourrait être – qui sait ? – l’occasion de réconcilier les antagonistes et de mettre tout le monde d’accord sur l’évidence de ce talent, dont le plus grand défaut est probablement de s’estimer à sa (juste ?) valeur. Intitulé Palermo Hollywood, du nom du quartier de Buenos Aires où il réside pour le moment, Benjamin Biolay nous délivre douze chansons nouvelles, paroles et musiques d’icelui (ou presque), et deux instrumentaux. Copieuse galette (un peu trop peut-être, l’oreille s’essoufflant sur la fin), enregistrée entre la France et l’Argentine, pour laquelle l’artiste a obtenu visiblement les moyens de ses ambitions, la plupart des morceaux ayant été enregistrés avec un plantureux orchestre de cordes. Cela nous donne un album à l’ampleur symphonique totalement hors mode, qui rappellera par moment les travaux d’un John Barry. Les tenants du minimalisme sont donc priés de s’abstenir, tant l’excessif et l’exubérance orchestrale dominent l’œuvre (cordes, cuivres et chœurs à foison, intervention d’un ténor…).

Cette Argentine au cœur de l’album, nouveau pays d’adoption de l’artiste, se fait pourtant discrète dans l’accompagnement musical. On y trouve certes çà et là des traces de bandonéon, des relents de football (un commentaire de match samplé sur l’instrumental BorgèsFutbol Club) et des interventions en espagnol de chanteuses régionales (très beau morceau rythmé La nocheya no existe), mais il n’y a guère de place ici pour le folklore local. L’exotisme de pacotille n’a pas cours dans ce disque, laissons cela à Florent Pagny et son Cuba frelaté.

Par contre, on ne pourra manquer de relever l’influence que le soleil de là-bas doit avoir sur le sombre caractère de l’auteur. Comme d’habitude, l’amour est le principal sujet abordé dans les chansons (avec un petit détour par le chômage – Ressources humains – ou le décès – La débandade -). Toutefois, sans aller jusqu’à donner dans l’humour (n’exagérons pas !), c’est un Biolay sensiblement ouvert et joyeux qui s’offre à nous, mettant pour un temps de côté la noirceur à laquelle il nous avait accoutumés. Que ce soit dans la chanson éponyme qui ouvre la CD, interprétée d’une belle voix grave à la Léonard Cohen (Je pourrais me coucher peut-être / Mais j’ai de l’amour plein la tête), dans cette déclaration à une Miss Miss envoûtante (Miss Miss, je t’ai dans la peau tout entière / Tu danses le twist jusqu’au fond de ma chair) ou un hymne à la gloire de sa reine de Palermo Queens (Deux mille ans que j’attendais ça / Rencontrer une fille comme toi, mon amour), il semblerait que, pour une fois, n’en déplaise à Aragon, il puisse y avoir des amours heureux ! Il faudra significativement attendre la chanson de clôture pour voir la tristesse repointer son nez (Et de partout dans la nuit de France / Y en a beaucoup des amoureux qui dansent / Moi j’écoute la pluie ressasser toute ma vie / Jour et nuit), chanson qui s’intitule, ô ironie, Ballade française

Un CD que l’on écoutera donc pour se plonger dans la luxuriance de ses orchestrations et l’humeur ensoleillée qui s’en dégage principalement. Prolifique, Benjamin Biolay a annoncé qu’un Palermo Hollywood, Volume 2 était déjà enregistré et en cours de mixage, pour une sortie rapprochée. Il nous l’annonce comme plus urbain et axé sur la musique sud-américaine. Nous verrons à l’autopsie et nous gorgerons toujours de son volume 1. On a connu pire comme musique d’attente…

 

Benjamin Biolay, Palermo Hollywood, Riviera-Barclay/Universal 2016. Le site de Benjamin Biolay, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là. Image de prévisualisation YouTube

2 Réponses à Benjamin Biolay : vivre à Palermo

  1. Floréal Duran 30 mai 2016 à 11 h 54 min

    Je suis heureux que le dernier cd de Benjamin Biolay fasse l’objet d’un article aussi lucide qu’objectif car je craignais que ses déclarations parfois un peu trash vous contraignent à faire l’impasse sur lui.

    C’est un grand artiste et il faut le souligner, le dire et le redire. Même « Vengeance », son précédent opus, qu’il semble lui-même ne pas trop aimer n’est pas à écarter.

    Cet Hollywood Palermo est certes plus lumineux mais sur le fond on sait qu’il cache une sensibilité à fleur de peau, des brûlures autres que celles du soleil de Buenos Aires. L’oeuvre de Biolay accompagne davantage les nuits argentines que des grands espaces ensoleillés.

    Ce disque aux arrangements somptueux est d’une élégance et d’une écriture qui devraient satisfaire et émouvoir les amoureux des mots. L’amour comme vous le dites y est présent, vivant, langoureux, éclatant et sensuel comme parfois en souffrance.

    Enfin, je soulignerai que Benjamin Biolay n’est pas l’homme si hautain ou méprisant que certains pourraient penser. C’est lui qui a découvert Daphné, offert de beaux textes à Elodie Frégé et ce n’est pas rien dans ce métier.

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  2. Pol de Groeve 30 mai 2016 à 21 h 33 min

    Je ne peux évidemment que souscrire aux propos de Floréal. Ce disque de Biolay est vraiment une très belle réussite. Après plusieurs autres écoutes depuis l’écriture de l’article, je suis encore loin d’en avoir épuisé le plaisir.
    Et je veux bien croire que l’homme vaut mieux que l’image qu’il dégage (malgré lui ?). Le jour où l’on pourra passer outre celle-ci, tout le monde s’accordera à lui accorder la place sur les premières marches du podium qu’il mérite amplement.

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