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Mathilde Braure, la vérité toute nue ?

Mathilde Braure (photo Compagnie Ces champs sont là)

Mathilde Braure (photo Compagnie Ces champs sont là)

« La vie en rose c’est pour les filles / Dès le départ c’est déterminé / Pour que chacun y retrouve ses billes / Il s’agit de bien se préparer… ». L’entame de cet album est le seul titre écrit et composé par Mathilde Braure, en peu comme la préface de l’opus. Et presque un regret : « J’aimerai bien en avoir deux / Pourvoir marcher sur la lune / Pouvoir me faire appeler Monsieur ».

A priori ce disque est faite de chansons vieilles, mais il suffit de les écouter pour s’apercevoir qu’il n’en est rien, que celles-ci, contrairement aux tubes de maintenant, ne savent rien de l’obsolescence programmée. Hélas d’ailleurs pour le propos de certains titres, toujours actuel, au grand dam des dames battues : « Quand papa rentrait mécontent / Il tapait un peu sur maman / Ça lui faisait passer sa rage / C’était vraiment un bon ménage » (La Complainte de Kesoubah, de Jean Tranchant, est sortie en 1933, créée par Marianne Oswald. On en connaît l’interprétation de Casse-Pipe et de Louis Ville). La chanson d’après (de Charles Paul De Kock et Yvette Guilbert, qu’on connaît aussi par Juliette) ne dit pas autre chose : « Cet amant-là m’a déjà fait connaître / Le désespoir, les pleurs et cætera / Il voulait même me jeter par la f’nêtre / Ah! Quel plaisir quand on vous aime comme ça ! […] Et d’puis c’temps-là, quand y’fait une caresse / J’en porte la marque et j’ai les bras tout bleus… ». C’est de l’amour contrarié, tant et si bien que ce n’est déjà plus de l’amour. Et que ce disque, ce recueil de chansons a priori désuètes, est d’une terrible actualité, au moment où un compteur fatal égrene chaque jour ou presque sa ou ses nouvelles victimes.

cd il ma vue nueCertes, toutes les chansons de ce disque (dix seulement, on en redemanderait presque) ne portent pas forcément des bleus, des hématomes. Mais même dans Il m’a vue nue, « Sans cache-truc ni soutien-machins / J’en ai rougi jusqu’aux vaccins », (un des titres-phare de Mistinguett), il y a l’idée de la soumission à l’homme, de la fatalité : « Car je me dis, depuis cette fatale nuit / Je n’peux pas épouser un autre homme que lui ». Et que dire de cette mise au banc dans Les Boules de neige (texte de Paul Fort chantée hier par Marianne Oswald, le joyau peut-être de ce présent disque) : « Ils m’ont jeté des boules de neige / Parce qu’ils ne m’ont pas comprise… » La liberté se paye.

Les derniers titres n’altèrent pas vraiment le propos. Ainsi Moi je m’ennuie, jadis chanté par Marlène Dietrich, mélancolie amoureuse de quelqu’un qui porte la poisse : « Partout je traîne / Comme une chaîne / Ma lourde peine / Sans autres biens / C’est dans ma vie / Une manie / Moi, j’m'ennuie ». Et ce De la main gauche, de Danielle Messia, qui trouve ici une possible autre lecture : « On prend tous la ligne droite / C’est plus court, oh oui, c’est plus court / On n’voit pas qu’elle est étroite / Qui n’y a plus d’place pour l’amour ».

Comédienne, chanteuse et musicienne, Mathilde Braure, qui quinze années durant fut la moitié du duo féminin Les Belles Lurettes, fait ici un beau travail de restauration, redonnant de la voix à des chanteuses devenues quasi muettes. Mais pas dans la goualante d’antan, d’origine, juste dans « une voix ni trop forte, ni pas assez, la voie de l’écoute, la façon de chanter qui rend les paroles abordables, accessibles ». Braure a presque mis en veilleuse son accordéon, laissant judicieusement le soin à son électro-acousticien de mettre en musique, de presque régénérer, son idée de « petit bal retrouvé ». Bal souvent tragique.

 

Mathilde Braure, Il m’a vue nue, Label Art Trouble/Distribution Inouies. Sur les plateformes digitales depuis le 21 juin 2019 ; le 25 octobre en CD et Vinyle. Le site de Mathilde Braure, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.

Image de prévisualisation YouTube

Vidéo extraite du précédent spectacle de Mathilde Braure, « Accordéons-nous » : Image de prévisualisation YouTube

Une réponse à Mathilde Braure, la vérité toute nue ?

  1. JEAN-LUC ET MARIE BRAURE 11 mai 2021 à 14 h 22 min

    bonjour, tout simplement.

    Répondre

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