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Yves Duteil, poète, saltimbanque, artisan

Yves Duteil (photos John Riggs)

Yves Duteil (photos John Riggs)

Dans la foulée de son très bel album, Respect, Yves Duteil est reparti en tournée. Banni des playlists des radios, devenu discret par la force des choses, l’artiste n’en poursuit pas moins son chemin, chantant dans des salles pleines d’un public fidèle, conquis autant par sa poésie simple et directe que par l’authenticité qu’il dégage. A l’occasion d’un prochain passage en Belgique, il a très aimablement pris le temps de répondre à nos questions dans un long entretien exclusif. Serez-vous étonné si je vous dis qu’il s’est révélé d’une gentillesse à toute épreuve et d’une disponibilité rare ? C’est certain : la petite casquette qu’il a dû s’acheter il y a déjà 40 ans lui va toujours comme un gant !

 

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Vous êtes actuellement en pleine tournée, intitulée « 40 ans plus tard ». Pourtant, votre premier 45 tours, Virages, date de 1972. Pourquoi 40 ans alors ?

C’est vrai que si l’on prend ma durée de carrière, nous arrivons à 47 ans. On a arrondi parce que c’est plus beau et plus pratique, vu que les 50 ans, nous n’y sommes pas encore. C’est également une référence à un morceau de mon dernier album, que je chante dans le spectacle, qui porte ce titre de 40 ans plus tard. C’est une chanson d’amour sur mon épouse et moi. Elle a visiblement touché les gens car on m’en parle beaucoup. C’est une façon de répondre aussi à cet intérêt-là.

C’est donc à la fois une déclaration d’amour envers votre épouse et votre public. Sont-ils indissociables dans votre esprit ? Pensez-vous que votre carrière aurait été pareille sans elle ?

Absolument pas. Noëlle a joué un rôle majeur. Dans la création, même si ce n’est pas elle qui tenait la plume, c’est elle qui tenait ma main. C’est très important pour moi d’avoir son éclairage, son avis, sa vision. Elle est toujours le premier public de mes textes et de mes musiques. Pour le dernier album, elle en a suivi toutes les étapes et a été présente à toutes les séances d’enregistrement. Elle a agi vraiment comme un éditeur ou un directeur de collection, qui vous corrige, vous pousse à aller plus loin, à revoir votre copie. C’est un rôle essentiel de miroir. Mais un miroir à la fois très exigeant et très bienveillant.

Il y a un an sortait Respect, votre 15ème album seulement en 46 ans d’activité. Etes-vous satisfait de ce nombre ou estimez-vous que vous auriez pu en faire davantage ?

Déjà, j’observe que j’en ai fait plus que Brassens ! (rires) Je dirais que c’est une bonne moyenne, puisque je suis interprète aussi et que les concerts prennent énormément de temps. On n’écrit pas forcément quand on est en tournée. Faire vivre mes chansons, ça me prend toujours plusieurs années après les avoir écrites et publiées. C’est un beau partage : j’aime autant écrire que chanter, et l’un comme l’autre demande du temps.

Testez-vous vos nouveaux morceaux sur scène avant de les enregistrer ?

Pas vraiment. Je crois que les chansons s’inventent véritablement dans le studio. Les chanter sur scène, ce serait donc leur donner une forme avant qu’elles en aient une. La forme définitive, c’est dans le laboratoire du studio qu’on la trouve. Alors, je n’ai pas envie de figer directement une nouvelle chanson dans une orchestration pour la scène, qui serait certainement proche de sa forme d’origine, piano-voix ou guitare-voix. J’ai envie que ma chanson, elle s’habille avant de sortir !

IMG_8501-HDComment composez-vous le programme de vos concerts ? Chantez-vous l’intégralité de votre dernier album ?

Pas totalement. Je suis obligé d’introduire des chansons de mon répertoire ancien car le public a besoin de repères. Si je ne chantais aucun des morceaux qu’il a aimés, il repartirait frustré. Il faut donc mêler titres anciens et nouveaux, pour établir une sorte de parcours de carrière. Sans que ce soit pour autant un concert « best of » : dans ma tournée actuelle, il n’y a pas La tarentelle, ni Le petit pont de bois, par exemple. En fait, j’essaie de faire en sorte que l’émotion soit le fil conducteur. Je peux alors écarter une chanson nouvelle pour remettre en avant une plus ancienne, pas forcément connue, comme Pour que tu ne meures pas, Fragile ou La chanson des justes… La scène ne permet de toute façon pas à une chanson passée inaperçue à sa sortie de devenir un succès public. Pour ça, il faut qu’elle passe à la radio. Donc, mon choix s’est porté, non pas sur mes chansons les plus connues ou les plus marquantes, mais sur les plus émouvantes.

Seul le fait de les jouer en public  nous donne la mesure de l’émotion contenue dans une chanson. J’ai écrit deux types de morceaux : des chansons d’esprit et des chansons de cœur. Les secondes font plus appel à l’émotion qu’à la culture, alors que les premières sont des chansons de raison, où je joue plus sur les mots, où on est plus dans la démonstration, comme Ma grammaire de l’impossible. Cette tournée est plus axée sur la deuxième catégorie.

Cet album, Respect, est très réussi. Non seulement par la qualité des textes, mais aussi par la grande variété qui y est de mise, tant pour les thèmes abordés que pour la couleur musicale.

Ça me fait plaisir que vous me disiez cela car c’était le but poursuivi : aller chercher des choses étonnantes et que je n’avais pas encore faites. Sortir de mes propres sentiers battus.

Est-ce facile, avec une carrière comme la vôtre, de trouver ces nouvelles pistes ?

En écrivant, j’essaie toujours d’aller sur les routes pleines de cailloux, et non celles pavées de bonnes intentions. Par exemple, je peux faire une chanson interprétée d’une voix très douce, mais orchestrée avec des tambours de guerre. Une minute de silence ou Armé d’amour, ce sont des chansons très tendres mais avec une dureté de mots qui vient en contrepoint. Je recherche le contraste, même dans une mélodie. J’essaie d’aller là où on ne m’attend pas et de m’étonner moi-même.

Cover-Respect-400x400-cadreLes thèmes abordés sont souvent graves (les attentats, le manque de respect, le sort de la planète…) mais leur traitement n’est jamais pesant.  C’est un équilibre délicat que de dire des choses sérieuses sans être ni donneur de leçons, ni naïf.

J’ai beaucoup travaillé à la gomme pour cet album, avec le regard de mon épouse qui ne me passait rien. J’ai beaucoup plus écrit que ce qui a été gardé au final. Des quatrains ont été effacés, j’ai ôté des couplets. Même une chanson entière n’a pas été retenue : elle était finie mais n’était pas dans la tonalité du reste de l’album. J’ai mis un an et demi à l’écrire et un an à l’enregistrer. Et encore un an supplémentaire à préparer le spectacle. Pour celui-ci, on a cherché et l’épure, et la richesse. Nous avons voulu souligner l’émotion en évitant de la noyer en la submergeant de musique. Autant le studio permet d’enregistrer avec 22 musiciens et de doser chaque note au trébuchet, autant sur scène la musique doit sortir d’un ensemble vivant de façon immédiate. On a donc intérêt à élaguer beaucoup.

 

Pour la suite de cet entretien exclusif, cliquez ici

 

Yves Duteil, Respect, Les Éditions de L’Écritoire 2018. Le blog d’Yves Duteil, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

Yves Duteil se produira en Belgique, au Centre Culturel de Huy, ce samedi 9 février ; à Aulnay-sous-Bois, au Théâtre Jacques Prévert, le 15 février ; à Villeparisis, au Centre culturel Jacques Prévert, le 16 février ; au Forum de Chauny le 2 mars. Il sera ensuite au Québec, du 16 mars au 14 avril, pour une grande tournée de 19 dates.

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3 Réponses à Yves Duteil, poète, saltimbanque, artisan

  1. Dominique Huchet 6 février 2019 à 17 h 23 min

    Bon j’ai lu Yves Duteil et il n’était pas difficile de me convaincre de lire un article sur ce chanteur tellement discret et pudique.Toujours sa fine écriture mais je ne l’avais jamais lu et son itw me donne bien envie d’aller découvrir ce nouvel album…

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  2. Bruno Brel 7 février 2019 à 6 h 59 min

    Un très très grand Monsieur qui a eu la bonne idée de réunir le talent, la simplicité, la gentillesse et la disponibilité. Tiens, ça me rappelle un certain Georges que j’ai également eu la chance de connaître…

    Répondre
  3. Jean-Michel Brac 7 février 2019 à 7 h 38 min

    Un formidable concert il y a un an à Lannilis avec 2 super musiciens. Le public breton était rentré en résonance avec cet Humain de la chanson. Allez l’écouter… sur scène !

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