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Myriam Gendron : fouilles au corps de la chanson

Myriam Gendron

Myriam Gendron (photo du disque lui-même)

Folk et trad dans la chanson française : rigaudon, cornemuse et Mélusine ? Pas que. Dans son deuxième opus, l’autrice-compositrice-interprète montréalaise Myriam Gendron nous montre que notre passé de chanson se situe aussi dans d’autres racines.

Né d’un simple constat personnel (l’existence « d’un trou dans [ses] connaissances en matière de musique populaire québécoise »), l’artiste qui est aussi libraire dans l’artère principale du Mont-Royal (le goût des mots est son quartier) creuse ici bien plus profond qu’une simple excavation en mode bilingue de vieilles trouvailles supra-connues.

Ma délire, Songs of love, lost & found – titre de cet album bilingue donc –, c’est un peu des strates de roches sédimentées à l’organique, dans un lent travail (de sept ans) d’imprégnation, de concrétion, de transposition, d’exfoliation de « joyaux méconnus » de l’héritage de la chanson, le tout coulé dans le réel. Serait-ce en effet le léger ressac du Saint-Laurent qui se ferait entendre sur « Shenandoah » ?

Ce qui est sûr c’est que des fragments de sa résidence artistique au Parc du Bic non loin de Rimouski – dans un ancien moulin dédié à la réparation de bateaux – se retrouvent tout droit dans ce quinze titres : Ma Délire, ancienne chanson aux origines à la fois européennes et québécoises, baigne son auditeur dans un long instrumental peuplé de bruits du quotidien (radio, outils de l’atelier, voix de sa fille) avant d’entrer dans les mots, mots lancés à une amante perdue : « Comment font-ils ceux qui n’ont pas de maîtresse / Ils passent leur temps bien misérablement / Moi qui avais su choisir la plus belle, il faut boire et lui parler d’amour ».

Perte de l’âme (ou) de la terre aimée – sans nostalgie, Myriam Gendron qui « se désole d’une telle obsession aujourd’hui pour l’originalité » et qui définit le folk comme « la musique que font les gens aujourd’hui avec l’héritage qui est le leur », reprend des paroles bien humaines, tout simplement. « Les doux plaisirs de l’automne valent bien ceux du printemps », chante-t-elle dans C’est dans les vieux pays, une des quatre compositions originales de l’album.

Myriam-GendronAinsi l’est aussi Poor Girl Blues, fusion au féminin d’un classique du blues américain « Poor Boy Long Way from Home » et du « Canadien errant » de Léonard Cohen (une chanson clé pour la musicienne) : « Chuis une pauvre fille loin de ma famille / Mon pays, je ne le verrai plus / Les beaux jours sont disparus / J’erre sur la terre comme une étrangère ». Ou encore Shenandoah, ce monument américain des montagnes Appalaches, subtilement adapté en français pour ne plus laisser filtrer que ce qui renvoie au commun ­– exit le Missouri, voici que « roule roule la rivière /[…] jusqu’au bout de la terre ».

Et roule la voix claire, large de tessiture, parfois rauque, parfois légèrement accentuée – on les écouterait à n’en plus finir ces chansons, tellement le tout enveloppe, sur les élans de l’électrique, la rondeur du hautbois sur I wonder as I wander ou encore l’étonnant fouillis rythmique erratique de La jeune fille en pleurs, comme épousant les sentiments.

Des arrangements qui ont déjà conquis les États-Unis, décrochant la note de 8/10 sur Pitchfork, magazine très exigeant de critique musicale, et qui se sont par la même occasion bien fait remarquer côté franco. C’est que les albums de Myriam Gendron ne naissent jamais du hasard… ou presque. Des dorures d’une vieille édition d’un recueil de poèmes de la truculente Dorothy Parker était ainsi né il y a sept ans son premier opus, Not so deep as a well. C’est le temps qu’il faut pour donner corps à la chanson.

 

Myriam Gendron, Ma délire, Songs of love, lost & found. 2021. Le facebook de Myriam Gendron, c’est ici ; pour écouter et commander, c’est là

 

« Ma délire » par Myriam Gendron : Image de prévisualisation YouTube

« Ma délire » chanté par Claude Gauthier : Image de prévisualisation YouTube

« Ma délire » chanté par Dominique Tremblay et Philippe Gagnon 

(pour mémoire) « Ma délire » chanté par Gabriel Yacoub et Sylvie Berger dite La Bergère : Image de prévisualisation YouTube

 

Au fait, pourquoi ce « Ma » et pas « Mon » ? La réponse est ici.

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