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Ramon Pipin, rock et dérision dans le même bateau-L’entretien

atelier 2 NEL’actualité immédiate de Ramon Pipin, ce sont les 2 concerts parisiens exceptionnels des Excellents, ces 23 et 24 janvier 2023 à la Nouvelle Eve. Deux soirées qui vous permettront de réviser vos classiques du rock ‘n roll, adaptés pas trop fidèlement en français avec l’humour qu’on lui connaît et revisités à grands coups de ukulélés destroy et de cor de chasse incongru.

Un autre événement se profile toutefois à l’horizon. L’homme avait fêté en mai ses 70 piges et 50 ans de carrière par un concert Best Œuf de 2h30, entouré de la crème des musicos (nous y étions, ô bonheur, compte-rendu ici). Les absents vont pouvoir se rattraper avec la sortie au printemps d’un superbe coffret parcourant toute sa carrière, de ses débuts avec Au Bonheur des dames jusqu’à ses six albums en solo, en passant bien évidemment par Odeurs, groupe cultissime s’il en est.

Ce serait mal connaître ce perfectionniste du son que de croire que Ramon Pipin aurait pu se contenter d’une simple compilation de ses heures de gloire. Un bon paquet de titres ont en effet fait l’objet de réenregistrements, bidouillages divers et de mix peinture fraîche, auxquels il ajoutera quelques nouveaux morceaux inédits. Pour peaufiner le tout, une semaine de boulot au sein de l’I.C.P., prestigieux studio bruxellois, n’était probablement pas de trop. C’est là que Nos Enchanteurs ont pu l’épier en exclusivité durant quelques heures.

Mais reprenons depuis le début.

Tout débute donc par un mail reçu le 28 novembre : « Cher Pol, je serai à Bruxelles du 12 au 19 décembre, si tu es dans le coin…». Je vous laisse imaginer ma surprise d’être ainsi interpellé par une des idoles de mon adolescence, moi qui me suis abreuvé sans fin aux albums d’Odeurs, parfait complément sonore à mes saines lectures d’Hara-Kiri. Rendez-vous est donc pris pour le 16 décembre à 11 heures, histoire d’assister discrètement à une séance de travail avant une discussion amicale et gustative.

Le jour J

C’est Ramon qui vient m’ouvrir la porte du mythique studio. Difficile de ne pas être impressionné par le lieu, qui a vu défiler entre ses murs tant de glorieux artistes. Partout des cadres sont là pour nous le rappeler. Cela donne, en se limitant aux chanteurs français : Renaud, Lavilliers, Johnny, Calogero, Stromae, Maurane, Moustaki, Niagara, Kent… Il serait probablement plus facile de lister les artistes qui n’y sont pas passés !

Pour l’heure, Ramon et son duo d’acolytes sont en train de mixer une twong (c’est ainsi qu’il surnomme ses chansons-flash). L’occasion pour le néophyte que je suis, résolument non-musicien et aux connaissances techniques plus que sommaires, d’être impressionné par le savoir-faire de la fine équipe (dingue, tout ce que l’on peut faire avec un ordinateur de nos jours !) et de goûter le sel de leurs échanges aussi sibyllins que professionnels.

Sachez donc que pour ce titre, on a démarré sur le premier temps (qui est à la 2ème note), et qu’on a monté les chœurs d’un demi-ton pour qu’ils soient sur l’accord, tout en enlevant une croche au passage, sans exagérer toutefois car ce n’est pas une appoggiature (quelle erreur ce serait de le croire !). Il ne restait plus alors qu’à faire une pente à partir de là… Simple, non ?

Pour digérer tout cela, il était temps de passer à table… 

Quoi de mieux qu’un repas pour briser la glace ? Autour d’un délicieux risotto, je fais donc la connaissance des deux comparses de Ramon, Vincent Turquoiz et Jean-Marc Pinaud, plus connu sous le nom de « Maz ». Connivence ? Le mot paraît faible, tant les trois membres du trio infernal semblent complémentaires. La discussion qui suit doit bien sûr s’entendre avec hautes doses d’éclats de rires et d’ironie cinglante, chacun cherchant à vanner l’autre.

Ramon : Cela fait plus de 10 ans qu’on bosse ensemble, Vince, Maz et moi. On a fait mes 3 derniers albums solo et celui des Excellents. Plus les concerts. A trois, on essaie de trouver un consensus et on y arrive en général. Sinon, on se fout sur la gueule, mais c’est rare !

NE Comment vous répartissez-vous le boulot ?

atelier 3 NERamon : Quand j’ai fini une chanson, je fais une maquette assez élaborée, que je transmets à Vincent. Je suis un compositeur intuitif, qui fonctionne au feeling. Vincent est plus dans la rigueur, il va recadrer le truc, retirer les fausses notes, corriger les erreurs qu’il peut y avoir. Ensuite, on envoie le tout à Maz, qu’il puisse se faire une idée du truc. C’est de la direction artistique partagée.

Maz : Il faut savoir que Ramon écoute toutes sortes de musiques différentes. Aussi bien du rock que du métal ou du jazz. Il nous donne alors des axes, genre « pour ce morceau, je me suis inspiré de tel truc », ce qui nous ouvre un peu la porte. Grâce à lui, j’ai découvert une multitude d’artistes du monde entier, pas forcément connus, que je suis maintenant régulièrement.

Ramon : Quant à Vincent, il est plus dans les arrangements d’instruments.

Vincent : Moi, je donne de la lecture aux musiciens !

Ramon : Bref, ce que veut dire Maz, c’est que je n’ai aucune personnalité mais qu’en revanche, j’écoute beaucoup de musique qui m’inspire !

Maz : Moi je bosse beaucoup dans le rock, le métal, l’électro… Et mes enfants me stimulent.

Ramon : Il vient avec des trucs plus modernes, quoi, tandis que Vincent a du mal à aller au-delà de 1972. C’est le spécialiste de la Stax, du blues et du jazz.

Vincent : Et Ramon fait la synthèse.

Ramon : Mais je ne suis pas musique urbaine du tout ! J’utilise d’ailleurs très peu les programmations, je préfère enregistrer en studio avec de vrais musiciens. Sans être un intégriste pour autant. Par exemple, pour un des nouveaux morceaux, on a enregistré un batteur, mais en fin de compte, on a mixé avec une prog, qui était plus cohérente par rapport à l’ambiance musicale recherchée.

Vincent : Tu as une approche musicale très large.

Ramon : Mais aussi très précise et déterminée. Quand je fais un morceau, je cherche absolument à trouver une originalité, qui fasse que ce soit étonnant. Je veux qu’on se dise « Tiens, ouais, c’est marrant, là il y a un truc, une modulation, une instrumentation particulière ». La plupart des gens ne l’entendront peut-être pas, mais nous, quand on travaille sur la chanson, on est content d’avoir tout à coup une mesure à 7 temps ou un truc du genre qui me vient spontanément.

Maz : Dans une ballade, tu vas mettre un mur de guitares électriques au fond, dans une réverb, au lieu du trait de corde joli que tout le monde attendrait…

Ramon : Je cherche aussi, dans une chanson, à ce que ce ne soit pas tout le temps la même chose. S’il y a trois couplets, ils ne seront jamais arrangés de la même façon. Moi, j’adore être étonné quand j’écoute de la musique. J’essaie de faire pareil.

L’inspiration vient facilement ?

Atelier 1 NERamon : Non, c’est difficile d’écrire une chanson, c’est même de plus en plus dur. Les 3 inédits, j’ai mis plus d’un an à les écrire, je n’ai pas une production fordienne. J’essaie de faire rire, mais aussi d’écrire des trucs qui me touchent, même si, par pudeur, j’essaie qu’on ne s’en aperçoive pas trop. Pour les textes, c’est au mot près, avec la découpe du vers qui doit coller parfaitement au rythme. Et la musique, c’est idem. Vincent te le dira : je lui envoie une maquette et puis, deux jours plus tard, je lui en renvoie une autre car j’ai changé quelque chose, et puis encore deux jours après, pareil. Je suis un tâcheron, en fait !

Maz : L’apogée, ce sont tes trois derniers albums en solo, où tu as pu donner libre cours à tes envies. Tu n’étais plus dans une dynamique de groupe, comme du temps d’Odeurs, où tu étais plus obligé de tenir compte des envies des autres.

Ramon : Sur Odeurs, les textes étaient surtout de Costric 1er, qui écrivait des trucs un peu hermétiques mais extrêmement drôles. J’étais jeune à l’époque, aujourd’hui je serais plus exigeant. Il y a des trucs que je ne comprends toujours pas. Sur la Viande de porc, il me fait chanter « La viande de cochon / Cinq jours en ballon ». Qu’est-ce qu’il a voulu dire ? Rita Brantalou écrivait aussi beaucoup, des trucs plus simples, c’était un mec incroyable de drôlerie et de créativité. C’est lui l’auteur de Je m’aime ou du Cri du kangourou, qu’on a écrit à deux sur une nappe de restaurant, en ayant en tête les chansons à la con du music-hall des années 30. On a souvent été visionnaires avec Odeurs. Dans les supermarchés critique déjà la surconsommation et Couscous boulettium aborde la malbouffe.

Vincent : Dans cette chanson-là, les bruitages, ça y allait !

Ramon : On s’est bien amusé avec Couscous boulettium. On a été jusqu’à balancer une caisse d’outils du haut des escaliers. On peut y entendre roter Steve Shehan, qui est devenu par la suite le percussionniste de Paul Simon !

Maz : La première fois que j’ai vu et entendu Odeurs, c’était avec cette chanson-là, dans l’émission Chorus, qui avait passé un extrait de concert. Et tu veux que je te dise ? J’étais pas trop réceptif à ça, j’avais pas trouvé cela dément…

Ramon : Odeurs, c’était un groupe où les musiciens s’éclataient. Manu Katché, par exemple, à l’époque, il était batteur pour Mireille Mathieu, t’imagines comme il s’emmerdait ? Tous les musiciens de Paris venaient me voir pour me dire « Putain, c’est trop marrant, si tu as un truc à me faire faire, vas-y ». Résultat : pour le deuxième album, sur la pochette intérieure, on est 49 !

Ton futur proche, ce sont deux concerts des Excellents.

Ramon : Maz va faire le son et Vincent s’occupe de la direction musicale, tout en étant sur scène avec moi. Grosse production comme toujours, je ne peux pas faire autrement : on sera 12 sur la scène, un quatuor à cordes, 2 comédiens, 3 ukulélés, une basse, un clavier, une batterie. Il y aura 45 morceaux (courts, heureusement), dont 10 nouveaux. Cela se passera à la Nouvelle Eve, qui est un cabaret habitué aux revues et strip-tease, ce qui m’a donné des idées nouvelles de mise en scène. Gros boulot mais on se marre bien. Avec ce spectacle, on espère tourner un peu après.

Et au printemps, le fameux coffret Best Œuf.

Ramon : Il sera composé de 4 CD. Avec pas mal de morceaux réenregistrés et remixés. Par exemple, on a refait les cordes sur Douce crème, un titre extrait du premier album d’Odeurs, interprété par Christine Pascal, la comédienne de Tavernier, qui s’est suicidée en 1996. C’était terriblement émouvant de réentendre sa voix, tout en fragilité gainsbourienne.

On hésite encore si on va y glisser, ou non, des enregistrements d’époque inédits, en bonus. L’idée d’un best of, c’est quand même de proposer un panachage de ce que j’ai fait de moins pire. Est-ce judicieux dès lors d’y ajouter des trucs écartés ? En tout cas, le mot d’ordre est clair : ne figureront dans le coffret que des trucs qui sonnent bien !

Quand au packaging, j’espère pouvoir faire une pochette en forme de boîte d’œufs. C’est de circonstance, non ?

La présentation de l’article, c’est ici.

Photos et entretien Pol de GROEVE

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