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Pierre Mac Orlan en direct des tranchées

Pierre Mac Orlan (photo Musée départemental de la Seine-et-Marne)

Pierre Mac Orlan (photo Musée départemental de la Seine-et-Marne)

« Moi mon colon, celle que j’préfère / C’est la guerre de 14-18 » nous chantait malicieusement le maître de Sète. Alors que nous célébrons le centenaire du terme de cette immense boucherie, parmi les innombrables ouvrages sortis des presses ou squattant les petits écrans, retenons de notre côté un CD touchant par sa modestie.

Maître d’œuvre : Bernard Ascal. Artiste prolifique qui n’a de cesse  – à côté de ses propres ouvrages – de jouer au passeur de mémoire. Dans Nos Enchanteurs, il fut question il y a quelques mois de son Aimé Césaire – 10 ans déjà, consacré au poète de la négritude. C’est à présent par le biais d’un autre écrivain qu’il tente, à sa manière, de nous faire revivre la réalité de la Grande Guerre.

A l’honneur : Pierre Mac Orlan. Ecrivain à (re)découvrir, il reste essentiellement dans la mémoire des cinéphiles pour être le père du roman Le Quai des brumes, dont le classique de Marcel Carné est l’adaptation. Il est par ailleurs également l’auteur de chansons interprétées jadis par Germaine Montéro, Juliette Gréco Catherine Sauvage ou Monique Morelli. Cet aspect de son art a déjà été abordé par le même Bernard Ascal, qui lui a consacré un CD en 2017, Pâtisseries Mécaniques.

ecrits de guerre mc orlanIci, c’est du romancier-journaliste qu’il sera question. Pierre Mac Orlan fut en effet des nombreux poilus à combattre sur le front. Mobilisé en août 2014, grièvement blessé en septembre 2016 et démobilisé en décembre 2017, l’homme a connu les champs de bataille de la Lorraine, de l’Artois, de Verdun et de la Somme. Il en a tiré matière à plusieurs livres, constitués de notes prises sur le vif ou de réflexions postérieures : Poissons morts (1917), Verdun (1934) et Dans les tranchées (1939).

Le CD de Bernard Ascal s’intitule Ecrits de guerre et comporte 26 plages. Huit courts instrumentaux, trois textes mis en musique dans une forme libre et, formant donc l’essentiel du disque, quinze extraits des trois livres précités, lus par le chanteur-comédien. Faut-il préciser que c’est cette partie-là qui retient notre attention. Des textes lus avec talent et une diction parfaite, sans effets grandiloquents ou fond musical qui viendraient en parasiter l’audition. Des textes qui demandent certes une attention soutenue, que l’on ne saurait apprécier d’une oreille distraite, mais mis en valeur par la voix chaude de l’artiste. Un disque par conséquent à mi-chemin entre le livre-audio et le recueil de chansons.

DE VICTOR LATELTIN À ROMAIN LATELTIN, UNE TRANCHÉE DE VIE C’est la Grande Histoire vue par la petite, la fenêtre familiale qui s’ouvre sur le monde, sur l’immonde. Par le sort d’un soldat parmi tant d’autres. Lui se nomme Victor Lateltin, immigré italien né en avril 1879 à Riva Valdobbia. Il a 35 ans en août 1914. Marié à Célestine Bacot, il a quatre garçons. Le plus jeune a seulement un mois quand Victor s’en va à la guerre. Victor mourra en avril 1916, des suites de graves blessures à la bataille de Verdun.  Romain est un des petits-fils de Victor. Il est chanteur, à la hauteur de quatre albums « chanson/pop » et d’un autre de piano. Il y a deux ans, il a créé, avec son copain et confrère Théophile Ardy, le groupe Fharo, groupe conceptuel autour du western. Là, c’est d’un tout autre far-west qu’il s’agit, la prétendue « der des ders » qui ne le fut pas, la « grande boucherie » de 14-18. En discutant avec son parrain lors d’un repas de famille, Romain apprend que celui-ci a reconstitué le périple militaire de l’ancêtre combattant, par la correspondance de ce dernier avec sa femme, ses enfants et son oncle. Nait alors l’idée chez Roman de rendre un singulier, étonnant et émouvant hommage à son grand-père. Ce qui n’aurait pu être qu’un projet familial prend la juste proportion d’un témoignage universel. Par cet aïeul tombé au front, un hommage à tous les poilus, tous ceux qui se sont battus ; ceux, nombreux, à y avoir perdu la vie. Le projet fut d’abord ce présent livre-disque, le regard sur une époque, sur une famille. Et le bourbier des tranchées : la boue, le sang, la merde. Les mots d’émotion, calligraphiés sur les lettres et les cartes postales, ceux qui rassurent. Et ces autres qui, malgré la censure militaire qui relit toute correspondance, contiennent en eux l’inquiétude, la peur de ne pas revoir son aimée, ses enfants. A travers les lettres de Victor, tout est palpable, concret, prégnant. Bouleversant. A travers le travail de Romain, tout est restitué, quasiment en l’état. Sur ce disque est aussi tirée une chanson, écrite et composée avec Ardy. Et, avec ce dernier et Sabrina Livebardon, un spectacle est en cours de création. On peut commander ce livre (format à l’italienne, comme pour mieux respecter les origines) à l’artiste dont c’est, à l’évidence, le travail le plus atypique.  MICHEL KEMPER

DE VICTOR LATELTIN À ROMAIN LATELTIN, UNE TRANCHÉE DE VIE
C’est la Grande Histoire vue par la petite, la fenêtre familiale qui s’ouvre sur le monde, sur l’immonde. Par le sort d’un soldat parmi tant d’autres. Lui se nomme Victor Lateltin, immigré italien né en avril 1879 à Riva Valdobbia. Il a 35 ans en août 1914. Marié à Célestine Bacot, il a quatre garçons. Le plus jeune a seulement un mois quand Victor s’en va à la guerre. Victor mourra en avril 1916, des suites de graves blessures à la bataille de Verdun.
Romain est un des petits-fils de Victor. Il est chanteur, à la hauteur de quatre albums « chanson/pop » et d’un autre de piano. Il y a deux ans, il a créé, avec son copain et confrère Théophile Ardy, le groupe Fharo, groupe conceptuel autour du western.
Là, c’est d’un tout autre far-west qu’il s’agit, la prétendue « der des ders » qui ne le fut pas, la « grande boucherie » de 14-18. En discutant avec son parrain lors d’un repas de famille, Romain apprend que celui-ci a reconstitué le périple militaire de l’ancêtre combattant, par la correspondance de ce dernier avec sa femme, ses enfants et son oncle. Nait alors l’idée chez Roman de rendre un singulier, étonnant et émouvant hommage à son grand-père. Ce qui n’aurait pu être qu’un projet familial prend la juste proportion d’un témoignage universel. Par cet aïeul tombé au front, un hommage à tous les poilus, tous ceux qui se sont battus ; ceux, nombreux, à y avoir perdu la vie.
Le projet fut d’abord ce présent livre-disque, le regard sur une époque, sur une famille. Et le bourbier des tranchées : la boue, le sang, la merde. Les mots d’émotion, calligraphiés sur les lettres et les cartes postales, ceux qui rassurent. Et ces autres qui, malgré la censure militaire qui relit toute correspondance, contiennent en eux l’inquiétude, la peur de ne pas revoir son aimée, ses enfants. A travers les lettres de Victor, tout est palpable, concret, prégnant. Bouleversant. A travers le travail de Romain, tout est restitué, quasiment en l’état.
Sur ce disque est aussi tirée une chanson, écrite et composée avec l’ami Ardy. Comme une modeste mais impérieuse participation, comme pour être plus encore à ses côtés… Et, avec Théophile Ardy et Sabrina Livebardon, un spectacle tiré de cet ouvrage est en cours de création. On peut commander ce livre (format à l’italienne, comme pour mieux respecter les origines) à l’artiste dont c’est, à l’évidence, le travail le plus atypique.
MICHEL KEMPER

Mais quels écrits ! Point n’est question ici de prose revancharde ou de considération politique. La voix de Mac Orlan est celle de ces milliers de poilus, transbahutés de leur quotidien vers un univers de désolation, plongés dans un océan d’incompréhension où ne surnagent que des poissons morts. Une seule idée dans la tête de ces hommes de peu : survivre ! Et survivre, ce n’est pas seulement échapper aux balles ennemies lors des attaques, c’est aussi – surtout ? – s’acclimater des conditions précaires dans lesquelles ils se trouvent : la boue qui envahit tout, les rats omniprésents, le danger toujours diffus… Au-delà du témoignage de première main, les écrits de Mac Orlan enchantent l’oreille contemporaine par la distanciation humoristique qu’il y glisse (voir le cocasse discours d’un papa rat à son fils, lui distillant de sages conseils : être copains avec les hommes, se méfier des chiens…), l’empathie pour ces frères malheureux de combat que furent les animaux réquisitionnés (chiens, chevaux, pigeons…), l’humanité de ces soldats à mille lieues de l’image glorieuse er patriotique que le pouvoir d’alors voulait propager…

Bernard Ascal a très justement choisi les extraits en écartant ce qui, un siècle plus tard, semblerait anecdotique ou incompréhensible. Tout ce qui est relaté dans son disque pourrait être transposé dans un autre conflit. La chair à canon a partout le même goût. Triste constat : ces écrits centenaires trouvent encore et toujours des échos dans notre actualité. Et pourtant, ne disait-on pas, entre espoirs et illusions, que 14-18 devait être la der de der ?

Du fond de son sac à malices / Mars va sans doute, à l’occasion / En sortir une, un vrai délice / Qui me fera grosse impression / En attendant je persévère / A dire que ma guerre favorite / Celle, mon colon, que j’voudrais faire / C’est la guerre de 14-18

 

Bernard Ascal, Pierre Mac Orlan – Ecrits de guerre, E.P.M./Socadisc, 2018. Le site de Bernard Ascal, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Pour écouter ce disque et le commander, c’est là.

Romain Lateltin, Une tranchée de vie [Famille Lateltin 1914-1916], Le site de Romain Lateltin, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Pour commander ce livre-disque, c’est là.

TOUT CE QUE NOSENCHANTEURS À DÉJA ÉCRIT SUR LA GUERRE DES TRANCHÉES, C’EST ICI.

 

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4 Réponses à Pierre Mac Orlan en direct des tranchées

  1. Jean Pierre Gleize Bourras 11 novembre 2018 à 9 h 50 min

    Bonjour Michel,
    Je ne suis pas un spécialiste des diffusions et ne sait comment m’est parvenu l’album (par internet?)
    « Chemin des dames -Adieu la vie,adieu l’amour »"Sorti le 30 Mars 2017.
    A diffusion limitée?
    Mais il mérite d’être écouté.

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  2. Jean Pierre Gleize Bourras 11 novembre 2018 à 10 h 14 min

    Rebonjour Michel,
    Rapidité efficacité… mais quand dormez-vous???
    En fait, animateur bénévole à Radio Evasion Le Faou, j’ai du recevoir un lien…
    Et comme il m’arrive de dormir… j’ai loupé l’information de 2017.
    Et merci encore à « NosEnchanteurs »

    Répondre
    • Michel Kemper 11 novembre 2018 à 10 h 24 min

      Cet article d’aujourd’hui est partage avec l’ami Pol de Groeve, qui lui non plus ne dort pas beaucoup. NosEnchanteurs a publié nombre de papiers sur la Grande guerre. En voici la liste au cas où. http://www.nosenchanteurs.eu/index.php/tag/14-18/

      Répondre

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