CMS

Cet Eurovision qui assassine les cultures…

Quand il me faut présenter cette « Autre chanson » que je défends autant par passion que par soucis d’équité, j’ai souvent devant moi une grande incompréhension, sauf si mon interlocuteur est lecteur aussi assidu de NosEnchanteurs qu’il le fut de Chorus. Comment expliquer que la chanson est bien plus vaste que celle qu’on entend, au supermarket comme en radios et télés, que celle dont la presse écrite se gausse à longueur de colonnes et de unes racoleuses ? Comment leur dire que cette chanson qu’ils connaissent n’est que la partie immergée de l’iceberg, qu’elle ne représente sans doute que 5% de la chanson, guère plus ? Et que tout reste à découvrir. Là, pas de possibilité de m’appuyer sur des statistiques : la chanson est tellement (dé)considérée en France que l’état n’a jamais commandé la moindre étude à ce sujet. J’y vais donc à l’intuitif, au pif, au vu de ce que je reçois chaque jour dans ma boîte aux lettres.

C’est dire si j’aime l’Eurovision de la chanson. Ce concours est une telle caricature, un tel zéro pointé, que c’est facile, après ça, de dire ce qu’est la vraie chanson par rapport au pur bizness, de séparer le bon grain de l’ivraie (malicieux, Leprest aurait dit « le bon grain de l’ivresse » pour mieux torpiller mon propos). L’Eurovision est tellement nul que c’en est drôle. Et pitoyable à la fois. C’est pourtant ça qui est censé nous représenter, une soirée par an, à l’exportation. On y est prêt à chanter le pire, à conchier toute beauté, à abdiquer sa langue même, à la nier, pour chanter dans la cour « des grands » (1), pour séduire un jury dans la langue du bizness : ce n’est plus du papier musique, c’est du papier monnaie ! De la chanson de tête de gondole qui ne sait rien de l’émotion, ni de l’artisanat des mots et des notes. Mis à part quelques concurrents égarés (jadis Dan Ar Bras, Nicole Rieu, les Fatals Picards…), l’Eurovision n’est qu’une immense bouse, nauséabonde comme il se doit. Dire que certains espèrent une victoire française qui réparerait plus de trois décennies d’oublis. Y’a des concours qu’on est fiers de perdre !

C’est Anggun et sa chanson « Echo (You and I) » qui représente l’Hexagone (2) cette année : « C’est un titre up-tempo et fédérateur, au gimmick imparable, qui accroche l’oreille dès la première écoute et qui saura sans nul doute séduire le public européen » lit-on sur le site de France3, partenaire de l’opération. Le 57e prix Eurovision de la chanson se déroule ce soir à Bakou (à bas coup, en locauste même tant ce prix est très bas de gamme) en Azerbaïdjan, dans le Caucase. On peut ne pas s’en soucier. Bizarrement, le site « Qui chante ce soir ? » n’en fait pas mention.

(1) Sur les 26 pays finalistes en compétition, 16 chanteront en anglais : Moldavie, Ukraine, Malte, Allemagne, Turquie, Chypre, Islande, Lituanie, Hongrie, Suède, Grèce, Danemark, Azerbaïdjan, Norvège et… Irlande et Royaume-Uni. La Roumanie chantera en espagnol et anglais, l’Italie en italien et anglais, la France en français et anglais et la Russie en oudmourte et anglais. Quand on vous dit que le chaud bizness est sans morale, qui tue sans scrupule les cultures, qui nivelle les peuples ! Et que les pays capitulent piteusement… (2) Suisse et Belgique (elles aussi représentées par des titres en anglais) ont été éliminées en demi-finale.

La première vidéo est convenue : c’est celle de la représentante de la France, avec un titre bien français comme il se doit. La suivante est nettement plus surprenante et ne pose pas moins de questions : c’est celle de la Russie, « Бурановские Бабушки feat . Sappy Let It Be », en anglais et en oudmourte !

Image de prévisualisation YouTube 

Image de prévisualisation YouTube

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

4 Réponses à Cet Eurovision qui assassine les cultures…

  1. danièle 26 mai 2012 à 10 h 17 min

    Oui …Pas la peine d’en rajouter . C’est navrant .

    Répondre
  2. Norbert Gabriel 26 mai 2012 à 10 h 22 min

    «  »Suisse et Belgique (elles aussi représentées par des titres en anglais) ont été éliminées en demi-finale. »

    Bien fait pour eux ! ou alors ils l’ont fait exprès ?? une bouse nauséabonde ? ça se discute, une bouse, oui, mais vu le formatage bien aseptisé, ça sent pas grand chose finalement, c’est plus de la chanson passée à l’eau de javel que du charnu et épicé, c’est la chanson macdo, du mou et du tiède, et avec du ketchup sucré par dessus… et si on termine avec une couche de chamallow, on a la totale pour un petit haut le coeur d’écoeurement… Il y a des situations où la défaite est préférable, Anggun est une jolie personne, donc regardez les images si vous n’avez rien de mieux à faire mais coupez le son …

    Répondre
  3. Rencontre Chanson Francophone 28 mai 2012 à 21 h 07 min

    Il y a dans vos commentaires 400% de vérité. J’ai été proche d’une personne qui travaillait pour la France sur le grand prix de l’Eurovision. Il me disait souvent « Il ne faut pas que l’on gagne, le budget demandé est supérieur au budget du Ministère. » Et puis il n’y a plus besoin de recherche, d’émotion : tout est dans la démesure, les flonflons. Je n’ai pas regardé entièrement l’émission puisque je ne supporte pas les commentaires où on ne respecte rien, en plus c’est conneries sur conneries. Mais ou trouve t’on des animateurs aussi nuls ? Je comprends mieux certains votes politiques… Mais revenons sur le sujet : à quoi sert cette scène gigantesque pour six personnes maximum, pas d’orchestres, uniquement le représentant du pays, aucune originalité dans la mise en scène, à part le bateau turc ? Une française de belle plastique à moitié à poil avec des minets gonflés aux hormones. Mais ce n’est pas ça la chanson, ce n’est pas ça la création, mais ça, ça nous pompe nos budgets et, pour cette création, combien d’artistes vont gratter toute l’année pour survivre à leur statut. L’eurovision a perdu son côté ludique, je me rappelle de mon époque, ABBA, Brother of man, Séverine, Papa Pingouin, Frida Boccara, Marie Myriam, etc. Il y avait une présentation du pays, c’était ludique, là que dalle, pas de présentateur sauf si les nôtres les ont boycottés avec des clips vidéos et leurs âneries. Il y avait du spectacle avec les musiciens, les artistes avait des envies de créer, de montrer, de se promouvoir. Maintenant c’est du formaté, géré par les maisons de disques, il n’y a plus rien, plus d’âme. Adieu L’Eurovision ! Je pense que je vais avoir une belle collection de 45 T et de partitions Eurovision à vendre d’ici quelques temps.
    Jean-Michel Tomé

    Répondre
  4. Delorme 30 mai 2012 à 11 h 12 min

    Avec le concours de l’Eurovision, l’amateur de chanson de qualité trouve une occasion salutaire de se défouler, cet affligeant concours sert au moins à ça.
    Ce qui m’intrigue le plus c’est l’obstination masochiste que ces amateurs de belles chansons mettent à quand même regarder leur télévision ce jour-là ? Bien sûr ils s’en défendent…Mais c’est peut-être comme les films pornos, tout le monde en a vu mais personne ne les regarde jamais. Chacun a sa part d’ombre, même l’amateur de chanson de qualité : c’est le concours de l’Eurovision.

    Répondre

Répondre à Norbert Gabriel Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

code

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>

Archives