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Fête de l’Huma 2015. De boue, les damnés de la Terre ! [2/3]

Ticken Jah Fakoly (photo Vincent Capraro)

Tiken Jah Fakoly (photo Vincent Capraro)

C’est peu dire que la fête continua toute la nuit à l’arrière des stands et au sein du camping, comme c’est peu dire que la nuit (quelle nuit ?) fut très, très courte… Quoi qu’il en soit, l’Huma ne serait pas l’Huma sans les aléas météorologiques, et ce vendredi fut bien trop ensoleillé pour être honnête : c’est donc sous une pluie battante et persistante que nos charmantes frimousses ahuries et chiffonnées émergent de la moiteur subtropicale de nos modestes abris de toile… Le déluge est là, bien là, nous sommes las, bien las. Et cette satanée flotte ne nous laissera quasiment aucun répit durant les deux jours à venir ! Requinqués par un très léger petit déjeuner diététique végan et sans gluten (cassoulet-huitres-potée auvergnate-chantilly), c’est les pieds lourds de boue et le cœur léger que nous nous dirigeons vers la scène Zebrock, à l’autre bout du parc de la Courneuve.

Sur le programme, un groupe au nom intrigant : Les Blondes. Sur scène, un épatant combo de trois filles (guitare/basse/batterie), épaulé par rien moins qu’Henry Padovani, requin de studio international et accessoirement, membre initial de The Police (eh ouais, chez NosEnchanteurs, on s’instruit en s’amusant…).  Musicalement, le propos se fait volontiers pop/rock sixties, entre Téléphone et les Brigittes, entre Chrissie Hynde et Barbarella, si vous voyez l’image. L’ensemble est encore un peu brouillon par moments, mais plutôt réussi au final.  Et Padovani, défouraillant son six-coups, est impérial à la six cordes…

Soviet SupremRetour à la Grande Scène (tout à fait de l’autre côté, si vous suivez bien) pour retrouver dans leur pompes et dans leur œuvres les facétieux Soviet Suprem et leur drôle de révolution musicale. Entre chanson, rap, electro et musiques de l’Est, Sylvester Staline et John Lénine font leur entrée en grandes tenues d’apparat chics. Plus connus sous les noms de Toma (du groupe La Caravane passe) et R.wan (du groupe Java), ils sont flanqués aux platines de l’impassible et fameux DJ Croûte-Chef. Enflammant le public trempé (il faut le faire…) de leur martial rock electro-balkanique, ils nous démontrent de belle façon qu’il y a vraiment du monde aux Balkans. La pluie, mauvaise élève, redouble : heureusement que les Soviets épongent. Baignés tout à la fois par leur flow et par les flots déversés du ciel, nous nous abandonnons avec délice au chant rugueux d’un sax soprano joué façon klezmer, dans une ambiance de folie plus Kusturica que Costa Rica.   La foule en délire est serrée, compacte, impressionnante.  Emporté par la houle, le public piaffe, eh dites. Et que dire de cet automnal violon tzigane ayant chanté tout l’été… Gâteau sous la cerise, enflammés par les chœurs de l’Armée du Gros Rouge, nous avons même droit à une visite sur scène du Président Salengro lui-même, venu apporter le salut du Groland.  La classe !!! Nasdrovia, kamarad, et bons baisers de Russie !

Puisque nous voici embourbés jusqu’aux genoux, restons devant la Grande Scène pour profiter pleinement sous ce grand soleil radieux cette saloperie de flotte glacée du concert chaleureux du grand Tiken Jah Fakoly. Accompagné par une section de cuivres rutilants sévèrement burnés, aussi hiératique que la statue du Commandeur, il impose d’emblée une stature et une présence incroyable, vêtu d’un splendide boubou de cérémonie païenne, plastron d’or et paroles de même. Moderne griot au reggae impliqué, artiste dégagé plutôt qu’engagé, c’est l’Afrique qui réchauffe la Courneuve en appelant à la révolte : black griot, white riot… La musique et les rythmes ne sont pas en reste, riffs syncopés priez pour nous, sonnez kora, raisonnez prophètes… Tiken Jah Fakoly, on est tous mandingues de lui !

(photo DR)

Sharleen Spiteri (photo DR)

Puisque nous voici embourbés jusqu’à la taille, ne quittons pas la Grande Scène puisque voici venir la charismatique Sharleen Spiteri, égérie intemporelle du groupe Texas (25 ans d’existence et 38 millions d’albums vendus. quand même…). La Courneuve-Paris-Texas, un bien beau voyage sonore à la Wim Wenders : soutenue par une putain de section rythmique, la divine brunette androgyne en veste de treillis est toujours égale à elle-même, volcanique, abrasive et rassurante tout à la fois… Texas de cœur, brelan de dame. Titre intemporel au possible, pied de nez aux éléments déchaînés, la belle entonne le fameux « Here come the summer son ». A ce moment là, une tong gonflable géante traverse la foule tranquillement façon Hellzapoppin, ne me demandez surtout pas pourquoi !   Imperturbable, la Spiteri déroule sa pop-folk-rock en vieille routarde de Dijon du circuit, et je vous prie de croire que ça le fait de belle et efficace façon.  Déesse rock en battle-dress, décidément oui, plus que jamais l’icône folk intemporelle est hardie…

Puisque nous voici embourbés jusqu’au cou et la tête dans les étoiles, conservons nos quartiers au pied de cette Grande Scène de plus en plus détrempée pour accueillir l’incontournable Manu Chao. Bon, soyons honnêtes (une fois n’est pas coutume…), on l’a vu des dizaines de fois en concert, on connait un peu par cœur le principe et l’idée et pourtant, bordel, on se laisse choper et emporter par l’ambiance de feu et de fou, par les refrains attendus et espérés, par l’ambiance survoltée et terriblement bon enfant. C’est dès son entrée en scène une véritable euphorie collective comme rarement vue (et pourtant…), de quoi réfléchir vraiment quant au pouvoir incroyable d’une simple chanson à réunir et à fédérer des milliers de si belles énergies humaines… Les cuivres chaleureux et puissants se font sang de la terre, sang de la vie, offrant un pont vertigineux entre les rythmes et les mots, entre le rite et le beau, entre les tripes et la peau. Trublion troublant, il chante en lançant des fils au sein d’une véritable marée humaine épandue à perte de vue. Cette marée qu’on a dans le cœur, et pas qu’un peu… Trouant l’obscurité et l’obscurantisme de la nuit, les lumières du concert, de la fête, de la vie, sont un fanal d’espérance et, en ce moment précis, je vous jure que la fraternité n’est pas un vain mot… C’est con, hein, de se dire qu’un chanteur peut redonner foi en l’être humain ? Pas grave, c’est dit, j’assume… Oui, fédérateur au possible, Manu Chao ce soir là est un chaman, un passeur, un enchanteur ! Allez Manu, ciao !

Comment, dès lors, faire pour se retrouver après un moment comme celui-ci.. ? Peut-être bien se perdre, dans tous le sens du terme, jusqu’au petit matin forcément blafard… Et croiser, peut-être, au hasard de rencontres improbables, le fantôme de Nerval : « Ne m’attends pas ce soir, car la nuit sera blanche et noire… ».

Mais demain est un autre jour.

Pour lire la première partie de ce reportage, c’est ici ; le troisième volet, c’est là. Image de prévisualisation YouTube

4 Réponses à Fête de l’Huma 2015. De boue, les damnés de la Terre ! [2/3]

  1. Rétrolien Fête de l’Huma 2015. C’est le luth final ! [1/3] | NosEnchanteurs

  2. Danièle Sala 18 septembre 2015 à 21 h 32 min

    Alors on peut dire que dans ce marathon de rythmes endiablés, et de flotte abondante, le bilan est globalement positif !

    Répondre
  3. Patrick Engel 19 septembre 2015 à 15 h 56 min

    Rassurons vite les inquiets légitimes, il n’y avait pas que de la flotte..!

    Répondre
  4. Rétrolien Fête de l’Huma 2015. Du PC, faisons table rase ! [3/3] | NosEnchanteurs

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