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La Nonne de Mende en Mariage ou le martyre de Brassens

brassens christopheBien sûr je connais des esprits chagrins qui vont me dire que tout cela n’est que chanson et que les gardiens du temple de Brassens sont toujours prêts à monter au créneau pour défendre le moindre poil de sa moustache. Certes, je leur accorde toute la relativité qu’ils demandent, parce que je sais que des gosses meurent de faim dans le monde et que des innocents sont massacrés ici et là.

Maintenant que j’ai posé ma relativité sur la table, permettez-moi de me soulager parmi vous et de vomir l’indigeste, non pour vous incommoder, mais pour sentir un peu de compassion afin d’éviter de sombrer dans l’alcool, dans la dépression ou pire encore, dans l’indifférence.

Mon attention fut attirée ce matin, sur une page de réseau internet que je fréquente, par l’interprétation de La Non Demande en Mariage de Brassens commise par Daniel Bevilacqua. Mes oreilles consternées, dressées par l’incrédulité ont entendu ceci que je vous livre avec le mode d’emploi :

- MAMAN de grâce ne mettons / Pas sous la gorge DE Cupidon…

Deux verres (pardon), deux vers et déjà deux fautes. C’est une des plus belles chansons d’amour de Brassens, qu’il n’adresse évidemment pas à sa mère, mais à sa compagne (Ma mie). Il faut sans doute n’avoir rien compris au sens de la chanson pour commettre un tel impair. La gorge « à » Cupidon (à entre deux noms) serait en soi une faute de syntaxe que Brassens aurait évitée si tel avait été le cas, mais l’expression est de mettre à Cupidon (à entre verbe et nom), sous sa gorge, sa propre flèche, même si la construction poétique est plus élégante. Il n’y a donc pas lieu de corriger Brassens avec un « de » qui, de plus, sonne très mal.

- QUE leur bonheur ont payé (au lieu de « Qui de leur bonheur ont payé »).

On comprend alors qu’il ne s’agit pas d’un puriste qui tente de corriger Brassens, mais d’un personnage ayant des difficultés avec la langue française.

- Laissons le champ libre AUX OISEAUX

149_001Brassens laisse le « champ libre à l’oiseau » supposé être en cage. Le pluriel ne vaut rien de plus ici, à moins d’avoir compris le « chant libre » ce qui constitue un écart assez audacieux dans le contexte. Mais l’écart est un mot faible, voyons plutôt la suite :

- Nous serons TOUSSSSS les deux priso… (on hallucine !)

- Qui attachent les CULS aux queues des casseroles (on voit où se situent le cœur de l’interprète !)

- Vénus SE VIEILLE souvent (le verbe vieiller, peut-être ? Sans doute un néologisme !)
- Vit entre les FEUILLES des li-vres de cuisine (si ses livres perdent leurs feuilles, Daniel Bevilacqua a en effet quelques excuses.)

- Il FAUT sembler de tout repos (semblons donc tous ensemble !)

- Ne gravons pas nos noms au BORD d’un parchemin (le bord des parchemins est un lieu fort dangereux près duquel il ne faut pas se pencher !)

Trêve de persiflage, il serait déjà fort inconvenant de massacrer le texte d’une chanson, fût-il même de Barbelivien, mais quand on sait avec quelle minutie Brassens choisissait ses mots, afin que leur sens et leur son s’accordent parfaitement, sans crier au sacrilège pour celui qui n’avait ni dieu ni maître, il nous paraît inacceptable qu’un tel tissus d’inepties soit chanté au nom de Brassens.

Mais qui est Daniel Bevilacqua ? Un jeune chanteur de banlieue d’origine étrangère ? Un analphabète en tentative d’apprentissage ? Un malade malentendant ou malcomprenant ? Nenni ! C’est une star adulée du show-business. Qui d’autre en effet pourrait se permettre de faire enregistrer une telle monstruosité ? Il faut une certaine notoriété pour pousser les limites de l’indigence jusqu’à la gravure sur CD. Puisqu’en effet, cet avatar de la médiocrité est gravé sur le dernier CD de Christophe (de son vrai nom Daniel Bevilacqua).

[Merci à Jean-Marc Dermesropian d’avoir décrypté cette infamie et de m’en avoir fait partager la saine indignation.]

 

Afin d’apporter des preuves : Image de prévisualisation YouTube

21 Réponses à La Nonne de Mende en Mariage ou le martyre de Brassens

  1. Danièle Sala 20 mai 2014 à 8 h 13 min

    Aïe ! en effet ! on a pas le droit de massacrer Brassens de la sorte ! et ça me chagrine d’autant plus que j’aime bien Christophe par ailleurs .

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  2. Norbert Gabriel 20 mai 2014 à 8 h 29 min

    Encore un hommage-dommage qui cherche à entrer au top du palmarès des attentats de bonne volonté. On notera au passage, qu’entre le moment où l’idée nait de faire ce choix de chanson, et le moment où l’enregistrement est terminé, dans toute la chaïne des directeurs, techniciens, conseillers… personne ne s’est avisé des incohérences textuelles, mais au cas où, aurait-on eu l’outrecuidance de le faire remarquer à l’idole ? Qui est un récidiviste, dans une émission Sous les étoiles, Christophe a fait un « hommage » à Leprest, et il y eût le même genre d’erreur-contresens dans le texte.. C’était bien sûr un hommage à l’auteur Leprest, et ça pose quand même quelques questions sur la faculté de compréhension de ce qu’on chante… Comme souvent, nous avons à faire à des gens qui mettent des mots sur de la musique, comme des accessoires un peu superflus, voire secondaires, ou alors, quand Christophe s’adresse à sa maman pour une non-demande en mariage, faut-il y voir une explication psychanalytique ?

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  3. Odile 20 mai 2014 à 9 h 05 min

    Oui moi aussi je suis choquée, par cette interprétation.
    Mais pourquoi déformer le texte que Brassens a écrit avec toute l’exigence et l’intelligence qu’on lui connait?
    Je n’ai pu écouter la preuve de cette ignominie jusqu’au bout!
    Merci à Michel pour cette saine humeur!
    Même si elle me met de mauvaise humeur!

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  4. Odile 20 mai 2014 à 9 h 10 min

    Et dire qu’il a aussi osé faire ça avec LEPREST !

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    • Norbert Gabriel 20 mai 2014 à 9 h 41 min

      Il me semble que ce ne n’est pas de la « réécriture » mais simplement un mec qui ne pense pas à ce qu’il chante, c’est pas possible autrement, il n’est pas « dans » la chanson, mais dans SA musique, donc on trouve « maman » au lieu de « ma mie » ou bien « Où vont les chevaux quand ils meurent.. » au lieu de « Où vont les chevaux quand ils dorment.. » c’était dans l’émission du 25 novembre 2011.. quand il parle de la chanson, pas quand il la chante, c’est un détail, mais quand même… Où vont les chevaux quand ils meurent, c’est à l’abattoir … à la rigueur, « Où vont les chevaux quand ils rêvent… », ça aurait pu passer..
      (Dans le « Leprest Symphonique », Didier Pascalis n’aurait pas laissé passer une telle erreur dans le texte, Christophe ou pas…)

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  5. Michel Kemper 20 mai 2014 à 9 h 46 min

    Je suis confus. J’ai chroniqué ce disque, « Intime », enregistré en public, pour un autre support que NosEnchanteurs en en disant le plus grand bien et je crois qu’il le mérite, au moins en ce qui concerne les titres de Christophe lui-même. J’ai travaillé sur ce disque avec non le disque en vrai mais des fichiers et ce n’est pas mon habitude, loin s’en faut, ça a dû me contrarier… Le connaissant par coeur, je me suis dispensé de bien écouter ce titre-là, au contraire des autres. J’ai vaguement entendu une guitare qui me semblait laborieuse et me suis dit que Christophe était un piètre guitariste qui ne servait pas Brassens dans cette caricature qui donne de l’eau au moulin de ceux qui pensent que la musique de Brassens est peu élaborée et répétitive. Mais je n’ai pas vraiment écouté cette interprétation-là, lui préférant immédiatement des tas d’autres reprises d’autres artistes.
    Là, éveillé par la sainte colère de mon ami Michel, je l’ai écouté. Et c’est effectivement une catastrophe, la plus mauvaise restitution de Brassens qu’il m’ait été donné d’entendre. Qui plus est une piteuse trahison. La prochaine fois, avant d’écrire, j’écouterai attentivement tous les titres du disque, même ceux que je crois connaître et dont je n’attends nulle surprise…

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  6. Norbert Gabriel 20 mai 2014 à 10 h 28 min

    Ce qui est assez étonnant, c’est qu’en se « concentrant » sur le texte, il oublie la musique, d’habitude, c’est le contraire, il est bon en musique quand il fait des reprises… Il aurait dû mieux écouter les guitares de Victor Appicella,(ou Apicella?) de Barthélémy Rosso, de Jean Bonal, et de Favreau, ça lui aurait appris la musicalité de l’instrument..

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  7. Jean-Marc Dermesropian 20 mai 2014 à 13 h 33 min

    Cher Michel, te rends-tu compte que tu te permets de remettre en cause la plume légère de Valérie Lehoux, pigiste chez Télérama, probablement doctoresse ès chansons, qui a écrit : Même lorsqu’il s’attaque à un standard de Brassens (La Non-Demande en mariage), il semble tout autant à sa place que dans son propre répertoire.
    http://www.telerama.fr/musiques/intime,111638.php

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  8. Patrick Engel 20 mai 2014 à 13 h 35 min

    « Je lui dirais les mots boeufs, les mots qu’on dit avec des vieux… »

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  9. Michel Trihoreau 20 mai 2014 à 13 h 35 min

    Valérie travaille trop, elle n’a plus vraiment le temps de faire attention aux paroles des chansons, il faut lui pardonner ! Mais elle doit être aveuglée par son admiration pour affirmer qu’ »il peut tout se permettre » !

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    • Norbert Gabriel 20 mai 2014 à 18 h 51 min

      Peut-être faut-il évoquer en filigrane une phrase d’Audiard sur ceux qui osent tout se permettre?

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  10. Bernard Joyet 20 mai 2014 à 13 h 37 min

    Ah Télérama… comme dirait Jean-Marc… l’anecdote du jour… Il y quelques années mon spectacle était élu par le journal « coup de cœur Télérama » et devait donc être annoncé d’une façon un peu visible pour nous aider à remplir… deux semaines dans un beau théâtre parisien… c’était important… Première semaine, rien dans le journal… un oubli malheureux… le spectacle « coup de cœur » est donc annoncé le dernier mercredi alors qu’on terminait le samedi… Ces spectacle coup de cœur Télérama est enregistré, c’est mon deuxième album « Au temps pour moi »… le bien nommé… dans Télérama… Pas une ligne…

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  11. Corinne Cabrillon 20 mai 2014 à 14 h 24 min

    Tout juste bon pour la chanson « on » de Philippe Meyer dans son émission « La prochaine fois je vous le chanterai »…

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  12. Michel BOUTET 20 mai 2014 à 18 h 06 min

    On peut reprocher beaucoup à Valérie Lehoux, mais accordons-lui d’avoir choisi le mot juste quand elle écrit, et nous avertit, que Christophe « s’attaque » à Brassens.
    En félicitant au passage Patrick Engel, que je sens un peu moqueur, je suggère que Christophe s’en prenne la prochaine fois à l’ami Joyet et plus particulièrement à son « gérontophile ». Pour éviter toute erreur qui vexerait fort logiquement l’auteur, je lui adresse le texte en langage « préparé » :

    « Certes, un de nos cons génère,
    On, l’âne amie, pis un sein cul, hier,
    Deux tombes, hé bé, m’entame, ou re
    Dope luge Haneke

    Quelle queue d’enjeu remania que
    Qui de leurs arts d’heurs, démone, y’a que
    Vert l’étang, d’ronds, les jouvances scellent
    Hèle les plus sel » (ou poivre, si Christophe préfère)…

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  13. Patrick Engel 20 mai 2014 à 18 h 50 min

    Pas mieux !

    Et je m’incline bien bas, tiens…

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  14. Henri Schmitt 20 mai 2014 à 19 h 52 min

    Ahhhhhh, que je partage la colère de mon ami Michel ! Je ne suis pas un fan ou un anti Christophe, j’ai écouté certains de ses titres quand ils passaient « dans le poste », mais ça s’arrête la. Il y a des années de cela, pris en « stop » par un jeune type dans le sud de la France, j’ai appris que les chansons de Christophe étaient très chiadées au niveau de l’harmonisation. Mais je n’ai pas vérifié… Quelqu’un peut-il confirmer ? Par contre, reprendre Brassens pour en faire ça, bah, est-ce que c’était vraiment indispensable ? Il n’a d’ailleurs pas une voix terrible là-dessus, et je ne mentionne pas la guitare. Je n’irai pas m’aventurer a écouter sa prestation en hommage a Allain Leprest, il m’a vacciné !

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  15. Michel TRIHOREAU 21 mai 2014 à 9 h 09 min

    Tous les mots bleus
    Tous les vante bleu
    Les sacque bleu et les connes gidouilles….

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  16. Nicolas 21 mai 2014 à 18 h 31 min

    Certains disent que Christophe pourrait chanter le bottin et être passionnant… C’est souvent vrai. Mais quand il interprète de la chanson « à textes », sa conception du chant (où grosso modo le son prime sur le sens) va à contre-sens et ruine le propos. En 2011, il avait déjà massacré « Où vont les chevaux quand ils dorment », sur le dernier album d’Allain Leprest. Le son de sa voix était intéressant, mais le texte (pourtant magnifique) inintelligible… La magie opère mieux dans l’autre sens, quand il donne (grâce à son feeling) une épaisseur à des mots qui, au premier abord, paraissent ne pas en avoir.

    Pour une fois, je suis d’accord avec les critiques des Sonos Tonnent: http://www.telerama.fr/musique/les-sonos-tonnent-le-club-chanson-99-christophe-et-jean-louis-aubert,112452.php

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  17. Babeth 25 mai 2014 à 19 h 53 min

    Je lui dirais les mots vieux, les mots qu’on dit avec les bœufs…..

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  18. Patrick Engel 30 mai 2014 à 14 h 59 min

    Control C + Control V, c’est pratique, hein..?
    (voir ci dessus, Babeth…)

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