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Lavilliers : d’autres « emprunts » révélés…

Emboîtant le pas, la semaine passée, d’un PPDA piteusement confondu par un stupéfiant plagiat de plus de cent pages, je m’étais amusé à rappeler les « emprunts » de Bernard Lavilliers, illustrant mon propos de trois exemples. Trois parmi pas mal d’autres… Et vous de compléter cet étonnant recensement ! Pour l’heure par deux autres « emprunts ». Qui ne sont donc pas dans le livre Les Vies liées de Lavilliers. Le premier a trait à la chanson Attention, fragile de 1980 ; le second à Noir et blanc de 1986.

 

« Je laisserai le lit comme elle l’a laissé, défait et rompu, les draps mêlés, afin que la forme de son corps reste empreinte à coté du mien ».
Pierre Louÿs, Le Passé qui survit (in Les Chansons de Bilitis, 1894)

« Je laisserai le lit comme elle l’a laissé.
Défait et rompu, les draps emmêlés.
Afin que l’empreinte de son corps,
Reste gravée dans le décor ».
Bernard Lavilliers, Attention fragile, 1980

Les Chansons de Bilitis est sans doute l’œuvre la plus connue de Louÿs (romancier français né à Gand, Belgique, en 1870, mort à Paris en 1925), où il déploie toute son érudition et sa connaissance des textes poétiques grecs. C’est l’amour pour la langue, un style simple et le plus juste possible, qui permet de dégager une grande force au service de la sensualité et de l’amour saphique.
Si le texte matrice de Pierre Louÿs nous parle donc d’amours lesbiens, ce qu’en a fait Lavilliers nous entretient d’un couple homme-femme…

Jacques Prévert (photo Robert Doisneau)

Autre chanson, ce Noir et Blanc qui pourrait presque prendre le statut d’hymne. Et fut chanté, par mille neuf cent quatre-vingt neuf jeunes français et étrangers, déclarés « ambassadeurs de tous les pays pauvres », le jour même du bicentenaire de la révolution française, devant dix-sept chefs d’état du tiers-monde, au Palais de l’Élysée. Très grande chanson s’il en est, dont on connaît désormais sinon le texte-souche au moins l’idée de départ : une « jacquerie » de Prévert.

 

« La tête du grand libérateur
(…)
La tête du dictateur
La tête du fusilleur
De n’importe quel pays
De n’importe quelle couleur »
Jacques Prévert, L’effort humain (in Paroles, 1946)

La chanson de Lavilliers :

« La musique a parfois des accords majeurs
Qui font rire les enfants mais pas les dictateurs.
La musique parfois a des accords mineurs
Qui font grincer les dents du grand libérateur.
De n’importe quel pays, de n’importe quelle couleur.
La musique est un cri qui vient de l’intérieur. »
Bernard Lavilliers, Noir et Blanc, 1986

Manifestement, Lavilliers a construit sa chanson à partir de deux vers de Prévert (« De n’importe quel pays, de n’importe quelle couleur / La musique est un cri qui vient de l’intérieur. ») et quelques mots et sonorités autour. Comme disait si bien Brel, une chanson c’est une phrase, une idée : tout le reste n’est que remplissage.

À noter enfin que Lavilliers est, par la suite, revenu vers Prévert : la chanson Ma belle (sur l’album Samedi soir à Beyrouth, 2008) trouve manifestement sa source dans le poème de Prévert Tu m’as quitté.

(merci pour ces utiles découvertes à Henri Schmitt et Frédéric Corvest)

21 Réponses à Lavilliers : d’autres « emprunts » révélés…

  1. Philippe 11 janvier 2011 à 14 h 17 min

    Voilà ce que c’est d’être trop cultivé !!!!!!!
    Mais c’est toujours pour une bonne cause…… des chansons magnifiques qui resteront.

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  2. CHRISTINA BIANCA TRONCIA 11 janvier 2011 à 16 h 24 min

    Je viens de me rendre compte de qui était l’auteur de ce blog ; le même qui a écrit la « biographie » de Bernard Lavilliers ! Je tenais donc à vous dire que je suis totalement contre tout écrit biographique publié, édité sans le consentement de son acteur principal ; dans ce cas-ci, Bernard Lavilliers ! A aucun moment, il n’est dit que vous avez eu un accord écrit, contractuel de la part de Bernard Lavilliers pour l’édition et la publication de ce livre ; à moins de nous présenter une preuve du contraire, je m’abstiendrai donc de lire votre « oeuvre » mais également, je continuerai à me récrier contre toutes publicités concernant ce bouquin ! Salutations.

    Réponse : Chère Christina. On peut vous suivre à la trace, de sites en blogs, sur le net, avec toujours votre même ahurissante argumentation, dénuée de tous fondements. Alors, je vous le redis, chère ingénue, chère ignorante : dans ce pays, on peut porter un regard public sur un homme public, on peut publier sur une célébrité, sans avoir à lui demander son autorisation. Sinon, il n’y aurait que très peu de livres, très très peu d’articles de presse aussi. Vous imaginez-vous s’il fallait, avant d’écrire un livre sur Sarkozy, demander l’accord à l’Élysée ? ! Mais si tel est votre combat, s’il vous faut des moulins à vent à guerroyer, à foudroyer, faites-le. Soyez Jeanne-d’Arc, redressez les tords et boutez hors de France les biographes indélicats qui ne savent pas écrire d’autobiographies ! Tiens, Jeanne-d’Arc, j’écrirais bien un livre sur elle. Je vais lui envoyer une lettre, qu’elle me fasse parvenir son accord écrit et son contrat : c’est ma copine Christina qui m’a dit de faire comme ça ! MK

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  3. joan 11 janvier 2011 à 19 h 45 min

    Oui encore heureux qu’on puisse écrire un bouquin sur Tartempion sans recevoir sa bénédiction, sinon ce serait « adieu au journalisme d’investigation » ! C’est fou comme des auteurs chantant (en principe) la liberté-chérie engendrent malgré eux des cohortes d’Ayatollahs…! J’ai remarqué le même phénomène chez les fans de Brassens : « vache sacrée » n’y touchons pas, il est notre Dieu !
    Ceci dit pour les emprunts de Lavilliers je serais indulgent : c’est un procédé qui était très en usage dans le folk et qui peut représenter une sorte d’hommage inavoué à une tradition (cf les emprunts de Dylan) et puis l’important c’est que Nanard a su en faire oeuvre personnelle de ces emprunts…
    Alors appelons ça les « emprunts du large » ;-) !

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  4. Philippe 11 janvier 2011 à 20 h 11 min

    Christina, ce qui rend passionnant ce livre c’est justement qu’il a été écrit sans l’autorisation de l’intéressé !
    Moi aussi je ne voulais pas lire ce livre, mais au fil de la lecture, j’ai trouvé passionnant, surprenant, de découvrir la face cachée du « Grand Fauve d’Amazone » !

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  5. Frédéric CORVEST 11 janvier 2011 à 22 h 06 min

    J’aimerais répondre au commentaire de Christina Bianca Troncia. Une réaction que je trouve tout à fait légitime. Je crois comprendre que Bianca est comme moi une très fidèle de Bernard Lavilliers.
    Mon épouse m’a offert ce fabuleux livre de Michel Kemper à Noël que je suis en train de le dévorer en ce moment (je ne l’ai pas fini).
    Léo Ferré m’a fait découvrir en 1985 ce fabuleux chanteur. J’avais 14 ans. J’en ai aujourd’hui 39. Ce superbe mec, voix grave, boucle d’oreille en or, fringué tout de cuir vêtu et qui a chanté lors d’une émission la plus belle version (à mon humble avis) de Est-ce-ainsi que les hommes vivent. Le coup de foudre. Un dépucelage culturel d’adolescent.
    Connaissant Léo Ferré et son répertoire sur le bout des ongles et découvert entre temps celui de Bernard Lavilliers (j’ai assisté à plus de 40 de ses concerts), j’ai tout de suite compris son inspiration qu’il avait pour Léo Ferré lorsqu’il a sorti ON THE ROAD AGAIN. Superbe chanson, de très près inspirée de SI TU T’EN VAS, chanson écrite par Léo Ferré en 1962-1963. Nous y trouvons quasiment le même texte. Tout cela a suivi avec des textes de Prévert, Rimbaud, Cendrars….
    En quel droit permettez-vous de mettre en cause dans tout ça Michel Kemper, qui ne fait mettre que la lumière sur une vérité, indéniable, les écrits des morts restent. « La lumière ne se fait que sur les tombes » comme disait Léo Ferré. Lavilliers n’en reste pas moins un grand chanteur, mais vous semblez bien plus attaché à ses légendes, qu’à ces oeuvres.
    je suis allé voir vos photos par le biais de votre profil et c’est comme si je vous disais que vous avez pris exactement les mêmes prises de vues de Robert Doisneau, de Jean-Loup Sieff et que je demande auprès de leur famille l’interdiction totale la publication de vos photos et encore moins leur commercialisation.
    Nous ne sommes plus sous Vichy, comme Lavilliers le chante si bien. Nous sommes encore en démocratie jusqu’à preuve du contraire, avec une liberté d’expression et de vérité. Je souhaite longue vie aux journalistes et écrivains d’investigation qui nous donnent la version des choses.

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  6. CHRISTINA BIANCA TRONCIA 12 janvier 2011 à 7 h 42 min

    Qui peut se prétendre connaître la vie d’un(e) autre, à moins de n’avoir vécu étroitement auprès de cette personne ? Une mère elle-même ne peut parler de la vie de son enfant puisque dès lors qu’il est sorti du nid, il a une vie à l’extérieur hors de sa vue ! Je pense donc que, hormis le but de se faire un nom d’auteur, un « biographe » peut raconter, narrer tel ou tel fait concernant un personnage, une personnalité, voire quelqu’un de plus commun, j’aurais toujours un doute quand à ce qu’il est mentionné dans son bouquin et quand à ses motivations dès lors qu’il décide de l’éditer ! Ceci est mon avis et je l’exprime ! Je suis même totalement ouverte et prête à changer d’avis dès lors que l’on me convaincra que j’ai tort dans mes raisonnements et ma logique ! Pour ce qui concerne mes photos, on peut certes avoir quelques influences en choisissant un thème, mais jamais un cliché ne sera totalement identique à un autre puisque en matière de photographie, c’est l’instant qui compte ! Hormis ceux qui se permettent de « chiper » les photos publiées non signées (voir même en effaçant les éventuelles signatures !) pour alimenter leur banque d’images, prétendant qu’elles sont leurs propres oeuvres, je ne vois pas bien comment on pourrait copier conforme un confrère ! En matière de « biographie », je pense que je n’ai pas, effectivement toutes les données sur la législation mais il me semble bien qu’un contrat existe et qu’une autorisation de la personne citée ou de ses ayants droits, est exigée avant toute publication ! Donc, pour ce qui concerne MK contre qui je n’ai aucune rancune personnelle, et comme je l’ai fait pour d’autres auteurs « biographes », j’attendrai que Bernard Lavilliers s’exprime ouvertement à ce sujet pour éventuellement « m’empresser » d’aller découvrir le contenu son livre ! Salutations.

    Réponse : Chère Christina… Pour le cas précis, le biographe semble en connaître plus, et plus sûrement, que les souvenirs (volontairement ?) erronés de l’artiste. Et le biographe, fort de pas mal de témoignages et de preuves irréfutables, fait un travail de reconstitution. C’est ce qu’on attend de lui. Depuis quarante ans, Bernard Lavilliers raconte ses histoires et utilise la presse comme porte-voix de sa légende ; un jour, la presse (en l’occurrence, j’en suis, et mon travail est celui d’un journaliste) prend le temps de faire le point, de contrôler enfin les informations, d’être en recherche de ce qui est vrai, de faire un audit. C’est normal, c’est nécessaire. Lavilliers connaissait le risque et se doutait bien qu’un beau jour un travail serait fait sur sa « légende ». Ne comptez pas qu’il s’exprime un jour sur ce sujet : le feriez-vous, vous, dans la même situation ? Non.
    Alors (et j’en suis désolé, Christina) vous ne lirez pas ce livre. Tant pis, mais il est existe tant et tant sur des tas de sujets que vous aurez le choix. Sachez tout de même qu’il en existe deux autres sur Bernard Lavilliers, tous les deux réalisés à son insu et (contrairement à ce qu’il a déjà été dit ici et là au moins pour l’un des deux) contre son gré. Lavilliers, si prolixe quant il s’agit de raconter sa légende, ses aventures, ses voyages, ses prisons, ne veut surtout pas de livre sur lui. Ça ne vous étonne pas, ça ? Ça ne vous met pas la puce à l’oreille, des fois ?
    Quant au reste, effectivement, vous ne connaissez rien en la législation et confondez le droit d’auteur (l’utilisation des œuvres d’autrui est très réglementée… théoriquement car on peut se poser la question quant aux « emprunts » littéraires de Bernard Lavilliers justement) avec la liberté de la presse qui n’est pas négociable. Si je tiens à écrire sur vous, au seul prétexte que vous menez des activités publiques, que vous êtes donc dans la sphère publique, je ne vous demanderai pas forcément votre accord. Rassurez-vous : je ne nourris pas un tel projet !MK

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  7. Claude vlerick 12 janvier 2011 à 8 h 44 min

    Je crois qu’il faut arrêter de se voiler la face et mettre le fer dans la plaie…

    Nous sommes mal à l’aise et ce qui nous dérange tous
    - par rapport à la construction médiatique du personnage Lavilliers
    - par rapport aux emprunts de textes matrices à des auteurs non cités
    c’est qu’il nous faut tous (ceux qui ont marché dans l’idolâtrie de manière un peu imbécile et ceux qui étaient bien conscients du mécanisme)
    renoncer à l’image d’une certaine pureté de la radicalité (notamment politique) du personnage.
    Parce qu’enfin ceux qui sont le plus floués dans l’histoire, ce sont les « admirateurs » et pas ceux que l’oeuvre attaque…
    Et filer par la bande en invoquant que les emprunts sont en quelque sorte un clin d’oeil aux auteurs méconnus…
    Pourquoi pas une exhumation de poètes disparus, tant qu’on y est ?
    « Tu voudrais dénoncer tu magouilles… ».

    J’avoue que moi qui me croyais si conscient, ce qui m’a mis KO, ce qui m’a amené à reconsidérer…, c’est la démonstration, preuve à l’appui, du traficotage d’ »Attention fragile ». Pas précisément à cause de Lavilliers.
    Mais parce que cette chanson est un des éléments qui m’a permis en son temps de tenir en équilibre (précaire) quand j’étais en situation – précisément – de fragilité…
    Il y a là quelque chose qui m’a pour le moins demandé la réparation d’une fêlure interne…
    J’imaginais vraiment une sincérité totale dans la puissance de l’expression de ce vécu-là…
    Faut pas faire un dessin quand même…

    Claude.

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  8. CHRISTINA BIANCA TRONCIA 12 janvier 2011 à 10 h 53 min

    Je réponds à Claude ci-dessus, tout d’abord : Effectivement, Claude, j’ai ressenti la même chose que vous quand à toutes ces nouvelles d’emprunt avec…j’en conviens…preuves irréfutables ! Je pense que Bernard s’expliquera un jour ou l’autre sur le sujet et que, comme nous l’aimons, nous comprendrons et lui pardonnerons ! L’essentiel n’est-il pas qu’il ait conservé cette simplicité, ce caractère, cet engagement de demeurer le chanteur, celui qui s’exprime au nom et pour les gens de revenus modestes (ouvriers, artistes, ect.) ! Il est vrai que ma déception a été parce que, moi-même, petite scribaillonne, écrivant des poésies et textes à chansons, basés sur du dur vécu, rame un peu dans ce domaine mais…je pense que quelquepart, il a été choisi par son public et que, s’il est encore accueilli ainsi, c’est que quelquepart, sa sincérité et son talent transpercent !

    NB : Le reste de ce commentaire m’est adressé et relève en partie de l’insulte. Il n’est pas de la nature de ce blog de valider de tels propos. MK

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  9. Philippe 12 janvier 2011 à 12 h 54 min

    Après 2 mois de parution, ou en êtes-vous en termes de ventes ?
    Avez-vous atteint vos objectifs ?
    Mr Oulion a-t-il essayé de vous attaquer en justice ?

    Réponse : Je ne sais toujours rien en terme de vente (ça m’énerve !). Aux retours de lecteurs que j’ai (des retours assez enthousiasmants d’ailleurs), tous les jours, je m’imagine que ce livre se vend. Mais je ne sais rien de plus (et c’est rageant !).
    Je n’avais pas vraiment d’objectif(s), si ce n’est à me prouver des choses et à vendre des millions d’exemplaires. Ça m’a prouvé des choses, oui. Le reste… ?
    Pas de nouvelle(s) de Bernard Lavilliers, aucune. Silence total ! Silence que je respecte. Il me semble que c’est quand même plus facile d’écrire un tel livre (même si ça prend du temps) que de se le prendre en pleine face, de se voir tendre un tel miroir. De ce côté-là, Philippe, je comprends l’absence de réaction médiatique de Lavilliers et la volonté qu’on ne parle pas de ce livre. Ça n’excuse en rien par contre l’attitude des médias.
    Dès qu’il y a des chiffres, je vous les communique. Merci. MK

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  10. joan 12 janvier 2011 à 21 h 09 min

    Ah on voit avec ces réactions que Kemper à mis le doigt là où ça fait mal!
    Son livre est d’une salubrité certaine mais fait aussi mal, comme certains potions amères, en ce qu’il déboulonne une statue du show-biz ( sans acrimonie ni sadisme, ai-je trouvé)et nous renvoie à nos propres manques.Car là réside la plaie: dans cette brusque révélation de notre besoin à vivre par procuration via une idole. Est-ce cela que Nanard souhaitait ? Au début, comme des centaines de chanteurs en herbe, il voulait sûrement simplement chanter ces chansons, et puis le succès tardant il a commencé à bâtir sa légende, histoire de stimuler le processus, de forcer le destin, puis ce succès enfin venu, il l’a nourrie de plus belle, nourrissant en même temps le vide de nos mornes existences-ce que Kemper a bien vu.
    Ce qui frappe également, c’est que Nanard n’est pas dupe de ses…duperies, qu’il appelle sa « folie »: en effet les allusions à la folie son nombreuses dans ses textes. Mais beaucoup on été fous avec lui, et là, eh bien, voilà venu le temps pour tous d’aller faire un tour chez le psy !
    Ne dramatisons pas: tous les artistes, surtout dans le Chobiz, vendent du rêve, propose une image/miroir,en bons héritiers des bateleurs de jadis.
    Pour les textes, je maintiens ce que j’ai dit: c’est secondaire. Si on prend les morceaux de Dylan par exemple, un tas de mélodies eu de textes sont piqués dans le folklore Anglo-Américain.
    Et dans la littérature, les parallèles prestigieux abondent; Stendhal par exemple ou Dumas.
    Finalement, Lavilliers, l’Alexandre Dumas de la chanson, ce serait assez vrai non ? Sauf qu’avec lui le « Comte de MonteCristo » se passe au Brésil, et les « Trois moustiquaires » dans quelque jungle à paludisme du Matto Grosso.
    Cette page s’appelle « Les enchanteurs », et donc tout est dit.
    Kemper nous fait voir l’homme Nanard tel qu’il fut, et encore je crois qu’il a été assez modéré, car j’ai entendu des anecdotes sur Lavilliers qui, si elles sont vraies, jetteraient une lueur bien plus problématique sur le personnage…
    Bref, c’est un roman bien plus intéressant que la légende élaborée pro domo de l’ »Indiana Jones »de la chanson.Et ça n’empêche pas d’apprécier l’auteur/interprète, au contraire…
    Tout cela ne pourra que faire du bien à son public qui se bonifiera à la mesure de son déniaisement, et à Nanard lui-même qui du reste se bonnifie avec l’âge en proportion inverse de sa propention passée à nous gonfler avec ses séances de gonflette…

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  11. Frédéric CORVEST 12 janvier 2011 à 21 h 45 min

    Beaucoup de réactions intéressantes. Oui les propos insultants doivent être bannis. Nous sommes censés être ici pour discuter, dialoguer entre personnes intelligentes. Ce livre de Michel Kemper, très bien écrit et je salue son long travail de plusieurs années d’investigations de journaliste.
    Je me suis aperçu en 1994, lors de la sortie du fameux tube avec Jimmy Cliff, que Lavilliers avait pris la grosse tête, très imbu de sa personne. À trop vouloir rouler des mécaniques, on se brûle les ailes.
    Ce livre de Michel n’enlèvera en rien l’admiration que j’ai pour cet artiste mais il a enfin apporté une réponse aux nombreuses questions que je me posais.
    Et sachez que Lavilliers ne fera plus jamais aucun « standard » en l’absence de Pascal Arroyo. Je tiens rendre hommage à celui qui a accompagné, coaché, dirigé, composé bien grand nombre des grands succès de Lavilliers et soigneusement mis à l’écart après la sortie et du succés de Carnets de bord. Lavilliers ne serait rien aujourd’hui sans Pascal Arroyo, je tenais juste à apporter cette, ma, précision.

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  12. Claude vlerick 13 janvier 2011 à 9 h 23 min

    Il me semble que le débat est enfin sur ses rails.
    Et que Joan – que je ne connais pas mais que je salue – nous a fait bien progresser…
    Je voudrais reprendre les 2 thèmes essentiels qu’il a mis en lumière et que j’ai éclairé moi-même (sur mon site)…

    Le premier – ce que j’appelle la fabrication de la légende – je l’interpréterais de manière plus sociologique.
    Le second – le problème de l’emprunt de textes matrices – je l’analyserais – au contraire – de manière plus intime.

    1) Chacun sait – du moins ici – que l’oeuvre de Léo a été portée par 68. Que c’est l’air du temps qui a décuplé sa signification… C’est l’histoire, l’ère (et non l’air) qui l’a hissé sur le socle de sa statue ou, pour parler autrement, qui lui a permis d’exister – vraiment à son niveau – médiatiquement…
    Mais il est le premier à dire que « Les idoles n’existent pas… » et, que les statues, il faut les briser pour tenter de vivre. Et, d’une certaine manière, c’est l’essentiel de son message de poète libertaire… Exigeant de nous bien plus que d’écouter.

    Lavilliers est arrivé tout de suite après, mais déjà dans la queue de la comète, avec tout à faire, à construire.
    Il fallait déjà s’imposer autrement.
    La preuve, c’est ce dont je parle ailleurs, cette masse de talents qui étaient apparus et qui ont disparu ou vivotent dans le reflux…
    Et dont Chorus et le site actuel de Kemper (je ne crois pas que Michel me contradira) sont ce qui reste de cette empreinte d’un moment de l’histoire…

    Je veux en arriver péniblement à suggérer l’idée que certains artistes sont portés par le mouvement du peuple (au sens noble) et que si ce mouvement s’atténue, l’expression de certains s’éteint aussi. On se replie sur soi et au lieu de « participer au présent » (clin d’oeil), on se remet, comme dit bien Joan, à vivre par procuration via une idole.
    Il pose la bonne question : « Est-ce cela que Lavilliers souhaitait ? »

    J’essaye d’expliquer, par ce qui précède, qu’il me paraît un peu court de réduire le cas Lavilliers à ses particularités psychologiques… et qu’il y a moyen d’aller plus loin… Nous pourrions le faire ensemble…

    2) Tu te réveilles la nuit… Tournent dans ta tête quelques mots qui s’agencent de manière étrange. Il faut te lever et noter l’amorce du poème, ce que j’appelle l’énergie.
    Lève-toi sinon c’est perdu. Demain tout aura disparu. Tu pourras partir de cette énergie et faire du remplissage. Parce que ce sont vraiment les mots qui t’ont réveillé qui ont de l’importance…
    De pénétrer en toi par la porte de secours.
    Et c’est bien plus intéressant que d’écouter… Même du Lavilliers.
    Quand tu ramasses un sale truc sur la gueule – événement qui met en danger ton existence – tu te raccroches à des bouées pour ne pas couler.
    Tu te lies à un texte, à une chanson… « Attention fragile ! » C’est « comme à la radio » (clin d’oeil). Qui participent à l’osmose dans ton métabolisme. Je veux dire, qu’au delà de la SACEM et d’Hadopi, il y a des choses qu’on s’approprie, qui sont dans le domaine public (mais alors vraiment) et peu importent les droits d’auteur…
    Pas de raison de ne pas s’approprier ce matériau, comme énergie, pour aller plus loin…
    Toi, dans ton quotidien. Et Lavilliers, peut-être, dans les medias…
    C’est clair que tout cela devrait se passer au même niveau d’importance…
    Mais t’imagines le boulot ? ON peut commencer tout de suite.

    Claude.

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  13. joan 14 janvier 2011 à 19 h 45 min

    Je saisis au bond la balle lancée par Claude… effectivement, il a bien saisi le processus créatif, fruit d’un hasard miraculeux (Leonard Cohen raconte qu’avant de faire une chanson, il y a juste entre les mains de l’artiste un misérable tas de « Shabby little things » (« de petites choses minables ». Mais la cuisine créatrice se nourrit aussi parfois (à l’inverse de Chronos qui bouffa ses enfants) avec la chair de ses ancêtres !
    Ainsi Nanard, hormis ses emprunts à d’autres auteurs, a (comme le dit Claude) été en quelque sorte l’héritier de Ferré…!, le « fauve d’Amazone » succédant au vieux lion. Il est intéressant de se demander qui est le plus sincère et le moins cabotin des deux, d’ailleurs ! Moins génial poétiquement que Ferré (incomparablement moins), Nanard le surpasse musicalement, à mon avis : Lavilliers est une excellent mélodiste, et je pense que Ferré s’est lui égaré dans le pompeux mélodique, sauf à ses débuts quand il pondait des standards à tire-larigot.

    Merci aussi à Frédéric d’avoir rappelé le rôle D’Arroyo. Bréant aussi a été capital. Ces deux musiciens ont joués un grand rôle dans la phase « expérimentale » de Nanar dans des albums comme « Nuit d’amour » ou « Etat d’urgence », à mon humble avis deux sommets maladifs et complexes sans équivalents dans la variétoche française sauf peut-être chez Bashung, et encore, Bashung a souvent eu des paroliers aberrants.
    La phase précédente, avec sa trilogie « ouvrière » (« Les barbares », « Pouvoirs » et « 15ème round ») était servie par des musiciens et co-compositeurs inventifs… Une fois ceux-là partis, Nanard à + ou – sombré dans le « mainstream » avec par exemple l’horrible « Champs du possible ». Et depuis il s’est repris en pratiquant une sorte de folk world music de qualité. Mais comme dit Frédéric, on n’a peu de chance de le voir sortir un album équivalent à ceux des années 70 et 80.
    Mais bon on s’éloigne du sujet…Tiens ! Un autre emprunt du Nanard dans son morceau « Seigneur de Guerre » : « Chaud comme le Diable, noir comme l’enfer »… eh ben, c’est une citation de… Talleyrand, qui l’appliquait pour définir le… café !
    Nanard, un lettré…;-)

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  14. claude vlerick 2 juin 2011 à 14 h 59 min

    Je cite Michel Onfray :

    « Citer, c’est reprendre à son compte une idée déjà émise par un tiers dans sa formulation même : autant dire se coucher dans son lit, s’habiller de ses vêtements, manger dans son assiette, parasiter son écriture et prélever en fonction de ses besoins les mots agencés par lui en d’autres circonstances. Je cite, donc je ne pense pas, un autre s’en charge à ma place. »
    La lueur des orages désirés. p.115.

    Bon après-midi à tous.
    Claude.

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  15. Marc 13 juin 2015 à 19 h 44 min

    Si le sens diffère, ce n’est pas du plagiat, ou je me trompe? De toutes façons, je pense que le plagiat est un frein à la créativité des hommes. Personnellement, quand j’étais à l’université, j’avais toujours peur d’être accusé de plagiat dans mes devoirs, alors même qu’il n’y avait aucun document autorisé. Il se peut que des passages de livres me reviennent sous forme de pensée, que je croyais miennes.

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  16. Berno 23 juillet 2015 à 18 h 24 min

    Si je peux donner mon humble avis beaucoup de chanteurs ont emprunté. Rappelez-vous du grand Lennon qui se moquait de George Harrison par ce qu’il n’avait pas assez maquillé son my sweet lord . Ce qui est gênant avec lavilliers c’est sa mythomanie. Aujourd’hui qu’est ce que ça lui coûte de dire qu’il a menti et un peu « exagéré  » ? Il ne mettrait pas sa carrière en péril et on le comprendrai et même cela ajouterai à sa légende . Mais bon il s’y refuse et s’accroche à ses mensonges . Il n’empêche qu’il reste l’un des plus grands chanteurs français , très sous estimé . Le Stéphanois ,les Barbares , 15 eme round , Pouvoirs et o Gringo sont des chefs d’œuvre. Après j’ai plus trop suivi Nuit d’Amour était trop nul et il a fait barrage au reste . Quand à ses tubes ça m’a l’air assez merdiques ( Pigalle la blanche, mélodie tempo harmonie ,noir et blanc ,etc…)

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  17. Docalbe 25 février 2023 à 18 h 37 min

    Même chose pour la mélodie de « les Mains d’or » (« travailler encore… »), reprise des « Yeux noirs » (Dark Eyes) du compositeur russe-allemend Florian Hermann!!

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  18. Estivela 29 octobre 2023 à 17 h 20 min

    Bonjour! Je reviens sur d’autres emprunts littéraires de Bernard Lavilliers retrouvés dans la chanson  »les tricheurs ». Album Arrêt sur image- Ils viennent de Christian Bobin  »Celui qui ne dort jamais », dans le recueil – La part manquante- publié en 1989 Ils sont cités dans l’ordre du texte de Bobin, pas dans celui d’apparition dans la chanson.
    CB: L’éclat de l’argent égalise leurs traits
    BL: Le reflet de l’argent égalise leurs traits

    CB: On les trouve par milliers dans les bureaux, les aéroports et les restaurants chics
    BL: Ils sont là des milliers dans les aéroports, ils sont dans les bureaux, dans les restaurants chics

    CB: Les mauvais soirs il raisonne, il cède à la fatigue, au cynisme. C’est sa part de bêtise. Elle est sans doute inévitable
    BL: Certains soirs il raisonne, il cède à la fatigue, à l’auto-dérision au cynisme à l’ennui. C’est sa part de bêtise, elle est inévitable

    CB : Il fait de sa vie une œuvre éphémère, sans archives et sans restes
    BL : C’est des mecs éphémères, sans archives et sans restes.

    Cette source d’inspiration me semble assez stupéfiante compte tenu de l’écrivain qu’a été C. Bobin. Quel éclectisme dans les choix de Bernard Lavilliers!

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    • Michel Kemper 29 octobre 2023 à 20 h 52 min

      Lavilliers a bon goût, on le sait. De plus, il lit énormément et est, semble-t-il, d’une mémoire phénoménale, retenant tout ou presque de ce qu’il lit. C’est effectivement une nouvelle « ressemblance caractérisée », un plagiat. Merci pour ce « signalement ».

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  19. "Momo" 1 janvier 2024 à 10 h 50 min

    Bonjour à toutes et à tous,

    Je n’ai pas encore lu ce livre mais envisage de le faire car toute mise en lumière d’un personnage (public) me semble des plus intéressantes en terme de culture générale – je parle de connaître l’être humain, derrière la « vedette » (précisément parce que ce qu’on ignore est ce qu’il y a de plus stimulant, bien plus que le statut de « star » des intéressé(e)s, personnages fabriqués et entretenus par les oeuvres dont ils s’habillent et qui les modèlent, et qui leur confère un alter-ego à la façon de Jekyll & Hyde). Inconsciemment, mieux connaître les personnalités médiatiques nous permet de nous apercevoir que ces gens-là sont comme nous. Ca nous rassure…
    En outre, je m’efforce toujours de rester objectif dans mon analyse, sans prendre partie. Et ainsi comprendre le point de vue de chacun, ce qui l’amène à raisonner ainsi. En somme, je me positionne en spectateur et non en acteur.

    Quand ils sont mineurs, les emprunts à d’autres auteurs ou compositeurs ne me semblent pas être ce qu’il y a de plus dérangeant ; tous ont dû le faire à un moment ou à un autre (Gainsbourg, pour ne citer que lui, s’étant largement servi de la musique classique). Cela me paraît même normal – presque réflexe – quand on admire un créatif ou qu’on aime un texte, un style musical. C’est une forme d’hommage, ça fait partie du terreau qui a construit notre « boîte à outil » intellectuelle. Il suffirait juste d’annoncer tout emprunt pour éteindre les polémiques.
    D’ailleurs, beaucoup de créations anciennes font aujourd’hui l’objet de reprises et autres remakes – ce qui ne fait pas briller leurs
    nouveaux interprètes car ils véhiculent alors une image d’incapacité à créer eux-mêmes. Pourtant, le public les suit. (Certes, cela est un autre sujet…)

    Quant à la légende que certain(e)s s’inventent pour percer en se créant un personnage attractif, ça peut se comprendre ; Lavilliers aurait-il été aussi intéressant s’il s’était cantonné à parler des laminoirs de St Etienne ? Pas sûr… Car ce qu’on aime aujourd’hui, c’est en fait cet univers tout entier qu’il s’est construit – bien plus que ses chansons, finalement pas si extraordinaires que ça pour la plupart. Le public a besoin de rêver, et en individu visiblement intelligent, Lavilliers l’a compris (utilisant pour ce faire sa culture littéraire et musicale, ainsi que sa bonne mémoire. Son succès est donc le fruit d’une combinaison gagnante que tout le monde n’a pas, mais qui indique que beaucoup de personnes pourrait « réussir » en ayant un peu de culot). Je pense qu’il a simplement été maladroit, et rapidement dépassé par des mensonges dans lesquels il s’est englué – ne pouvant plus faire marche arrière.
    Johnny Hallyday a lui aussi menti à ses débuts, en affirmant que son nom lui venait de son père qui était américain. Et que ce soit lui ou Gainsbourg, qui leur en veut ? Il n’en restent pas moins de bons créatifs, de bons interprètes…
    Et puis sincèrement, quel artiste est honnête à 100 % ? Aucun sans doute : tout le monde utilise une minuscule parcelle de vérité (l’étincelle de départ) autour de laquelle est tissée ensuite une majorité d’éléments imaginaires pour rendre les choses plus belles. C’est ça la magie de la création ! Car sans ces paillettes, les choses telles qu’elles sont seraient bien fades et bien tristes !
    On a donc le choix entre fustiger la démarche ou la saluer. Car inventer, c’est déjà de la créativité !

    Tout ça n’est donc pas si grave. C’est plus amusant qu’autre chose… Pathétique, à la limite. Mais pas plus.

    En tout cas, merci et bravo à Michel Kemper pour cet énorme travail d’investigation !

    Bonne année à chacun(e) de vous.

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  20. "Momo" 1 janvier 2024 à 11 h 37 min

    PS –
    J’ajouterai quelques réflexions qui pourront peut-être aiguiller chacun de nous au quotidien (car les « faussaires » sont partout) :

    - Un bel emballage est nécessaire pour vendre un mauvais produit. A défaut de « faire mouche » avec chacun de ses titres (bien que certains sont puissants et très sympas), Lavilliers – qui me semble avoir une très bonne analyse et réflexion sur tout ce qui l’entoure – a le mérite de savoir trouver des titres accrocheurs / évocateurs, qui donnent envie. Ainsi, comme chaque pierre d’un mur, ceux-ci construisent l’ensemble de son oeuvre – qu’il a voulue avec des parfums d’aventure et d’exotisme. C’est sa marque de fabrique.

    - La plupart des personnes ayant vraiment vécu des choses fortes et hors des sentiers battus n’ont rien à prouver et l’étalent donc rarement. Le faire est même un indice de mensonge possible. Car en varité, tout le monde enjolive – par carence affective : pour qu’on nous écoute, pour qu’on nous admire…

    - Concernant les « emprunts », je vais moi-même emprunter à un célèbre auteur français : « PEU IMPORTE QUE CES VERS SOIENT OU NON DE MOI ; LEUR VERITABLE MERITE EST D’ETRE BIEN PLACES DANS LA CONVERSATION ». Chacun appréciera selon son point de vue (les revenus subséquent mis à part, évidemment).

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