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Monsieur Lune, écrans asociaux

Monsieur Lune, photo d'archives ©Vincent Capraro

Monsieur Lune, photo d’archives ©Vincent Capraro

Il est né dans la musique, baignant dès l’enfance dans l’entourage de Renaud, sa mère étant son attachée de presse. Le petit blond à bouille d’ange a bien grandi, sa quarantaine bien entamée sonne alors qu’il chante depuis plus de vingt ans, et n’a rien perdu de son âme d’enfant. C’est sans doute pour cela que ses disques et concerts illustrés pour enfants plaisent autant. Mais les adultes ne perdent pas au change. Quand il se décide enfin en 2017 à consacrer un album entier à la divinité tutélaire Renaud, on a sans doute le plus bel hommage qu’on ait jamais rendu au chanteur énervant. Un chant naturel, et la tendresse pour les personnages perdus, qu’il rend tellement évidente.

MONSIEUR LUNE 2022 Ecrans plats sous couvCette empathie, Nicolas Pantalacci – son nom à l’état-civil – la partage, dans une expression moins radicale. Dans ce nouvel album, de sa plume au texte comme aux mélodies, Nicolas s’intéresse à la société qui l’entoure, aux petits par l’âge ou le statut, aux solitaires, aux exploités, aux humains tout simplement, avec leur grandeur et leurs faiblesses. Pas de chanson étiquetée. Nicolas est fidèle, toujours accompagné de ses musiciens d’origine, le multi-doué Sébastien Collinet réalisateur et arrangeur, à l’enregistrement, aux guitares, basse, clavier, piano, programmation ; Fabien Martin aux chœurs ; Frédéric Monaco à la batterie… et Aymeric Létoquard au mixage.
Et Sébastien Rost, à l’illustration, qui donne ce caractère tellement « vieille cuvée » à ces scènes de vie, où l’on croit déceler les coups de pinceau légers ou chargés de couleur chaude, alors que la palette a été générée numériquement… via les écrans. 

La voix de Nicolas est toujours aussi douce, attentive, caressante, à peine voilée sans qu’elle ait dû se charger du fond du cendrier ou du cul de la bouteille. Telle le pinceau (virtuel) elle effleure avec grâce son sujet, l’artificialité du monde, les privilèges des uns, et le rien des autres, ou le temps qui passe « Ça y est mon ami on s’en va / C’est drôle de partir avec toi ». Là encore, l’empathie est là, l’ami ne part pas tout seul.

MONSIEUR LUNE 2022 Écrans platsNicolas a choisi de voir le monde qui l’entoure à travers les écrans, comme nous l’avons vu pendant ces trois années de parenthèse pandémique, et dont beaucoup n’arrivent pas à se remettre, à se replonger dans le réel. Les filles prennent des selfies filtrés pour attraper des j’aime ou peut-être le Prince charmant. « Balance ton corps pour attraper les cœurs / Montre ton cul, on t’enverra des fleurs / Laisse Roméo crever en haut de l’échelle / Au Prince charmant, une balle dans la cervelle ». Tout parle de solitude, de départ, de séparation, d’injustice aussi - « Les gens d’en haut  / s’envoient en l’air  / Éclairés par ceux de l’arrière » -  dans ce bel album mélancolique et doux, où les musiques, mélange d’instruments et d’ambiances électroniques, dansantes, mâtinées de sons d’ici et d’ailleurs, sont plus joyeuses que les textes.

MONSIEUR LUNE 2022 Ecrans plats CabuIl y a des chagrins intimes, où l’on pleure sous la pluie, où l’on s’accroche à la nuit pour rappeler ses souvenirs, où l’artiste sème discrètement ses indices « Adieu ma chair tu pars trop tôt ce soir » et se fait ces reproches qu’on s’est tous adressés à un moment ou un autre « Si j’avais su (…) / J’srais venu plus souvent ». Et des chagrins sociaux, chantés tout doux, mais qui finissent en poing levé « Ton modèle s’est cassé / C’est la loi du marché / On achève bien les pauvres / évidemment », en colère contenue mais d’autant plus bouillonnante contre ce monde qui mène par le fond, une nuit de septembre, un enfant qui lâche la main de celui qui l’ « emmène ailleurs / Vers un autre monde », ou achève le rêveur « une aiguille dans le bras », celui « si seul dans ce lit trop grand » à qui l’on n’a donné comme ambition que d’être une Tête de gondole.

Et puis vient le chagrin ultime, où se fondent chagrin personnel et social, chef d’œuvre d’émotion dans son texte si simplement évident, comme dans son accompagnement musical, rendant l’affection, la sidération, le monde qui s’effondre, dissone, enfle, résonne, s’éteint : « Mais comment c’est possible ? / Mais que s’est-il passé ? / Pour qu’ils tuent le seul homme /  Qui ne vieillissait jamais /  T’as vu ils ont tué Cabu /  Plus de coupe au bol / Mais des balles qui volent ». Mais taisons-nous, écoutons. 

- Catherine LAUGIER

Monsieur Lune, Écrans plats, 2022, Papaluna. Le site de Monsieur Lune, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
Un projet de spectacle musical, « Filmoconcert » évoquant la vie de chaque personnage de l’album via leur vie sur les écrans est en cours. 

 

« Cabu » (Clip réalisé par Sébastien Rost & Monsieur Lune, animé par Aurélien Baudinat) Image de prévisualisation YouTube
« Prince charmant », clip février 2023 Image de prévisualisation YouTube
« Pourquoi t’es là », en session au Studio Luna Rossa mai 2023 Image de prévisualisation YouTube

Mises à jour vidéos 8 novembre 2023

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