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Guy Bedos, 1934-2020

Guy Bedos (copie d'écran)

Guy Bedos (copie d’écran)

Certes il n’est pas particulièrement chanteur. N’empêche, il m’enchante. J’aime sa poésie des mots, son art de l’uppercut, j’aime sa façon de s’ingérer dans ce qui le concerne, qui nous concerne, avec l’air que ça ne le regarde pas. J’aime sa façon d’occuper la scène (il est désormais copié par tous), d’y trépigner, d’avoir le sourire, de régler leur dû à ses débiteurs, à ses créditeurs, à ses têtes de massacre : Pasqua, Giscard, Balladur, Chirac et Cie.

Ainsi est Bedos (il nous faudra du temps pour le conjuguer à l’imparfait), ce pied noir qui se dit plus proche d’Albert Camus que d’Enrico Macias. Un trublion. D’abord mais furtivement chanteur (si si !) : il débute même à Bobino, en 1965, avec Barbara. Puis vite humoriste en duo avec celle qu’il drague (sur un texte de Jean-Loup Dabadie, qui l’aura précédé dans le trou – du souffleur – de quatre jours à peine) et prend pour seconde épouse, cette Sophie Daumier, si douée, si belle en blonde, si nunuche.

Humoriste. Et acteur. Encore avec Dabadie, déjà avec Yves Robert : Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis… Il joue au théâtre La résistible ascension d’Athuro Ui, parabole de l’ascension d’Adolf Hitler, de Bertholt Brecht.

Et surtout, il fait ses one man show, irrésistibles ceux-là, avec une force de frappe peu égalée. Le vulgaire slip de Bigard n’est que pathétique face au bulldozer qu’est Bedos. Produire ses spectacles était un risque tant le bonhomme est en apparence incontrôlable. Capable des pires et définitives vacheries qu’il contrecarre de son sourire, tellement beau, tellement gamin et malicieux à la fois, qu’on lui pardonne tout, même quand sa cible est à terre, mortellement blessée par l’humour assassin de Bedos, par des mots trempés dans le curare.

On savait, un peu, qu’il se faisait vieux, mais on n’y pensait pas. Tout autre que lui, mais pas lui, pas Bedos, frappé d’éternité, d’intemporalité. Et pis la mort a déjà eu Desproges, ça suffit. Eh ben voilà. Sa dernière cible fut peut-être la Morano, cible facile me direz-vous pour un tel boute-en-train.

Que nous reste-t-il de Bedos ? Des VHS, des DVD frappés d’obsolescence (c’est que le personnel politique a bien et tout aussi mal changé). Une quinzaine de bouquins, pas tous des chefs d’œuvre… Non, j’insiste, il nous reste d’abord, il nous reste surtout l’image de ce matador du verve, du verbe, de l’humour, du miel et du fiel, cette bête de scène. Ce fin analyste de nos vies, de nos mœurs. Cet impertinent de tout instant, ce type qui chaque fois repoussait les limites de la bienséance, du politiquement correct. Putain, empaillez-le, maintenant qu’il a perdu son souffle : qu’on sache encore, dans vingt ans, dans deux cent ans, dans deux mille ans, ce que voulait dire le culot, l’audace de ces trucs qui sont si précieux et de plus en plus rares, qu’on ne sait plus défendre : l’insolence, le courage et la liberté d’expression. J’ai bien peur que, sans lui, ça disparaisse encore plus vite. Salut l’artiste !

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7 Réponses à Guy Bedos, 1934-2020

  1. Catherine Laugier 28 mai 2020 à 20 h 38 min

    C’est juste ce que j’aurais dit, pas chanteur, mais enchanteur. Style piquant, mais que l’on pardonne, le sale gamin qu’on aime parce qu’il a souvent raison malgré tout !

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  2. Janick Foucault 28 mai 2020 à 20 h 39 min

    Merci Michel pour ce bel hommage, tu as mis en mots tout ce que je ressens ce soir… triste, très triste

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  3. André Robert 29 mai 2020 à 16 h 22 min

    J’imagine bien cet impertinent refuser, en cette période, de mourir du Covid !
    Espérons qu’il en existe encore, dans l’humour, la chanson ou ailleurs, de ces impertinents. Tous ceux qui refusent le prêt à penser. Car ce sont eux qui écrivent l’Histoire.

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  4. Anne-Marie Lagrue 30 mai 2020 à 11 h 00 min

    J’ai regardé hier sur la 3 l’hommage rendu à Guy Bedos. J’ai trouvé cela touchant, émouvant et j’ai eu les larmes aux yeux maintes fois. Cet homme, ses qualités, ses convictions qui ne l’ont jamais quitté, cet insoumis. Homme de gauche comme je les aime. Sa mort m’a beaucoup touchée.

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  5. Jean-Marc Nicolai 30 mai 2020 à 11 h 01 min

    En voilà bien un qui ne s’est jamais renie, homme de paroles mais homme de parole avant tout. Et personne, ou presque, pour prendre la relève… Salut l’artiste ! Au revoir, l’Homme !

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  6. Odile Frison 30 mai 2020 à 11 h 02 min

    Bel hommage à Guy Bedos ! Merci Michel Kemper ! Cet homme était unique, et je le pensais immortel ! Parti juste quelques jours après le génial J-L Dabadie. Je suis triste et je l’aimais tant, et les aimais tant, tous les deux.

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  7. Catherine Bensaid 30 mai 2020 à 11 h 04 min

    Encore merci Michel tout est dit… J’ai l’impression d’avoir perdu un vieil ami très proche ! Une époque qui s’effiloche depuis longtemps déjà. Belle journée à toi, bises

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