CMS

Nicolas Jules, rire pour ne pas pleurer

Nicolas Jules (photo d'archives Claudine Clodelle)

Nicolas Jules (photo d’archives Claudine Clodelle)

Nicolas Jules en solo, Petit Duc, Aix-en-Provence le 11 février 2017,

 

Il se plante devant le rideau, oisillon tombé du nid, jouant celui qui a peur de chanter. Ses cheveux ébouriffés en font un blond Edward aux mains d’argent, timide amoureux qui aurait peur de blesser de ses propos aiguisés. D’autres parleront de Peter Pan, qui va au bout de ses rêves et ne veut pas être adulte dans ce monde étriqué. D’ailleurs il nous le confesse, s’il est chanteur c’est pour ne surtout pas travailler (on ne le croit pas vraiment).

Il prétend qu’il fait des chansons de remplissage, mais dans cette Amicale des joueurs de luth tout le texte est chef-d’œuvre surréaliste : « La saison n’est plus aux oiseaux / Mais à tes jambes en ciseaux / Et sous tes lames d’acier trempé / Le ciel de mes nuits découpé ». Edward, disions-nous ?

Ou alors Rimbaud, le Powête : « Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course / Des rimes », c’est tellement lui. Il ne chante guère que des chansons d’amour, écoutez bien, même si par pudeur il les cache sous des propos provocateurs, dans un numéro de clown triste, pince-sans-rire mais pas sans sourire. Immobile sous sa chemise imprimée de dahlias géants et pantalon taille haute très années 80, comme encombré de lui-même, sa jambe ou son épaule prennent parfois le contrôle de son corps, sa guitare s’émancipe en un cri ou une glissade, ou sa voix enfle soudain comme au gueuloir de Flaubert, avant de reprendre le cours de ses doux murmures ou de ses rauques complaintes.

Au Petit Duc (photos Myriam Daups)

Au Petit Duc (photos Myriam Daups)

On est tout de suite dans le sujet, d’abord le plus sombre : « Se couvrir de fortune / C’est se couvrir de froid / Et décrocher la lune / C’est pour éclairer quoi ? » Eternel dilemme de l’artiste, de l’amoureux éconduit, de l’homme qui a des rêves. Et puis le tube « La mort, une sale odeur / C’est pour ça qu’on y met des fleurs », on y rit beaucoup, en un salutaire exorcisme. Le chien (du désir), les veines (et son cœur), les lèvres (rouge radis) , qui riment  avec fièvre sont thèmes de prédilection, et le cul n’est pas censuré. Pourquoi lui en voudrait-on « quand le mercure monte à fond ».

Nicolas Jules s’accompagne de sa seule guitare électrique, amplifiée comme il se doit. Et multipliée par celle du looper, pédale à boucles qui nous permettra d’apprécier une chanson du prochain album à paraître au printemps, Crève-silence. Gueulée d’une voix sépulcrale : « Je lis à la bougie sous la nuit de ta robe / Qui faisait Ô magie disparaître mon zob ». Enchaînée en contraste avec ces Chiens, gardiens du cœur de sa belle : « Tu avais appris à te méfier du tout, du brutal et du tendre / Sans doute pour toi il eut été plus doux d’apprendre à désapprendre » et cette autre, où le noir fait beauté : « Tu tentais de me noyer dans le noir de l’oubli ».

image1 -S’il joue à se foutre du monde, il met toujours instantanément le public dans sa poche. Ici, il se moquera de la petite salle de province, du technicien qui fait tout, le son comme la lumière, de la rencontre il y a longtemps déjà du directeur du Théâtre, auquel il ne manquera pas de dédier une parodie d’une de ses chansons d’amour (« Mon canard, ma tourterelle, mon moineau »), du prix dérisoire des places qui donneront un spectacle à sa mesure, torché en trois chansons, les autres n’étant que des rappels. Heureusement, personne n’a envie que ça s’arrête, et les morceaux choisis de vingt ans de carrière – déjà ?- sont les bijoux de ses intermèdes. Lui est capable de se gausser des spectateurs qui ont des têtes d’animaux comme de reconnaître dans le noir les gens qui le connaissent déjà, montant dans la « foule » (le théâtre a fait le plein) par l’escalier ou en escaladant les bancs. Chante en patois cette Emma des bords de la Dive qui ne reviendra pas, comme une chanson de Brel, ou Avanie et Framboise longtemps interprétée dans ses tournées du Lapointe repiqué. La coutume est qu’il propose une reprise toujours pertinente, ce sera ici l’émouvante Gamberge de Jean Yanne : « Je voulais partir, tout comme Don Quichotte / Tant sur terre que sur la flotte (…) A tant rêver j’ai gâché mes vingt berges ». Parmi les rappels, Crawl résume tout l’artiste : « A contre-courant je crawle / Je m’use à coups d’avirons / Je me paume ».

Le site de Nicolas Jules, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

L’amicale des joueurs de luth Pan Piper 2016 Image de prévisualisation YouTube

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

code

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>

Archives