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Au grand dam de Camélia

Camélia Jordana à la "une" de L'Obs

Camélia Jordana en Marianne à la « une » de L’Obs, en décembre 2015

Chaque année, le pays de la « Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen » s’enfonce plus encore dans l’indice des Libertés Humaines (32e place en 2018), de la démocratie (29e place en 2019), dans le classement, aussi, de la Liberté de la Presse (où nous sommes désormais relégués à la 34e place). Année après année, la France s’éloigne des libertés qu’elle a jadis appelé de ses vœux. Dans un hallucinant déni de ses dirigeants.

Il y a quelques années, la chanson J’ai embrassé un flic, de Renaud, a pu susciter nombre de réactions, de part et d’autre de ce fameux baiser. Chanson certes justifiée par l’émotion d’un événement (l’immense rassemblement suite au massacre de Charlie-Hebdo), mais dont la diffusion à plein tube (dans le passé, radios et télés ont été plus prompts que ça pour retirer une chanson alors jugée inopportune) s’est heurtée, façon de parler, aux violentes répressions policières lors de manifestations étudiantes. On ne sait les affres du jeune fan/fanatique de Renaud qui le soir applaudissait son idole en scène et le lendemain se faisait méchamment tabasser par un cogne : est-ce cela le « baiser de la mort » ?

S’il existait un indice mesurant la confiance du citoyen lambda envers la force publique, on verrait chaque jour plus encore comment celle-ci dégringole. Rappelons-nous des manifestations des Gilets jaunes et du nombre de ses mutilés, de celles contre la réforme des retraites, du sieur Benalla toujours impuni au contraire de ses victimes, des nombreux abus de verbalisation durant le confinement…

Oui, le citoyen lambda a peur de sa maréchaussée. Le ministre de l’intérieur n’a pas à s’en offusquer, lui qui a tout fait pour. « C’est partout le bruit des bottes (…) On a beau me dire qu’en France / On peut dormir à l’abri / Des Pinochet en puissance / Travaillent aussi du képi » chantait, prémonitoire, Jean Ferrat.

Il suffit qu’une chanteuse, Camélia Jordana, le dise pour que ce soit branle-bas de combat : « Il y a des milliers de personnes qui ne se sentent pas en sécurité face à un flic, et j’en fais partie ». Ça et des propos que d’aucuns tiendront pour excessifs sur le racisme des forces de police, même si nombre de faits l’attestent. Émotion des syndicats de police, colère du ministre. Et ce sinistre et opportun guignol d’Hanouna, présumé supplétif de la place Beauvau, qui tente de mettre plus bas que terre Camélia : « Je ne savais même pas qu’elle existait encore. Mais qu’est-ce qu’on s’en tape ! Camélia Jordana, elle a vendu trois disques dans sa vie. Je suis désolé mais c’est qui Camélia Jordana ? Je croyais que c’était une fleur moi ». Lui ainsi qu’une cohorte télévisée de prétendus spécialistes de la chose publique, et de doctes représentants de la droite extrême et de l’extrême-droite.

Faut-il humilier Camélia Jordana afin de cacher sous le tapis cette « peur du gendarme » qui chaque jour s’accroît, de ces flics qui il y a peu tabassaient encore les infirmières, quand ceux-ci sont censés nous protéger, pas nous asséner de coups ?

Notre époque est telle qu’il suffit de fredonner Hécatombe de Brassens (« En voyant ces braves pandores / Être à deux doigts de succomber / Moi, j’bichais car je les adore / Sous la forme de macchabées / De la mansarde où je réside / J’excitais les farouches bras / Des mégères gendarmicides / En criant Hip, hip, hip, hourra ! » devant des pandores pour être traînés en justice. Qu’on interdise cette chanson, ce sera moins hypocrite !

Il m’en vient une autre, séditieuse mais délicieuse, de Charles Trenet. Les frénétiques du carnet à souche vont apprécier : « Sur les bords de l’étang bleu / Il y avait un âne… bleu / Et cet âne-là rêvait / Qu’il était gendarme / Et cet âne-là rêvait / Qu’il était gendarme… à pied ».

 

Renaud chante Brassens « Hécatombe ».

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Charles Trenet « L’âne et le gendarme ».

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Camélia Jordana « Mon drapeau »

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Camélia Jordana « Freddie Gray »

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12 Réponses à Au grand dam de Camélia

  1. Lapierre Jean 28 mai 2020 à 14 h 13 min

    Bravo Michel ! Je te suis sur toute la ligne…
    Je sentais – suivez mon regard – un certain racisme anti-chanteur (euse) à propos de Camelia… Comment une chanteuse peut se mêler de tout ça?!
    C’est bien que tu reviennes aux « papiers d’humeur » sur cette zone libre de « Nos enchanteurs » !

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  2. François Barriet 28 mai 2020 à 14 h 13 min

    Tout est dit ; merci Michel Kemper

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  3. Odile Frison 28 mai 2020 à 14 h 14 min

    Merci pour votre article. Je pense que nous sommes nombreux à avoir peur de nos « Gardien de la PAIX »… et de constater que nos libertés disparaissent peu à peu, lentement mais sûrement (sous couvert du Covid)

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  4. Catherine Laugier 28 mai 2020 à 15 h 17 min

    Depuis que les flics ne sont plus des gardiens de la paix mais des forces de l’ordre habillés en startrooper, on a peur (ça rime). Même s’il n’y en qu’une minorité d’agressifs (statistiques à faire), ils sont armés comme à la guerre, et ça fait mal.

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  5. Maï Usclade Gagne 28 mai 2020 à 15 h 20 min

    J’aimais bien le garde champêtre, l’hirondelle sur son vélo, le monsieur en uniforme au centre du carrefour, ou celui qui tendait des bras protecteurs aux écoliers que nous étions pour les faire traverser la rue…mais j’avoue être froussarde face aux robocops tout droit sortis d’un film de science fiction de ma jeunesse armés jusqu’aux dents et dont on ne voit ni le visage ni le regard…

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  6. Michel Kemper 28 mai 2020 à 15 h 50 min

    J’ai dû répondre, sur facebook, à certains commentaires désapprobateurs, du style « un tel article n’a rien à faire sur un site qui parle chanson ».
    NosEnchanteurs est un Quotidien d’information de la chanson, et pas nécessairement de celle, mièvre et fade, qui n’a rien à dire et ne dit effectivement rien. Que je sache, Camélia Jordana, qu’on peut aimer ou pas, est dans la chanson. Et participe à l’actualité de la chanson. Elle a le droit d’engager un débat. Même si on peut trouver ses propos un peu excessifs (le terme de « massacre », que je n’ai pas repris dans l’article, n’est certainement pas adapté et ne trouve son excuse que dans l’émotion d’un débat télévisé où les mots ne sont pas forcément calculés), ils n’en ont pas moins une solide base de vérité, malheureusement étayées par des chiffres dont certes les médias ne font pas grand étalage.
    Entre nous, aurait-on critiqué François Béranger s’il avait tenu de tels propos ? Je crois que le simple fait que ce soit une femme qui les tiennent, qui plus est petite-fille d’immigrés algériens, y fait pour beaucoup dans le violent rejet dont elle fait l’objet.

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  7. Adriana Gonzalez 28 mai 2020 à 17 h 46 min

    Merci, Michel, de cet article. J’ai participé en janvier aux manif contre les violences policières en France ; j’ai même filmé une femme en chaise roulante à cause de ses pieds massacrés par la police et vu des éborgnés à la manif a Montpellier

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  8. André Robert 28 mai 2020 à 20 h 43 min

    J’abonde dans votre sens bien sûr.
    Je m’inquiète quand même un peu pour la jeune Camelia : le pouvoir de nuisance du ministère de la pensée est redoutable. Pour faire face il faut avoir des reins…d’airain, comme ceux du Pr Raoult par exemple.
    Sinon il faudra qu’elle prenne des cours de cirage de pompes. Parmi ses pairs on trouve des maîtres dans ce domaine.

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  9. Michel Trihoreau 31 mai 2020 à 6 h 06 min

    Un certain Derek Chauvin vient d’ajouter de l’eau au moulin qui tourne hélas trop vite !

    Camélia n’a fait que reprendre Coluche qui disait il y a quelques décennies : «n’ayez pas peur, on n’est pas de la police» !

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  10. Gallet 31 mai 2020 à 20 h 35 min

    En 1967 : Jehan Jonas, son « Flic de Paris » n’était pas seulement folklorique….
    https://www.youtube.com/watch?v=iLS5cT0P0gI

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  11. POMMIER Marc 4 juin 2020 à 12 h 33 min

    OUI, moi aussi j’ approuve cet article dans son intégralité !!! OUI, les manifs dans certaines villes peuvent inquiéter face à la brutalité d’ une partie de la police et cette partie là adhère aux idées du rassemblement nazional.

    Les ordres bien évidemment viennent du gouvernement, du brute ministre de l’ intérieur,menteur, arrogant et de son préfet(ré) LALLEMMEND qui fait du chiffre.

    Certains préfets font moins de zèle et dans ce cas là, la police tient le rôle qu’ elle devrait tenir. C’est le cas à LIMOGES, où avec toutes manifs que j’ ai faites, je n’ ai pas vu d ‘ agressivité en eux.

    A Lyon, la ville à Gérard couillon … il y a le mouvement identitaire qui joue un rôle de milice … sans que la mairie ou tout le saint flusquin ne s’ en indigne.

    Les exemples de crimes de la police sont nombreux … souvenez-vous Rémy FRAISSE, il y a beaucoup plus longtemps Malik OUSSEKINE, et ce jeune homme à NANTES, l’ an passé à la fête de la musique que l’ on a retrouvé des semaines après, noyé. Cette dame à Marseille qui a été visé alors qu’ elle était à sa fenêtre … Ce pouvoir dérive dans l’ ignoble, que d’ affaires classées sans suite !!!

    Nous aurons pu combattre certains gouvernements sans trop de dégats !!! mais depuis le début du siècle, il y a une nette régression sociale et humaine. La France, apparait maintenant dans des palmarès désolants ! L’ ordre mondial sévit avec des fous dangereux dans de très grandes puissances. Le mépris des peuples minoritaires ( Palestine, Kurdes, Yemen, peuples africains, indiens d’ AMAZONIE, Rohingya etc, etc !!!

    J’en finis avec mon commentaire … je soutiens pacifiquement et comprend ces soulèvements aux USA, en France et ailleurs !
    Par contre, les HANOUNAS, ZEMMOUR ne sont que des collabos de ce gouvernement à gueules puantes grandes ouvertes !!!

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  12. André Robert 6 juin 2020 à 11 h 22 min

    Camélia voit arriver un renfort de poids avec Omar Sy et sa pétition contre les violences policières.
    Cela dit, il ne faut pas se focaliser uniquement sur la violence racisée. Les « blessures de guerre » (selon les propos de divers chirurgiens) pendant les manifestations des gilets jaunes, des soignants ou d’autres sont encore dans toutes les mémoires.

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