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Léo l’indigné : passation de révoltes à Aubervilliers

En répétition su spectacle "Léo l'indigné" (photos DR)

En répétition du spectacle « Léo l’indigné » (photos DR)

Entre récitals et disques de reprises, il y a mille façons de célébrer Ferré. Mille… et une autre encore. Le chanteur Jean Lapierre s’est mis en tête (et en actes) de créer un spectacle « mêlant le texte, la musique, le chant, s’inspirant de l’univers de Ferré, de son désir aussi de lier les différents arts qu’il pratiquait », au plus proche de ce qu’il estime être Ferré, au moins dans sa dimension sociale. Ce spectacle, c’est Léo l’indigné, grande première qui verra se côtoyer musiciens, chanteurs, comédiens, slameurs, grafeurs et danseurs de tous âges, pour créer cette œuvre. « Un hommage hors des sentiers battus, un évènement à la hauteur de l’homme » commente Lapierre, pas peu fier à l’approche de la représentation publique, ce samedi 18 mars à l’Embarcadère d’Aubervilliers. D’autant plus que les avant-premières de ces derniers jours (à la librairie Les mots passants, dans le hall de la mairie, à La lucarne des écrivains…) ont été un franc succès et que les participants répètent sans relâche.

Débat à la librairie "Les mots passants"

Débat à la librairie « Les mots passants ». De gauche à droite : Alain Meilland, Jacques Vassal, Jean Lapierre et Robert Horville

Léo, l’indigné… Ce n’est pas insulte que de dire que Ferré s’est comme institutionnalisé, avec le temps… Chaque anniversaire (il vient d’en subir un de taille : son premier siècle) le voit se couvrir de célébrations, de compilations, de considérations qui, chaque fois, semblent l’éloigner de sa réalité d’origine. Faut dire que le mot « rebelle » ne veut plus rien dire : même les cathos-réacs mis en examen s’en parent désormais. Chaque fois, on repeint la statue et la stature de Ferré alors qu’il faut lui laisser l’émeri, l’urticant, le braillant. Ferré est devenu à la fois sujet de thèse et timbre-poste : c’est facile de dompter Léo maintenant qu’il est mort.

Le projet de Lapierre est tout autre et ses participants ne sont sociétaires ni du Français ni d’Universal (Léo l’indigné fut le titre d’un coffret de 20 disques, intégrale des années Barclay, paru en 2013 pour les vingt ans de la mort de l’artiste). Chanteur et journaliste, conférencier, le parisien Jean Lapierre est un artiste discret mais non moins efficace, qui régulièrement travaille avec des publics divers, souvent défavorisés, en France comme à l’étranger, pour des créations qui ont rarement la faveur des médias.

UNE CREATION EXEMPLAIRE "Il me semble qu’un certain nombre de festivals chanson, musique… apparaissent comme « parachutés » dans une ville, même s’ils ont été fondé par des passionnés…  Et la population regarde souvent les festivaliers déambuler dans les rues… Les commerçants se frottent peut-être les mains, mais les gens de la ville sont amers, quelques fois… J’avais remarqué ça, à la fin des années 80, à Sète. Etaient organisées, à cette époque là, des rencontres internationales Georges Brassens… Beaucoup de « people », comme on ne le disait pas encore à l’époque ( !), étaient conviés, avec repas, fêtes, et… un peu de spectacle… J’ai fait partie des invités. Nous étions très bien reçus, il est vrai… Mais, enfin, manger sur une place, avec les habitants qui vous regardent derrière des barrières, c’était un peu spécial… Surtout, au nom des idées de Georges… La greffe n’a pas pris, et tout s’est arrêté… Je me suis toujours dit : « voilà ce qu’il ne faut pas faire »…  Je m’en suis souvenu. Et cette réflexion m’a guidé lors de la gestation du projet « Léo l’indigné »… On aurait pu faire une soirée avec des artistes chantant Léo. Tout le monde aurait applaudi… et puis hop, on serait parti… Là c’est tout-à-fait différent. Des artistes de tous les moyens d’expression, de tous les âges, créent, répètent… Un spectacle novateur est en train de voir le jour, saluant le visionnaire Léo qui « voulait faire descendre la poésie et la musique dans la rue »… Léo avait cité Aubervilliers dans 2 chansons, notamment dans « Mr Tout Blanc » que chanteront sur scène des enfants de la ville… « Pendant ce temps-là, moi je vis à Aubervilliers C'est un petit coin perdu au bout de la misère… ». Ca a donc du sens de monter ce spectacle dans cette cité aux portes de Paris, qui fut pionnière pour la décentralisation culturelle après la guerre… Rendez-vous le 18 mars, à l’Embarcadère. Bientôt la location sera ouverte. Nous vous tiendrons au courant…" JEAN LAPIERRE

UNE CREATION EXEMPLAIRE
« Il me semble qu’un certain nombre de festivals chanson, musique… apparaissent comme « parachutés » dans une ville, même s’ils ont été fondé par des passionnés…
Et la population regarde souvent les festivaliers déambuler dans les rues… Les commerçants se frottent peut-être les mains, mais les gens de la ville sont amers, quelques fois… J’avais remarqué ça, à la fin des années 80, à Sète. Etaient organisées, à cette époque-là, des rencontres internationales Georges-Brassens… Beaucoup de « people », comme on ne le disait pas encore à l’époque (!), étaient conviés, avec repas, fêtes, et… un peu de spectacle… J’ai fait partie des invités. Nous étions très bien reçus, il est vrai… Mais, enfin, manger sur une place, avec les habitants qui vous regardent derrière des barrières, c’était un peu spécial… Surtout, au nom des idées de Georges…
La greffe n’a pas pris et tout s’est arrêté… Je me suis toujours dit : « Voilà ce qu’il ne faut pas faire »…
Je m’en suis souvenu. Et cette réflexion m’a guidé lors de la gestation du projet « Léo l’indigné »… On aurait pu faire une soirée avec des artistes chantant Léo. Tout le monde aurait applaudi… et puis hop, on serait parti…
Là c’est tout-à-fait différent. Des artistes de tous les moyens d’expression, de tous les âges, créent, répètent… Un spectacle novateur est en train de voir le jour, saluant le visionnaire Léo qui « voulait faire descendre la poésie et la musique dans la rue »…
Léo avait cité Aubervilliers dans deux chansons, notamment dans Mr Tout Blanc que chanteront sur scène des enfants de la ville…
« Pendant ce temps-là, moi je vis à Aubervilliers
C’est un petit coin perdu au bout de la misère… ».
Ca a donc du sens de monter ce spectacle dans cette cité aux portes de Paris, qui fut pionnière pour la décentralisation culturelle après la guerre… »
JEAN LAPIERRE

Les participants à ce projet ne sont pas de ces artistes habiles autant qu’habilités, mais des gens, des « lambda », pour beaucoup habitants d’Aubervilliers, qui ont été mis en contact avec l’œuvre de Léo Ferré. Le résultat est cette résonance en eux : comment Ferré leur parle, comment eux s’en emparent. Sans grande audace de notre part, on peut considérer que Ferré est l’inventeur du slam. Lui qui voulait la musique dans la rue est pris aux mots, repris ici par ces paroles urbaines, des jeunes en majorité. Quand, ici et là, les grand’ messes à Ferré rassemblent le public poivre et sel d’un club très fermé, cette fois ce sont les jeunes qui vont tenir le crachoir et postillonner à leur tour les mots de Ferré. Des amateurs pour la majorité, avec quelques professionnels. « Ferré disait parler pour dans dix siècles. Je constate qu’il résonne toujours et pour demain » dit Jean Lapierre qui encore constate : « Cette manière de poser une voix parlée sur une musique en corrélation inspire. De très nombreux slameurs le disent ».

On saura ce samedi, à l’issue du spectacle, l’impact, l’exacte empreinte de Ferré sur ces jeunes. Un projet qui d’ores et déjà est une réussite sociale et culturelle, qui s’inscrit pleinement dans l’idée de l’éducation populaire, concept que nos politiques déclarent désuet mais qui est si nécessaire, si révolutionnaire en soi. On saura plus encore l’utilité publique du Monégasque de la chanson, de son œuvre dont le ferment est toujours actif, comme un levain qui n’aurait pas fini de lever. Lever des foules, lever l’enthousiasme, lever l’envie d’aller plus loin, de construire. De se révolter.

 

« Léo l’indigné », Hommage à Léo Ferré, 18 mars 2017, 20 h 30 à L’Embarcadère à Aubervilliers.

 

 

3 Réponses à Léo l’indigné : passation de révoltes à Aubervilliers

  1. Jean Lapierre 16 mars 2017 à 11 h 34 min

    Au nom de toute l’équipe, merci pour ce « papier » vibrant, qui donne toute la mesure d’un spectacle qui sera… nous l’espérons… à la mesure de Léo…

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  2. Odile 16 mars 2017 à 13 h 26 min

    C’est un hommage très original, et qui donne vraiment envie d’aller voir ce spectacle .
    Dommage, je suis trop loin d’Aubervilliers !
    Mais je serai de tout coeur avec vous…
    Bravo et merci à tous ceux qui s’investissent dans ce projet.

    Répondre
  3. Alain Lanatrix 18 mars 2017 à 19 h 27 min

    Une création au coeur de sa banlieue au rythme des coeurs de cette banlieue.
    Ferré doit apprécier.

    Répondre

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