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Bernard Joyet : ça vaut des points !

Bernard Joyet (photo non créditée tirée de sa page facebook)

Bernard Joyet (photo non créditée tirée de sa page facebook)

Bernard Joyet est un être rare et cher. Qui plus est gourmand.

Rare car, des comme lui, on n’en fait plus beaucoup, le moule est cassé. Rare car, à bien les compter, ses disques ne sont pas nombreux. Rare sur les scènes aussi, et on se demande bien pourquoi : sur quel billot les organisateurs ont-ils la tête ?

Cher, je ne parle pas du montant de ses faramineux cachets. Cher au sens de précieux, au moins pour qui sait qu’il existe, qu’il chante, qu’il enchante.

Gourmand, car il ne sait rien faire à moitié. Gourmandes, ses chansons le sont, gorgées de vers, de raisons, de déraisons. Gourmands, ses disques le sont tout autant. Tellement que celui-ci en contient deux.

Un premier avec rien que des chansons nouvelles, dont deux sont prétexte à duos, l’un avec Anne Sylvestre, l’autre avec Yves Jamait. Le second fait d’autres de ses textes et chansons, confiés il y a peu ou il y a longtemps à ses frangins, ses frangines. Ce sont deux disques à la franginade, comme on dit des galettes fourrées à la frangipane. Joyet voulait réunir sur un même album des qui frèrent à son cœur : c’est qu’il a le cœur gros comme ça. Les copains embarqués dans son arche ? Émeline Bayart, Christian Camerlynck, Clémentine, Entre 2 Caisses, Évasion, Daniel Fernandez et Fanny Miroy, Manu Galure, Juliette, Dana Luciano, Nathalie Miravette, François Morel, Gérard Morel, Sidi Naïm, Marie-Thérèse Orain, Francesca Solleville et Wally. Beau générique, en des tonalités musicales qui piochent et grappillent ici et là, du slam au classique, du tango au jazz, du chant choral à la fanfare… En fait, Joyet rassemble ici ce qu’il a essaimé ici, planté là, éparpillé de partout. Rien que du joli.

J’insiste, je le sais, sur la gourmandise du verbe. Joyet est un épicurien des mots, il les veut tous à lui pourvu qu’ils sonnent et disent avec précision les réflexions et le bon sens qui l’animent, traits d’amour et d’humour inclus. Et de quoi cause-t-il, le jardinier du mot ? De lui, de nous, de nos vies toutes engluées, animées par on ne sait qui, on ne sait quoi. De ce qui va, de ce qui reste. De l’économie aussi : « Je vends le soleil et la flotte / Le poison et son antidote / Et la banquise et la calotte / Et des frigos pour les Inuits / Je profite… ». Lui tente par ses vers d’infléchir, de réfléchir, de remonter le cours du temps, d’inverser le cours de l’eau, même si la Seine doit devenir Yonne. Mais tout est vain, Rien s’en va : « Le bizness a fauché les goûts et les couleurs / L’abeille et le pollen la racine et la fleur / On boit son pot de terre on ronge ses gravats / Puisque le prince a dit ça va c’est que ça va ».

(pour commander ce CD, cliquez sur la pochette)

(pour commander ce double CD, cliquez sur la pochette)

Tout est grave chez Joyet, mais agencé en poésie, ourlé de fantaisie, distrait de pirouettes.

Tout est truffé de références, perclus de trouvailles, de subtilités à déchiffrer, à décoder comme dans un jeu de piste. Joyet est bien plus qu’un chanteur, j’en veux pour preuve qu’on pourrait se contenter de ne lire que ses textes. Ce qui nous priverait toutefois des violons, violoncelle et contrebasse, de ses trompette, tuba et clarinette, piano et accordéon… Or, tout ici concourt à ces facéties qui jouent au bras de fer avec l’acuité, le sérieux de son inspiration.

Avec sa sœur Anne, il se fait Fabuliste et se joue du temps, quitte à reporter la Saint-Sylvestre à plus tard. Avec Yves, Jamait à cours d’amitié, il fait Frangins quitte à chahuter leurs arbres généalogiques respectifs. Si vous vous dites que la musique fait guinguette, ne vous étonnez pas, c’est l’Yves qui la signe.

Difficile en peu de place d’explorer les seize chansons et textes interprétés par ses autres frangins, pas envie d’élire tel ou telle : c’est du pur Joyet, du raffiné, dont chacun des interprètes tirent le meilleur. Au terme de ce second album après les voix de nos Entre 2 Caisses, laissez tourner le disque, y a une piste masquée… Un total inédit, qui plus est pas de Joyet. Non, mais une chanson sur Bernard Joyet, de et par Franck Halimi (oui, celui que vous connaissez pour faire partie de l’équipe de NosEnchanteurs), un « requiem anthume en hommageur à Bernard Joyet ». Magnifique texte que celui du copain, du frangin, dont on n’osera en prélever un bout, en exhiber deux ou trois vers. Après tout, il nous est offert en rab, en surplus, en bonus, en cadeau Bonux : découvrez-le par vous-même, on ne fera pas le boulot à votre place !

L’expression fétiche d’Halimi c’est « ça vaut des points ». Son texte lui vaudra certainement les points retraite qui lui manquent (il lui en manque beaucoup). Ça vaut aussi, à l’évidence, pour Joyet, qui s’offre et nous offre un cadeau comme il en existe peu. Donnez-lui le Charles-Cros ou le Nobel, accueillez-le à l’Académie que ça ne saurait être mieux : il s’est payé le plus beau des disques !

 

Bernard Joyet & franginades. Label épique/EPM/Universal 2020. Le site de Bernard Joyet, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

« Rien s’en va » : Image de prévisualisation YouTube

« Y a plus de saisons » : Image de prévisualisation YouTube

11 Réponses à Bernard Joyet : ça vaut des points !

  1. Martine CAPLANNE 2 septembre 2020 à 18 h 01 min

    Un grand parmi les grands, un géant qui parle de nous, rare ! C’est vrai qu’aveclui rien s’en va. merci l’artiste !

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  2. Vauxion 2 septembre 2020 à 19 h 29 min

    Trop bien, merci le poète et la pianiste…

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  3. Pascal Guyot 2 septembre 2020 à 20 h 45 min

    Je confirme. Excellent du début à la fin… C’est rageant, pas une faute de goût. Pfff !

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  4. Francesca Ferrer 2 septembre 2020 à 20 h 48 min

    Tout est plaisir sur ce double CD… plaisir à se faire à soi ou à offrir à ceux à qui on souhaite le meilleur

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  5. Marc Gicquel 2 septembre 2020 à 20 h 50 min

    Il est vrai que la chanson de Franck est un petit bijou… Et j’ai été également surpris sur le fait que le numéro indiqué par le lecteur de CD était le même que la chanson précédente : quel coquin ce Franck Halimi et quel coquin également que ce Bernard Joyet

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  6. Michèle Collange 2 septembre 2020 à 20 h 52 min

    Bernard Joyet est un joyau, ses chansons des bijoux. Précieux et rare… J’ai eu le bonheur, l’enchantement, de le découvrir il y a 5 ou 6 ans seulement à Antraigues. Depuis il est souvent présent à l écoute de ses rares albums.

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  7. Jean-claude Gouzou 3 septembre 2020 à 15 h 42 min

    Un très bel article en effet que je viens de lire auquel je souscris bien évidemment a 100%

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  8. Natasha Bezriche 3 septembre 2020 à 15 h 44 min

    Merci Franck pour ce superbe travail car rassembler tous ces artistes autour de Joyet est une belle idée et une initiative d’intérêt public, qu’on se le dise.

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  9. Ana Chavanat 3 septembre 2020 à 15 h 45 min

    Un double album magnifique ! Je n’ai ni les mots, ni la plume de Bernard Joyet, très émouvante la chanson de Franck Halimi… Merci, tout simplement pour le plaisir et l’émotion qu’a suscité ce double album.

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  10. Jean Pierre GLEIZE BOURRAS 7 septembre 2020 à 18 h 54 min

    Bonjour Michel,
    M’enfin nous le savons depuis très longtemps, si JOYEUX est un nain…JOYET est un géant !

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  11. Gérard Michel 8 septembre 2020 à 18 h 29 min

    Bel article et promotion pource « beau Joyet nouveau ». Nous nous sommes revus il y a 2 ans sur un festival, mais je garde le souvenir de sa superbe prestation à Hyères, ovationné par un public de 800 personnes, et salué par l ‘ensemble de la presse.
    Bernard était resté le lendemain, car j’avais programmé Allain Leprest, autre belle soirée… mais nous étions en … 2003 !

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