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Féloche, le funambule et la mandoline

Féloche &The Mandoline'Orchestra ©Alain Scherer

Féloche & The Mandoline’Orchestra ©Alain Scherer

Un an après Chimie vivante, Féloche nous revient avec un nouvel album. Nouveau ? Pas complètement, il s’agit en fait d’une version de concert, issue de sa tournée avec The Mandolin Orchestra en 2016, un orchestre de dix-huit mandolines. L’Ouverture (à la Féloche), rêveur instrumental, clôt l’album, plutôt que de l’ouvrir comme dans les opéras, et on ne s’en plaint pas tant il nous laisse sur un petit nuage de bonheur.

Il faut avoir la folie de Féloche pour se risquer à bâtir un album, où, au milieu de ses propres chansons – représentant sa douce philosophie de la vie, Laisse aller, ou Tous les jours « chercher les étoiles filantes  » (dix ans déjà), plus deux de Silbo, et une de Chimie vivante - il fait le grand écart entre la chanson napolitaine, version Dalida, la chanson coquine tendre de Bourvil, la pop de l’affaire Louis Trio, et un des poèmes les plus chelous de Rimbaud, mis en musique par Ferré, qui on s’en doute, s’est régalé. Avec un orchestre de mandolines qui, avouons le, ne passe pas pour un étendard de modernité.

De ce poème Féloche ne garde que la partie centrale, qu’il réussit à faire passer en la traitant au second degré, dans un climat quasiment burtonien, d’omoplates déboîtées et de hanches cassées. La haine grinçante de Rimbaud pour les femmes disparaît au profit d’une fantaisie qui peut faire penser à celle de Fersen. On entend le sourire de Féloche même sans le voir tandis qu’il distille les plus noires horreurs à nos oreilles anesthésiées par l’heureuse mandoline. Les mots de Rimbaud nous parviennent alors comme ceux d’un lutin joyeux et farceur : « J’ai dégueulé ta bandoline (1)/ Noir laideron / Tu couperais ma mandoline / Au fil du front. »

felochemandolinorchestra23Si le mot n’existait pas et n’avait pris un sens quelque peu péjoratif, il faudrait l’inventer, voici un vrai disque de Variétés. Et c’est réussi… Le seul fil conducteur de l’album est donc la mandoline, en thème, en mots, en accompagnement. Ses cordes dont les trémolos accompagnaient déjà le silbo, langage sifflé des canaries, s’envolent comme une nuée d’oiseaux, prennent toute la place, emplissent le ciel et nos oreilles, de notes légères, de sons joyeux.

Toutes les chansons ont été choisies pour ce rapport direct ou indirect à cet instrument. Métaphorique dans cette chanson écrite par Michel Bernard et Paule Gille pour Bourvil, où sa voix nous parvient par celle de son lointain héritier de fantaisie, Fa sol la sol fa la sol mi sol fa do ré, par les jeux de mots gentiment libertins des années cinquante : « Je suis l’amant de Line / Ceci grâce à mon p’tit instrument / Que j’aime tant ! ». Traditionnel dans Bambino, avec Dolche la bien nommée, son délicieux accent, les chœurs virils, les friselantes notes, tout le charme intemporel de la chanson napolitaine, de la chanson tout court. En accompagnement dans Tara Tari (2), « La force des petits / Du courage jusqu’à l’Infini » qui touche tant celui qui voulait « tous les jours / Mettre les voiles », et dans les autres titres du funambule des mots et des sons. Féloche a la Mémoire vive : « J’ferai la grève / de la vie tant que mon rêve ne s’ra pas tari / J’suis pas occis » et nous fait vivre À la légère, tourbillonnant en un infatigable sirtaki.

Et puis il y a ce bijou d’adaptation, Chic planète du regretté Hubert Mounier de l’Affaire Louis Trio. Ce titre que nous vous présentions en avant-première de l’album est une merveille de délicatesse qui délivre à jamais le message de son auteur, en parfait accord avec celui de Féloche.  


Féloche And The Mandolin’Orchestra, Silbo records, 2020
Le site de Féloche, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.

 

En concert Trio le 28 février à Wissous ; aux « Chansons primeurs » le 5 mars à Nantes à la Bouche d’Air ;  aux Trois Baudets à Paris le 30 avril 2020 accompagné de son Mandolin’ Orchestra pour deux séances : 19h et 21h, autres dates sur son site.

 

(1) Gel coiffant à base de pépins de coing en vogue au XIXeme siècle pour fixer les mèches des chignons

(2) L’histoire de Capucine Trochet et de Tara Tari

 

La mandoline, au Pont des artistes
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