Manu Galure, le marcheur-chanteur à la belle allure
30 avril 2019, grange du château des Bruneaux, Firminy,
Bien que dans ce lieu pas chauffé, on ait dû distribuer des plaid, le chanteur est en tee-shirt, pieds nus. A la dure, le Galure ! Notre compagnon de la chanson fait son tour de France, presque son devoir. Celui d’aller au plus près des gens, de son public mais pas que. Ça fait déjà presque deux ans qu’il marche, à raison de quatre ou cinq heures par jour. Déjà 6700 kilomètres depuis cet équinoxe d’automne où il quitta Toulouse, 270 concerts, en salle ou chez l’habitant, parfois en des lieux improbables, singuliers. Jour après jour il marche et désormais connaît tout ou presque de l’Hexagone : les fromages du Jura, les bretzels d’Alsace, le vin pétillant de Champagne : il a déjà plus de souvenirs que quiconque et une géographie imparable. Même cette vallée vosgienne où longtemps il n’y eut pas de train : tout le monde y porte le même nom. Ou ce village où on assassina un instituteur bien trop beau au goût des autochtones… Loin des autoroutes du vivre vite, il sillonne par monts et par vaux. « J’ai dormi près d’un arbre / J’ai dormi près d’un an / Les saisons changent quand on dort vraiment ». Chaque jour il marche, salue les fleurs sur les chemins, babille avec les oiseaux, fait copain-copain avec les sangliers. Et fredonne en marchant de nouvelles mélodies, imaginant d’autres chansons qu’il offrira bientôt sur scène : « Je chante de tout mon cœur pour les gens qui m’écoutent / Je chante par tous les temps / Pour tous les gens / Pour les gens à tête d’oiseau ».
A l’entrée de cette grange, d’insolites bœufs. Au-dessus du piano, lui tenant tête, un mouton flanqué d’un chapeau. Et lui, Galure, faisant le beau, le fanfaron, le fou chantant. Car c’est ça, le Manu, filiation de Trenet et d’Higelin, qui bat les chemins pour apporter joie et bonne humeur. Avec son lot d’absurde, de non-sens, de folle poésie. « La nuit tombe à grosses gouttes / Tous les chats que la pluie dégoûte / Se retrouvent chez moi / Les oiseaux n’ont plus pied et je suis dépité / Je déteste les chats / Et tandis que ça mouille / On entend les grenouilles / Qui nagent dans le bonheur ».
Que de la joie, de la naïveté ? Pas toujours. Tapies dans le bois, il y a des histoires plus tendres encore. Et d’autres bien plus graves, qui dénotent. « Mon père disait que les chansons c’est comme les enfants. Parfois on les rate mais on les garde quand même ». De sa flûte il attire et noie les enfants d’Hamelin : « Gare à toi vilain vilaine / Si tu ne payes pas le musicien ! » Et dans cette autre « Ça pleut, ça tombe le fric / Pour faire des bombes... »
Des rats et des gerbilles, des pingouins (« qui doivent tourner le dos pour pas qu’on sente leur haleine ») et des manchots, des chameaux, des pompiers de Paris aussi… Galure est arche qui trimbale et sauve toutes sortes d’animaux.
De temps à autre, au gré de ses étapes, il emprunte. Ce soir au portugais Zeca Afonso, aux italiens Dario Fo et Enzo Jannacci, à l’helvète Sarcloret à qui, élémentaire précaution, il prélève son Pas si elles sont pas d’accord.
Il chante les pluies anciennes et les fleurs nouvelles, est comme un livre d’images dont il tire des histoires intrigantes et merveilleuses pour peupler nos soirées, nous faire rire, nous faire frémir. C’est le chanteur itinérant qui, de villes en villages, de floraisons précoces en vendanges tardives, fait son petit commerce de chansons pour les petits et les grands.
Plus que quiconque il me semble, Manu Galure fait son métier d’artiste, remettant chaque soir son travail sur l’établi, allant au plus près des oreilles des gens, nous ramenant sans déplaisir à des temps oubliés où télés, radios, CD, Deezer et net n’existaient pas. Le temps des trouvères et des troubadours, des colporteurs. Ce qu’il est, avec talent, avec rare bonheur.
Le site de Manu Galure, c’est ici (et les dates de son tour de France à pied) ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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