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La grâce de la virtuose Elizaveta Tyun

Elizaveta Tyun (photo non créditée, site rimirecourt.com)

Elizaveta Tyun (photo non créditée, site rimirecourt.com)

Même s’ils ne sont pas de Saint-Etienne, nos lecteurs ont entendu parler du Théâtre Libre, où nous y avons applaudi à maintes reprises Rémo Gary, Francesca Solleville, Allain Leprest, Michel Boutet et d’autres encore. C’est un lieu culturel singulier, niché au fond d’un parking puis d’un alignement de garages pour particuliers, salle qui fut naguère un garage automobile. La porte métallique n’est pas très avenante, mais c’est derrière que se cachent des trésors. D’abord un atelier de (haute) couture où se créent des costumes pour le théâtre, pour de prestigieuses représentations d’opéras. Et une salle de spectacles où se succèdent pièces de théâtre, conférences et récitals chanson… Ce soir, un concert classique.

Si le projet et la pertinence de cette salle ne font aucun doute tant pour le public que pour les observateurs, le Théâtre Libre est néanmoins en grand danger. Il ne manque pas grand’chose, seulement le soutien de la Ville et la subvention qui, en temps normal déjà peu conséquente, risque de disparaître corps et biens. L’épée de Damoclès est lourde sur ce lieu unique d’éducation populaire. Un lieu qui, s’il n’est pas particulièrement fréquenté des édiles, est connu et réputé de partout. Témoins ces visiteurs d’un soir : la violoniste virtuose Elizaveta Tyun et son pianiste Amiran Zenaishvili, elle originaire de Saint-Petersbourg, lui de Moscou, qui présentement nous viennent du Royal Albert de Londres. La musique sera classique, le cadre ne l’est évidemment pas : c’est ce qui, plus encore, fait l’intérêt d’une telle représentation. Aux ors des palais à la culture dédiés se substitue ce lieu de travail, de « mains d’or ».

Au programme, une sonate de Brahms (la numéro 3 en ré mineur, sa dernière, celle qui abdique le format classique de trois mouvements pour une composition qui se plie en quatre). Style symphonique, ambiance tourmentée dès l’Allegro, changeante dans la dynamique et le ton. Suit l’Adagio tout en contraste, à la sonorité riche et éclatante, enveloppée par les harmonies apaisantes du piano. Les émotions se succèdent : le léger, le gracile du violon, les doigts nerveux du pianiste qui tourne sèchement les pages de sa partition. Et cette chevelure blonde qui tombe sur les cordes, les masque presque.

En deuxième partie le « souvenir d’un lieu cher » qu’est la Russie, par une composition de Tchaïkovski, au caractère sentimental et romantique. Violon et piano savent à merveille rendre les vagues de passion et de turbulence sous-jacent à la musique, mais en même temps maîtrisant pleinement la transition entre les émotions de joie et de mélancolie.

Puis, seule au violon, Elizaveta interprète À Paganini, morceau de Schnittke qui évoque l’oppression soviétique et la souffrance d’un violoniste virtuose emprisonné sous ce régime. C’est une des grands moments de ce récital. La sagesse de notre violoniste laisse place à la nervosité, la colère, la folie presque, tant qu’elle en est ébouriffée. Le geste est impeccable, l’archet implacable, résolu. Pas besoin de savoir lire une partition pour comprendre l’écriture subversive de ce morceau-là.

Nous aurons encore, comme une dédicace au public de ce soir, Méditation, extrait de l’opéra Thaïs du stéphanois Jules Massenet, avec un arrangement pour piano et violon. Tout n’y est que pureté, magie, presque ensorcellement. Salve d’applaudissements.

J’insiste, ce lieu à nul autre pareil est un atout superbe. Car il n’est pas rien. C’est un écrin, modeste et beau, à ce qui doit participer à la culture populaire. Pas besoin d’y apparaître guindé pour apprécier comme ce soir de la musique de chambre, ni la chanson ni le théâtre. C’est un lieu où on ne peut qu’y être bien. Il faut que ce lieu vive !

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